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24h avec Vigen Badalyan, sur ses terres arméniennes

Entreprendre - 24h avec Vigen Badalyan, sur ses terres arméniennes

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De notre envoyé spécial Antoine Bordier

Vigen Badalyan, à la tête, avec son frère Vahe, d’un groupe familial 4.0 qui pèse plusieurs centaines de millions d’euros, vient de passer 24h sur ses terres agricoles arméniennes. Lui, le surdoué de la ‶new tech″, avec ses 5 000 salariés et une présence mondiale à faire pâlir les start-ups de la Silicon Valley, fait le pari de devenir un acteur incontournable du secteur agricole dans le Caucase et au-delà. Immersion au coeur des premiers bourgeons en fleurs de ses arbres fruitiers.

Son 4×4 est là. Avec sa collaboratrice, Mane, nous filons dans le nord du pays. Il faut un peu moins d’une heure pour faire la route entre Erevan, la capitale, et le village de Karbi où se situent les terres agricoles d’ArLeAM. « Dans cette nouvelle activité et dans ce secteur agricole, tient à préciser Vigen, je gère tout avec l’équipe en place et mes partenaires. Je m’y rends une fois par semaine, quand je suis en Arménie. Je peux même dormir sur place. »

Lancée en 2016, la marque veut devenir rapidement une référence nationale et internationale. Vigen n’aime pas parler de chiffres, mais il a déjà investi en cinq ans plusieurs millions d’euros. Sa référence en matière agricole reste l’Europe de l’Ouest. Lui qui est parti de zéro en commençant par vendre des yaourts, avec son frère, a gardé les pieds sur terre. Dans la ‶new tech″, le gaming et l’intelligence artificielle, il s’est fait un nom mondialement connu avec SoftConstruct. Avec ArLeAM, y arrivera-t-il dans l’agriculture ?

En arrivant sur place, le 4×4 emprunte un chemin de terre. Des moutons à la toison blanche et brune gambadent et broutent l’herbe grasse. Le soleil est au zénith, il est midi. Sur une centaine d’hectares, il a planté des arbres fruitiers à perte de vue. Sa seule limite c’est le terrain, et, les montagnes alentours qui tutoient le ciel bleu. Il explique que « la terre est très pierreuse ici. Pour agrandir le domaine agricole et planter une trentaine d’hectares de nouveaux arbres fruitiers, nous avons dû travailler le sol à l’aide d’explosifs bien spécifiques, respectueux de l’environnement. »

L’environnement est superbe. On se croirait en Argentine, à Los Arboles (les arbres), à Tunuyan, à 1 400 mètres d’altitude. Ici, les terres sont situées entre 1 100 et 1 250 mètres. Et, l’impression de gigantisme s’explique par la taille du domaine, certes, mais, également, par les montagnes alentours qui dépassent les 4 000 mètres. Leurs sommets sont, encore, recouverts de neige.

Une ferme ultra-moderne

Le 4×4 se gare près d’un entrepôt de 2 000 m2. Une partie du personnel l’attend et le salue. Les présentations sont rapides. L’architecte, qui est chargé des 3 ou 4 chantiers actuellement, en cours, est là, également. Vigen organise la visite. « Ici, dit-il en montrant l’emplacement, ce sera le restaurant, avec le laboratoire de qualité et de tests. Plus loin, il y aura de nouveaux frigos pour la production. Et, de l’autre côté un autre entrepôt. »

Une vingtaine d’ouvriers s’affairent sur les différents chantiers. Avec son architecte et son directeur, il échange, pose des questions, parle de l’avancement des travaux. Il trouve que cela ne va pas assez vite. A 13h00, il a rendez-vous avec une partie de son équipe. Actuellement, 30 salariés font tourner l’activité de la société. Parmi eux, le directeur s’appelle Manuk Khudoyan. Il connaît son sujet par cœur.

Sur les chiffres de production, il explique qu’« en 2020, nous avons produit plus de 1000 tonnes de pommes et en avons exporté la moitié vers la Russie. Nous avons, aussi, produit plus de 100 tonnes d’abricots. Si vous regardez bien notre logo, il représente une pomme et un abricot. Cette année nous produirons près du double et ce sera, essentiellement, pour l’Arménie. » Dans cette ferme, Vigen a mis les moyens. A l’intérieur de son premier entrepôt, il a acquis la machine par excellence. « C’est la première en Arménie, explique-t-il. Elle fait pratiquement tout : les fruits qui sont récoltés, à la main, tient-il à préciser, sont amenés ici. La machine les lave, les sélectionne et les trie. » Il ne reste plus qu’à les emballer. C’est certainement l’un des points forts de Vigen, il sait s’entourer, et, sourcer les meilleurs fournisseurs. Il est allé chercher sa machine dans les Pays-Bas, chez Greefa exactement. C’est le leader mondial incontesté dans la technologie du tri et de l’emballage. Autre innovation : le solaire. Vigen a fait installer sur sa ferme un système solaire, qui produit déjà une capacité de 250 kwh. De quoi être autonome.

Du travail, des partenaires et des valeurs

Vigen enchaîne les réunions. Sa casquette noire rivée sur la tête, il ne déjeune pas. « Mangez des pommes ! », dit-il à la cantonnade. Cette expression raisonne dans le bureau, qui se situe à l’étage. En France, elle rappelle le slogan emblématique utilisé par Jacques Chirac, lui-même, en 1995. Elle lui aurait permis de gagner l’élection présidentielle de la même année. Vigen, lui, n’a pas sa marionnette des Guignols, dans la célèbre émission de Canal+. Il ne devrait pas en avoir besoin. L’heure est à l’analyse et à la découverte de nouveaux produits. Des pommes épluchées sont amenées sur la table. « Ce sont des Golden et des Granny Smith ».

