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« Soft skills et hard skills : quelle frontière entre talents et compétences en entreprise ? »

Entreprendre - « Soft skills et hard skills : quelle frontière entre talents et compétences en entreprise ? »

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Par Yoann Laurent-Rouault, directeur littéraire et artistique de JDH Editions, biographe, co-auteur de « Bourse de Paris, 10 grands patrons 10 grandes histoires »

Tribune. Littéralement traduites, ces deux expressions managériales emblématiques de la deuxième décennie du XXIe siècle donnent à lire pour leurs définitions respectives : « compétences douces » et « compétences dures ». Vaste programme. Mais que sont-elles réellement et qu’impliquent-elles ?

Vous avez pu constater, au gré de vos lectures ou de vos entretiens, que ces deux notions distinctes sont de plus en plus utilisées dans le monde du conseil aux entreprises, et qu’en parallèle, elles s’intègrent à grande échelle aux processus d’apprentissage classiques, de recrutement et de management. De l’avis commun, leurs études génèrent de nouvelles données pertinentes qui révolutionnent les processus admis jusqu’ici pour le genre. Et, pour les pratiquants de ce nouveau sport, force est de lister et de hiérarchiser ces compétences pour en faire à terme une science exacte. Ceci étant, tentons maintenant de traduire utilement ces expressions. Et faisons le distinguo entre les deux.

Qu’entend-on exactement par «  expérience  » ?

Tout d’abord, il est admis sur le cahier des charges qu’une « soft skill » s’acquiert. Autrement dit, dans la définition commune, qu’elle n’est pas innée. Certes, l’acquisition d’une « soft skill » peut-être facilitée par des « prédispositions naturelles » propres, mais de fait, repose principalement sur l’expérience et l’apprentissage. Mais elle n’est pas reconnue comme un trait de personnalité avéré de l’individu. Donc dans ce schéma, on ne peut décemment cocher les cases d’évaluations psychologiques correspondantes pour le bilan de personnalité. C’est à partir de ce raisonnement, sur la « soft skill » acquise et non innée, que la reconnaissance et le catalogage du phénomène deviennent plus complexes, parce que moins facilement identifiables et plus dépendants d’un contexte donné. Et à mon sens, ce raisonnement creuse davantage le fossé entre théorie et pratique. Et plus le fossé est profond, plus la valeur du mètre cube de terre augmente. C’est connu.

« J’ai l’expérience du management », mais ai-je l’empathie, le recul, l’écoute, la compréhension des problématiques qui sont nécessaires à la bonne conduite de ma mission ? Suis-je un dirigeant sévère, juste, visionnaire ou généreux ? Où est l’intérêt de mon entreprise, et pour ce faire, où dois-je mettre l’accent dans ma gestion des ressources humaines ? Qu’est-ce qui la servira le mieux ? Mon expérience du marché d’hier me permet-elle de me situer précisément sur celui d’aujourd’hui et suis-je capable de m’y projeter pour la décennie à venir ?

Où en suis-je avec mes « soft skills » ?

Pour ma part, ces deux notions de compétences, « hard » et « soft », se rapprochent dans ma compréhension, de la notion philosophique « de talent naturel », de l’idée générale de « la capacité d’appréhension et d’adaptation d’un individu dans un système donné » et du concept « d’application bête et méchante ». Elles flirtent là avec des notions aussi vagues « qu’être fait pour un métier » ou « être doué pour » ou « être un pro de ». Le monde de l’économie anglo-saxonne sait reconnaître et parier sur le talent. Et influencer les marchés et donc l’économie mondiale avec le phénomène. Et « ce talent » comme il est entendu par nos voisins, n’a pas de domaine privilégié. Il exerce dans toutes les catégories où exerce l’homme lui-même.

Dans la vision française de l’entreprise, généralement, le talent est catalogué comme « artistique ». J’entends par là que quand on rencontre le terme, il est généralement utilisé dans des secteurs particuliers, comme l’industrie de la mode et du spectacle, par exemple. Dans la définition française, la notion de créativité accompagne massivement le terme de talent. Mais il est rare de le voir se croiser avec la notion « d’innovation ». Et pourtant, c’est bien l’innovation qui motivera les marchés de demain et les mobilités financières.

