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Bernard Laporte : « Je ne reviendrai pas »

A 59 ans, Bernard Laporte, l’ancien ministre des sports et ex-président de la fédération française de rugby mesure le chemin parcouru par le rugby français. Après le succès de la coupe du monde, qu’il a réussi à obtenir au forceps, Bernard Laporte peut aussi revendiquer une part de l’héritage sur la qualité retrouvée du jeu du XV de France et l’essor incroyable du top 14.

Bernard Laporte (Photo Laurent COUST/ABACAPRESS.COM)

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Pas trop déçu de l’élimination des Français en quart de finale ?

Bernard Laporte : J’ai ressenti, comme bien d’autres, de la tristesse suite au quart de finale qui a vu notre élimination, surtout par rapport à l’immense déception des joueurs. Notre équipe avait les moyens d’aller jusqu’au bout, elle ne s’est inclinée que d’un petit point.

Mais, il s’agit ici de sport de haut niveau, dans lequel l’issue tient à peu de chose. Par ailleurs, il est important de se souvenir qu’il y a six ans, nous étions la huitième équipe mondiale, or aujourd’hui, chacun sait que nous pouvons rivaliser avec n’importe quelle équipe nationale.

L’essor du rugby peut-il conduire à rivaliser au plan économique avec le football ?

Bernard Laporte : Le rugby ne sera jamais le football, quand bien même l’essor médiatique qui aimante des millions de téléspectateurs peut attirer certaines convoitises. Il existe un élan pour le rugby qui se vérifie encore cette année, mais la mentalité reste profondément différente par rapport à d’autres sports internationaux. Tout d’abord, le rugby se joue dans de nombreux endroits de la planète. Cependant, il n’est pas pratiqué dans tous les pays, il est ancré dans certaines cultures, certains territoires.

Cette culture fait la richesse de notre sport. Dans le sens où son univers attire un public grandissant qui n’en connaît pas toujours vraiment les règles. Cela n’empêche pas le moins du monde de s’enthousiasmer et de prendre du plaisir.

La présidence de la Fédération appartient-elle définitivement au passé dans votre esprit ?

Bernard Laporte : Je ne reviendrai pas. J’ai moi-même mis en place la règle qui fait que le président ne peut effectuer que deux mandats au maximum, et j’étais en cours du second lors de ma démission. J’ai déjà donné six années bénévolement dans cette mission de redressement du rugby français, je pense avoir fourni ma quote-part.

Vous colliez des affiches de François Mitterrand à 17 ans, puis vous avez fait partie de l’équipe de Nicolas Sarkozy. La politique vous a-t-elle toujours attiré ?

Bernard Laporte : Non, c’est parce que mon père était encarté au parti Socialiste, que nous allions sur sa demande afficher entre copains. Je le faisais uniquement pour lui faire plaisir, par respect pour son engagement. À vrai dire, c’était assez sympathique. Bien plus tard, j’ai découvert Nicolas Sarkozy lors d’une rencontre à Arcachon, je l’ai trouvé passionnant, avec des idées intéressantes. Personnellement, je ne me sens ni de droite ni de gauche, je ne me suis jamais présenté à aucune élection politique et je ne le ferai jamais.

J’ai accepté le poste de secrétaire d’État par rapport à la mission qui m’était donnée, sans me considérer en tant qu’homme politique. Par ailleurs, nous avons besoin de ces personnes qui évoluent dans un milieu très dur. Il est parfois difficile de se rendre compte du travail qu’elles accomplissent, car il y a une lenteur en termes d’action qui est la conséquence d’une complexité en termes de normes, de règlements, etc.

Quelle leçon tirez-vous de votre passage au ministère des Sports sous Nicolas Sarkozy ?

Bernard Laporte : Je suis fier d’avoir fait modifier la loi sur le dopage, qui permet de condamner des actes qui jusque-là n’étaient pas sanctionnés. Et bien évidemment, je suis extrêmement fier d’avoir vu la Coupe du Monde de rugby en France, car le 30 octobre 2017, ce n’était pas notre pays qui était choisi. Le 15 novembre 2017, nous nous sommes battus jusqu’au bout, négocié avec passion pour décrocher la Coupe du Monde en France. Lorsque je pense à tout ce public heureux, aux retombées économiques, cela me fait vraiment plaisir d’avoir contribué directement à ce succès. Il ne faut pas l’oublier, une coupe du monde, c’est en moyenne 20% de licenciés supplémentaires l’année qui suit, un bilan positif, donc en termes économiques et de notoriété. Parce que le rugby continue son évolution.

Par exemple, il y a trente ans, il n’y avait pas de rugbyman en Seine-Saint-Denis, ce qui n’est plus le cas, nous avons des fans qui défendent aujourd’hui notre sport un peu partout en France. Autre élément essentiel, le rugby est un sport de combat collectif qui place aujourd’hui au centre de ses préoccupations la santé des joueurs et leur protection. C’est la raison pour laquelle les règles doivent continuer leur évolution dans ce sens.

Pensez-vous revenir un jour dans le monde du rugby ?

Bernard Laporte : Je prendrai du temps pour analyser les propositions qui me sont faites, je ne peux pas dire à ce jour si je redeviendrai actif dans le monde du rugby professionnel. Je vais également poursuivre mon activité dans certains secteurs qui me plaisent, comme les interventions en entreprise sur le management qui sont l’occasion de faire des comparaisons entre monde sportif et entrepreneurial. Il existe de nombreux parallèles, mais également des différences. La différence principale est que dans le monde du rugby, il existe une proximité qui est absente de l’entreprise.

Lorsque l’on passe des mois à quasiment vivre ensemble lors des préparations, il est évident que cela forme des « familles » aux relations extrêmement solides, à vie. J’interviens par ailleurs pour former des éducateurs et futurs managers sportifs, un travail de transmission sous un format de quatre jours, qui permet aussi de mettre l’accent sur les erreurs à éviter pour les aider à grandir plus vite.

De nombreux rugbymen se sont engagés dans l’entrepreneuriat, avec bien sûr Serge Blanco ou Franck Mesnel, flamboyant patron d’Eden Park. Est-ce une voie à suivre pour vous ? On voit beaucoup de rugbymen investir dans le vin…

Bernard Laporte : Pour l’instant, je ne suis pas dans cette dynamique, même s’il s’agit de beaux projets. Quant aux vignobles en particulier, j’avoue aimer le bon vin, l’apprécier, mais je n’envisage absolument pas la reprise d’un vignoble.

Pourquoi est-il si essentiel de développer la pratique sportive dans notre pays ?

Bernard Laporte : La pratique sportive est essentielle pour n’importe quel pays et pour la France. Chaque citoyen est concerné par sa santé et celle de ses proches, l’activité sportive ou la pratique régulière d’un sport est indispensable, tous les médecins le savent et le disent. Sans oublier que cela contribue également à des économies en matière de dépenses de santé.

Mais il y a un autre échelon, celui de la pratique du sport à haut niveau. Coupes du monde, championnats d’Europe, Jeux Olympiques, tournois internationaux sont des vitrines internationales pour la France et les autres nations et jouent un rôle important pour l’économie et l’image de notre pays.

Suivez-vous d’autres sports ?

Bernard Laporte : J’adore le football anglais et son ambiance. Par exemple, il est inimaginable en Angleterre d’interdire à des supporters de Manchester City d’assister à un match de Manchester United. Tout simplement, car ils n’y vont pas avec des idées de violence ou d’agressivité, mais dans un esprit de fratrie, avec l’envie toute simple de passer de bons moments. Comme au rugby.

Propos recueillis par Anne Florin


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