Il produit, aussi, plusieurs variétés de pommes rouges, les Red Delicious et les Gala. Il débouche une bouteille de vin, déguste des liqueurs, et, reçoit des producteurs. Puis, il travaille de nouveau, avec son directeur, son responsable financier, et, son auditeur. Le sujet : la mise en place de processus métiers et organisationnels pour opérer et suivre l’activité. Ils parlent, également, de chiffres. « Nous serons rentables dans 4 ou 5 ans », dit Vigen, en aparté, avec un certain aplomb. En bas, viennent d’arriver les dirigeants de la Fondation Card. Cette fondation, 100% arménienne, s’est spécialisée dans l’accompagnement des projets agricoles nationaux. Elle est née dans la continuité des projets entrepris et financés par le gouvernement des Etats-Unis et son département de l’agriculture. Après la chute de l’ex-URSS, les USA ont développé pour l’Arménie une sorte de mini ‶Plan Marshall″ pour reconstruire son agriculture. La fondation s’implique pour promouvoir et soutenir le projet de développement d’ArLeAM.

Des produits et des services

ArLeAM, c’est quoi en résumé ? C’est, donc, d’abord un nom, qui correspond aux prénoms de ses enfants. Vigen en a 5. C’est, ensuite, une équipe. C’est un lieu, une terre, des arbres fruitiers, et, les dernières techniques de production. C’est, enfin, des produits et des services. Parmi les produits, il y a, donc, les fruits : ces fameuses pommes jaunes, rouges et vertes. Ces abricots, de 6 familles différentes. Il produit, aussi, des fruits secs, dont raffolent les Arméniens. Mais pas qu’eux. Il y a, également, des chips au goût de carotte, d’aubergine, de betterave, et, de pomme. Dernièrement, ArLeAM a ouvert une nouvelle ligne de produits : celle du jus de fruits.   

Il ne le produit pas lui-même, comme le miel. Puis, il y a la bière et le vin. Le vin c’est le sien, ‶Door ″ (ou Porte) qu’il produit sur les plateaux de la célèbre vallée d’Areni, à 120 km au sud d’Erevan. Enfin, ArLeAM, c’est du thé et de l’huile. Au-delà de sa propre production, pour l’heure, ses arbres fruitiers, qui viennent de pépinières en Italie et dans les Pays-Bas, ne produisent pas encore la totalité de la production qu’il souhaiterait vendre. Il travaille, donc, avec d’autres producteurs locaux. Et, il offre, en plus, des services. Ces producteurs bénéficient, ainsi, de ses machines agricoles, de ses frigos, de sa marque, de son service de marketing et de son réseau de distribution.

« Nous proposons les services de tri de fruits et de légumes, avec notre ligne de production Greefa CombiSort. Nous proposons, aussi, des services d’emballage en carton et en bois. » Vigen sort de la pièce, et, se dirige tout droit au fond du premier étage où sont entassés ces emballages. C’est une denrée rare et coûteuse en Arménie. ArLeAM, c’est aussi un laboratoire spécialisé dans l’analyse, l’audit de qualité, le diagnostic des plantes, de la terre, et, des produits.

Une présence locale et internationale

Vigen est un homme pressé. Il veut grandir vite et bien. « Mon objectif, insiste-t-il, c’est vraiment de propulser la production locale au niveau national, dans un premier temps. Et, d’attaquer le marché international. Seul, on va plus vite, avec les autres producteurs locaux on ira plus loin. » Il va vite, et, très vite même. Il est, déjà, de par ses ventes à l’export, présent en Russie. Il est même devenu le sponsor de l’évènement de référence qui a lieu ces jours-ci à Moscou, le 28è Salon International de l’alimentation, des boissons et des matières premières alimentaires. C’est l’équivalent du Salon de l’Agriculture de Paris, sans les animaux. Près de 30 pays de l’Europe de l’Est et de l’Eurasie s’y donnent rendez-vous.  

« Cette année est très importante pour nous, explique Vigen. Nous serons tous sur le pont pour présenter nos produits, notre marque, nos objectifs. En tant que ‶General Sponsor″, nous nous donnons les moyens d’avoir une visibilité exceptionnelle. » Vigen repart avec les dirigeants de la Fondation Card. Direction ses terres. Pendant deux heures, ils vont fouler ces terres volcaniques, très riches en oligo-éléments pour l’agriculture. Entre les pommiers et les abricotiers, les équipes d’ArLeAM et de Card discutent de la production, de l’environnement, et, du micro-climat. Les arbres sont en fleurs. A l’horizon, dans la perspective de ses arbres, les sommets enneigés apparaissent et donnent une couleur hivernale picturale à l’environnement.

« Nous sommes ici dans un lieu historique, raconte Vigen en regardant autour de lui. Nous ne sommes pas loin des vestiges de la Basilique et du Mausolée des premiers rois d’Arménie, de la dynastie Arshakuni. » Il est tard quand il repart. La nuit a étendu son grand manteau noir. Cette semaine, Vigen Badalyan aura passé près de 24h sur ses terres arméniennes.

Reportage réalisé par Antoine BORDIER, consultant et journaliste indépendant


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