Afficher le sommaire Masquer le sommaire
La coupe du monde de rugby en France pourrait donner un coup d’accélérateur au top 14, devenu le meilleur championnat de rugby mondial. Longtemps considéré comme amateur, le rugby se professionnalise sous l’influence de nouveaux investisseurs, et parmi eux de dynamiques patrons de Pme.
Si le rugby est lié au Sud-Ouest en France, il s’agit pourtant d’un sport bien britannique. Il a longtemps gardé son image provinciale, conviviale, l’image de la troisième mi-temps restant le symbole d’un esprit préservé pour ce sport de gentlemen. Des passionnés ont investi dans les clubs, en particulier les grandes entreprises locales de villes moyennes qui tenaient à tout prix à soutenir un sport, parfois l’attraction phare d’une ville. Le mouvement s’est encore amplifié ces dernières années du fait de l’engouement du public et de la professionnalisation du secteur, ce qui fait craindre à certains la perte de l’esprit bon enfant qui caractérise ce sport.
UN INVESTISSEMENT COMME UN AUTRE ?
Les entrepreneurs dans le domaine sportif le font souvent de façon raisonnée, parfois via une étude de communication sur le sponsoring sportif permettant de déterminer le type de sport correspondant le mieux à l’image de l’entreprise et à ses valeurs. Il arrive aussi fréquemment que l’entrepreneur soit passionné par un sport à titre privé ou au nom de la proximité de la ville dans laquelle ses salariés vivent au quotidien.
Le raisonnement est alors moins économique, mais pas totalement sentimental, car épauler financièrement un club de rugby est généralement porteur d’une image positive. La troisième mi-temps et les loges privées prennent également toute leur importance, une solution pour entretenir ou enrichir un réseau d’affaires.
MOURAD BOUDJELLAL À TOULON
Un enfant d’immigré fier de l’être qui affiche une belle réussite. Ce Toulonnais d’origine modeste est passionné par le dessin et la bande dessinée depuis son plus jeune âge. Une vocation qui se confirme lorsqu’il se rend au festival du livre à Nice. À 17 ans, il crée un festival de la BD à Hyères, reçoit tous les grands auteurs, avant de créer sa boutique et de réaliser son rêve, devenir éditeur. Soleil Éditions voit le jour, et la série « Lanfeust de Troy » propulse Mourad Boudjellal au premier rang. À 28 ans, le jeune homme est le 3e éditeur francophone.
Le rugby va devenir sa nouvelle aventure, surtout après avoir cédé Soleil Éditions en 2011. Il va transformer le club toulonnais de D2 en champion international et n’hésite pas à contacter le dieu du rugby de l’époque, le Néo-Zélandais Tana Umaga, pour qu’il vienne jouer à Toulon. Ce seront ensuite Wilkinson et Michalak. L’entrepreneur crée « un club de stars qui a une âme » et qui fait vibrer. La fin de l’aventure a lieu en en 2020, Bernard Lemaitre, entrepreneur du secteur de la bio-pharmacie (cofondateur de Stedim) et également passionné de rugby, reprend le club avec la Financière de la Seigneurie. Difficile de quitter le rugby après seize années, Mourad Boudjellal est toujours présent dans le milieu via sa chronique « Mourad de Toulon » diffusée sur Eurosport.
JACKY LORENZETTI AU RACING 92
Le Racing 92 doit beaucoup à son président Jacky Lorenzetti, amateur de rugby et de beaux vins qui a fait fortune en créant Foncia, entreprise innovante dans le secteur de l’immobilier. C’est lui qui est à l’origine de la garantie des loyers impayés, de la garantie d’occupation des logements ou du label qualité des syndics. Il a également créé Constatimmo, spécialiste des diagnostics. Avec Foncia, Jacky Lorenzetti a choisi de sponsoriser la voile. À l’époque, le rugby ne l’intéressait pas vraiment, c’est par l’intermédiaire de son épouse que tout commence. Originaire du Sud-Ouest, la belle-famille le conduit dans les stades.
Cette nouvelle passion l’amène à devenir président du Racing 92 et à investir pour en faire un club du Top 14. Il est également l’initiateur du Paris La Défense Arena qui a porté le projet jusqu’à sa concrétisation. Sa récente initiative de fusion du Racing avec le Stade français ne s’étant pas concrétisée, il ne garde aujourd’hui que la présidence du conseil de surveillance du club.
MOHED ALTRAD À MONTPELLIER HÉRAULT RUGBY
L’homme suscite l’admiration par la façon dont il a construit le groupe Altrad à partir de rien. Les échafaudages de départ sont une petite partie de l’activité actuelle, aujourd’hui le groupe offre des services au niveau international, et incroyable, mais vrai, des croissances à deux chiffres depuis quelques quarante années. L’homme est toujours président du club de rugby de sa ville de cœur, et sponsor de l’équipe de France jusqu’après la coupe du Monde.
C’est en 2011 que cet amateur de tennis reprend le club héraultais, quasiment en faillite à l’époque. Il impose sa vision là comme dans son groupe, en y mettant les moyens, et en spécifiant lors de la victoire de Montpellier au Top 14 qu’en dépit de ses anciennes ambitions pour la mairie de Montpellier, il ne se sent ni de gauche pour être né pauvre, ni de droite pour être devenu riche. Cette liberté le conduit à mettre un coup de pied dans la fourmilière d’un milieu rugbystique très conservateur selon lui. L’homme a récemment été amené à prendre du recul suite à sa condamnation avec Bernard Laporte lors d’un procès aujourd’hui en appel.
FRANÇOIS RIVIÈRE À PERPIGNAN, LA CATALANE
Depuis 2013, le discret fan de rugby François Rivière est aux manettes du club emblématique de Perpignan, l’USAP, où ce sport fait figure de religion, tout comme à Toulouse, ville que connaît bien l’entrepreneur. Le club actuellement en Top 14 doit beaucoup à son président qui fut à la tête d’Epolis, un des leaders du parking européen, puis d’Eiffage Parking. Ces deux entreprises furent impliquées dans la création de la fondation Le Temps des Villes, dont il fut le président chargé d’une mission pour le ministère du Logement et de la Ville.
Très impliqué dans la vie locale, l’homme avoue que financièrement, l’aventure USAP n’a pas toujours été une partie de plaisir, même si l’attachement reste présent. Le stress et le plaisir sont les deux éléments marquants de ce parcours d’investisseur-supporter qui font qu’il est difficile de se passer de cette adrénaline et de la ferveur du public.
MAIS AUSSI…
Il n’y a pas que le Top 14, Régis Dumange, dirigeant de Textilot, porte aussi le succès du club de sa ville, l’USON Nevers Rugby. Comme d’autres, il met sa réussite sociale et économique au service du local, via ce club sportif. Il dit lui-même qu’il investit quasiment entièrement à base de fonds privés et que cela est bien plus satisfaisant que de s’acheter un yacht pour naviguer sur la belle bleue. Il y croit depuis 2009, moment de la reprise en Fédérale 2, son club se trouve à présent dans le top du classement de la Pro D2.
Les entrepreneurs ont des motivations multiples pour investir dans les clubs de rugby. Mais comme pour d’autres sports, ils ont aujourd’hui des concurrents d’une autre trempe que sont les fonds d’investissements étrangers. On le voit avec le football, où la moitié des clubs de Ligue 1 sont actuellement détenus par des groupes internationaux. Une tendance qui pourrait également déferler sur le rugby français.
Anne Florin