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24 heures avec Adel Chekir, le proviseur du lycée français d’Erevan

Entreprendre - 24 heures avec Adel Chekir, le proviseur du lycée français d’Erevan

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De notre envoyé spécial Antoine Bordier

Il est arrivé en septembre 2019 en Arménie, pour prendre la direction du lycée français Anatole France, qui se situe dans la capitale. Dans quelques jours, il s’installera dans son nouvel établissement. Portrait d’un passionné-visionnaire, qui aime autant le football que son métier.

Il est venu tout droit de France, mais, auparavant, il avait vécu en Roumanie, au Koweït et au Maroc. Né en Tunisie, Adel Chekir porte aussi bien le costume bleu, avec cravate, que le jean et le tee-shirt. Dans son bureau, le drapeau bleu-blanc-rouge côtoie le drapeau rouge-bleu-orange (couleur abricot) du pays. Sur le terrain du lycée Anatole France qui regroupe le primaire, le collège et le lycée, dans son ancien bâtiment comme dans le futur qu’il fait visiter à ses professeurs et aux parents d’élèves, à quelques jours de son déménagement, il est comme un poisson dans l’eau. « Nous attendions ce nouvel établissement depuis 8 ans, explique un parent d’élève qui travaille dans le secteur de la grande distribution. »

Une passion : l’enseignement

Dans son bureau, le proviseur feuillette le dossier du nouvel établissement Anatole France, qui est devenu prioritaire, à quelques jours de son ouverture prévue en mai. « Je m’y rends, quasiment, tous les jours. Je dois tout suivre dans les moindres détails. ». Adel Chekir, est un passionné. Exigeant avec lui-même, quand il découvre pour la première fois, en 2019, le lycée, il est très surpris. « J’ai accepté d’en devenir le proviseur pour relever ce défi du nouvel établissement. » En 1999, sous l’égide de l’Etat français et de l’Etat arménien est créée l’école primaire. Puis, en 2007, le collège et le lycée ouvrent. Situé près d’anciens entrepôts, plus ou moins délabrés, l’ancien établissement a de quoi surprendre. Il ressemble aux bureaux éphémères des années 1960, en préfabriqués. A l’intérieur, à n’en pas douter, il s’agit bien d’une école.

Au premier étage, de part et d’autre d’un long couloir, sont desservies les classes de l’école primaire, du collège et du lycée. En tout plus de 260 élèves y reçoivent un enseignement d’autant plus qualifié que les effectifs ne dépassent pas les 20 élèves par classe. De retour dans son bureau, après une visite rapide de ses différentes classes, Adel Chekir, évoque sa carrière. « Avec mon épouse, Nathalie, nous avons commencé notre carrière dans l’Education nationale en même temps. J’étais professeur des écoles, en France, puis, j’ai accédé, rapidement, aux fonctions de directeur d’école primaire, et, depuis 10 ans, aux fonctions de direction du second degré. J’ai, ensuite, commencé ma carrière internationale. » Elle l’a menée de sa Tunisie natale, à la France, où il a rencontré sa femme. Puis, du Koweït, où il a vécu avec toute sa famille de 2000 à 2006, à la Roumanie de 2006 à 2011, et, enfin à l’Arménie. Entre 2017 et 2018, ils vivent une année au Maroc, et, rentrent en France. Puis, direction l’Arménie.

Une école, une équipe, des familles et des parrains

Parmi les 260 élèves, 30% seulement sont des enfants de familles françaises expatriées. Les familles arméniennes, dont la plupart des parents ne parlent pas le français, ont fait le choix de confier leurs enfants à l’Education nationale made in France. « Oui, nous pouvons être assez fiers, explique le proviseur, car notre excellence éducative est recherchée. La France n’a pas à rougir de cela. Nous avons de très bons professeurs, et, une équipe administrative et technique très dévouée. » La force de cette école, est, certainement à rechercher dans ses programmes, sa pédagogie, ses professeurs, mais, aussi, dans le fait d’appartenir à une communauté qui la dépasse. « Nous nous considérons comme une ambassade en mission éducative française, aime-t-il à répéter. » Il est vrai que cet établissement est homologué par l’Education nationale et le ministère des Affaires étrangères. Membre du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, (plus de 540 établissements dans plus de 139 pays), il bénéficie de la force de ce réseau et de ses bonnes pratiques. Mieux, il enseigne 7 langues, dont le russe et le chinois. L’équipe administrative, enseignante, médicale et technique du lycée Anatole France est composée de près de 50 personnes. « Sans mon équipe, explique Adel Chekir, je ne pourrais rien faire. Au début, j’ai été très bien accueilli. Ensuite, je les ai entraînés vers ce nouveau projet d’établissement ». Le lycée étant payant, ils ont un système de bourses et de parrainage. Parmi les parrains, il faut noter l’accompagnement des sociétés arméniennes BetConstruct, Carrefour, et, de la Fondation Yezeguelian. L’Etat arménien étant un partenaire privilégié. Du côté de la France, c’est l’ambassade de France et l’AEFE, avec la région Auvergne-Rhône-Alpes et la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui apportent tout leur soutien au lycée.