D’après mes lectures, le terme « soft skills » fut directement emprunté au jargon militaire américain. Le vocable apparaît communément à la fin des années 1960 et s’officialise en 1972 dans les manuels militaires et les études et essais sur le genre martial. Il désigne alors « les capacités humaines qui ne dépendent pas de la machine ». Par exemple : le char est une machine, le pilote est formé à sa conduite (hard skills), le chef de char commande (soft skills). Donc, le terme « soft skills » pointe ici les compétences « sociales » et « émotionnelles » nécessaires au commandement des troupes et au bon fonctionnement de la structure, et ce, à tous les niveaux. Y compris à celui de la motivation. Indispensable pour gagner la bataille.

Ces compétences incluent donc diverses capacités notables propres à l’individu intégré dans un système d’entreprise ou dans une communauté. Pour le monde de l’entreprise, retenons celles-ci en principal, mais la liste est longue et le « catalogue » est variable suivant les processus d’évaluations ou de recrutements établis : l’intelligence émotionnelle et relationnelle, l’animation de projet, la créativité, la rhétorique, la négociation, la gestion du temps, la prise de décision et enfin la pensée critique. Toutes sont étiquetées comme « soft skills ».

La particularité de ces compétences est leur transversalité : elles ne sont pas liées à un métier ou à un contexte technique particulier. C’est en cela que les « hard skills » se distinguent des « soft skills ».

La « compétence dure », aussi appelée « compétence technique », est le spectre de toutes les compétences qu’une personne détient par rapport à son métier et qui s’appliquent dans un domaine d’exercice particulier. Une « hard skill » se développe en étudiant, en se formant, puis en exerçant. Elle est factuelle. L’expérience de l’individu sur l’activité entre ici pleinement en compte et s’adresse directement à la productivité et à la résolution des problèmes comme à l’accomplissement de la tâche. La « hard skill » serait donc dans la définition plutôt « col bleu » que « col blanc » ?

La limite du « hard skill » est justement définie par le domaine d’expertise. Un tourneur-fraiseur deviendra rarement conseiller juridique. Ces compétences ne sont donc pas généralement transférables d’un métier sur l’autre. De plus, certains observateurs pointent le doigt sur l’obsolescence programmée de certains métiers, donc ce qui reviendrait pour les détenteurs de la compétence experte, à repasser par la case départ. Les « soft skills » sont quant à elles parfaitement transférables et donc justement qualifiées de transversales. Vous avez lu recyclables ?

Il est reconnu et admis que la capacité humaine à l’adaptation la distingue des autres espèces. Nous, « singes nus », nous avons survécu et prospéré sans griffes, sans crocs et sans fourrures. Comme il est reconnu d’un point de vue humain qu’une grande capacité d’adaptation chez un individu va de pair avec une intelligence appréciable. Un bon capitaine contourne la tempête, mais ne perd pas de vue sa destination pour autant et arrivera à bon port en ménageant le bateau et l’équipage.

Ici, on part donc du principe, puisqu’il apparaît nécessaire de concrétiser des notions abstraites et aléatoires pour établir des schémas exploitables, qu’une soft skill est applicable en toute circonstance. Donc, une application. Et songez à ce que le terme « application » véhicule dans son sens premier à l’ère du tout numérique…

En conclusion, on pourrait donc établir, selon les normes en vigueur, que la « soft skill » a besoin d’un cadre et d’un contexte pour se révéler, qu’elle a aussi besoin de techniques et de méthodes puisqu’elle n’est pas reconnue comme « innée » et qu’à partir de là, elle peut-être additionnelle sur le CV et donc identifiable pour le manager ou le recruteur. Idem pour la « hard skill », mais dans un contexte non émotionnel et pragmatique.

Et, c’est précisément ici que le classement de genre m’échappe. L’instinctivité, l’audace ou a contrario la sagesse, le talent donné « inné », la vision à long terme, et j’en passe, ne seraient pas des compétences classées et identifiées, mais apparaîtraient comme des « valeurs » sur lesquelles les classifications de genres n’auraient pas prises. Pourtant, l’expérience économique a montré, que révolutionner un marché en faisant preuve d’instinct, de talent, d’audace, comme d’une vision à long terme et d’une certaine sagesse dans la gestion, peut rapporter gros…et en tous les cas, 100 % des gagnants auront tenté leur chance.


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