Un nouvel établissement « énorme »

Adel Chekir est arrivé en avance avec l’un de ses professeurs, Sébastien Deletre, qui enseigne les Sciences Economiques et Sociales, et, l’Histoire-Géographie. Ensemble, ils commencent la visite, en attendant l’arrivée des autres professeurs, et, celle des parents d’élèves. Le bâtiment est impressionnant. « Il fait 6 000 m2, sur 3 étages, sous-sol et cour extérieure comprise, prévient le proviseur. 3 fois notre établissement actuel. » Sébastien Deletre est visiblement ravi : « Nous allons, enfin, avoir un établissement digne de ce nom, explique cet ancien patron d’entreprise, qui a suivi son épouse Laurence, professeur en CM2. » Dans cet établissement de 3 étages, paré de pierre de taille en tuf, extraite localement, chaque étage est disposé par niveau d’enseignement : au rez-de-chaussée, le primaire, puis, le collège, et, enfin le lycée. Dehors, les professeurs arrivent et font à leur tour la visite. Des ouvriers s’affairent, avec l’architecte et le proviseur qui joue son rôle de donneur d’ordre. Il regarde partout, fait des remarques, constate que les huisseries ne sont pas comme il les avait commandées, au niveau du vitrage, principalement. Il veut de la transparence. Puis, il s’écarte d’eux et confie en aparté : « Nous avons obtenu avec l’Etat arménien un bail emphytéotique sur 35 ans. Financièrement, nous allons réaliser des gains de l’ordre de 80 000 euros par an. Certes, les travaux sont à notre charge, et, l’entretien également. » Des parents viennent d’arriver. Certains sont accompagnés de leurs enfants. Parmi eux, il y a Victoria, 15 ans, actuellement en seconde. « C’est énorme, j’adore trop, s’exclame-t-elle. C’est la première fois que je vois une école aussi grande. » Elle parle un français à la perfection. « J’espère être utile à la France, ajoute-t-elle. » Ses parents ont décidé de lui donner une éducation francophone. Ils auraient pu choisir de l’inscrire dans une école internationale, puisqu’ils ont vécu aux Etats-Unis et en Autriche. Amoureux de la culture et de la langue française, ils ont mis Victoria dès leur retour en Arménie, au lycée Anatole France.

A l’école du football et de la vie

Les visites se terminent. « Tout s’est très bien passé, confie Adel Chekir. Les parents sont vraiment ravis. » Parmi eux, la famille de Krikor Djabourian est arrivée il y a 6 mois de Dubaï. « Mon fils Kerop est en CE1, il est très ravi. Mon épouse, Christine, étant du Pays de Galles, nous avons souhaité l’inscrire dans cette école, qui est connue dans le monde entier. » L’établissement se vide. Dehors, des ouvriers s’affairent sur un échafaudage. Perchés à 10 mètres de hauteur, ils sont en train de repeindre la façade en gris. La nuit tombe doucement. Le lendemain matin, le proviseur, qui aurait mérité de faire une grâce matinée, se retrouve avec Nathalie, son épouse, sur un autre terrain : celui du football. Adel a laissé son costume au vestiaire. En tenue sportswear, il a chaussé ses baskets. Depuis son arrivée à Erevan, il a lancé son école de football, qui s’adresse, principalement, aux élèves du lycée français. « Après l’enseignement, ma deuxième passion est le foot, explique-t-il. Comme j’aime les enfants, et, les gens en général, je trouve que retrouver les élèves sur le registre du sport est très enrichissant. Cela permet un lien plus personnel et moins distant que celui du proviseur, qui incarne l’autorité et la discipline. » Les premiers élèves viennent d’arriver. Adel lance une dizaine de pompes. Le proviseur-footballeur est en forme. Sa femme, Nathalie, est restée sur le banc de la touche. Cette enseignante de Mathématiques, de SVT et de Physique-Chimie, connaît les prénoms des élèves par cœur. Elle a un petit mot pour chacun d’entre eux.

Un métier, une vocation

Adel et Nathalie se souviennent quand ils étaient au Koweït, avec leurs 3 enfants, Camille-Cyrine, Sarah, et Alexandre, tous les trois engagés dans des études supérieures brillantes, qu’ils avaient reçu Michel Hidalgo et Manuel Amoros. « Cette école de foot nous tient à cœur depuis les années 2000 », explique Adel. Ces deux amoureux, qui approchent de leurs 30 années de mariage, sont liés non seulement par leur métier de l’enseignement, qu’ils considèrent comme une vocation, mais aussi par ces passions communes : celle du football, celle de la culture francophone, celle des gens. Pour Nathalie, « Adel est un vrai entraîneur, et, il sait s’effacer derrière le coach, qui est, aussi, un élève mais un peu plus âgé que les autres joueurs. L’école de foot est un moment important de détente et d’esprit de cohésion. » Elle pourrait rajouter que le proviseur est, aussi, un bâtisseur. Entre 2006 et 2011, alors qu’ils vivent en Roumanie, et, qu’ils officient au lycée français de Bucarest, Adel se souvient qu’il a participé à la construction du nouveau lycée qui accueillait 1 200 élèves. Il se souvient, également, qu’il avait lancé un projet « Chercheur en herbe » pour promouvoir l’enseignement des sciences à l’école. A son arrivée en Arménie, en 2019, le proviseur a lancé un cycle de conférences sur les enjeux géopolitiques. Passionné par son métier, il aime dire à chaque occasion « j’ai la responsabilité de ce qui est le plus cher aux yeux des parents, leurs enfants ».

Texte et photos réalisés par notre envoyé spécial Antoine Bordier


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