Par Simone Wapler, auteure de « Money, monnaie, monnaies » chez JDH EDITIONS.
La réforme des retraites se réduit à un déplacement de curseurs sur un système de répartition contrôlé par l’État et devenu inadapté à la démographie et aux conditions économiques.
En France, le système actuel de retraite par répartition correspond à la définition du totalitarisme. Mussolini lui-même disait : « tout dans l’État, rien hors de l’État, rien contre l’État ».
• Tout dans l’État : il est intégralement contrôlé par l’État
• Rien hors de l’État : il est fermé à toute concurrence
• Rien contre l’État : les serviteurs de l’État sont mieux lotis que le commun des mortels et jouissent d’un système distinct
La retraite par répartition relève d’une prétendue solidarité, qui n’est en réalité qu’une « fraternité légalement forcée » comme l’écrivait l’économiste Frédéric Bastiat .
Les conditions démographiques sont devenues totalement inadaptées à un système de répartition pure comme le montre l’érosion constante du rapport entre actifs et retraités.
Une véritable « réforme » consisterait à introduire une dose de capitalisation. Il n’en a jamais été question.
Les incohérences de la gauche anticapitaliste
Capitalisation ? Horreur ! Et pourtant, les sympathisants de la NUPES (Nouvelle Union des Prédateurs Économiques et Sociaux) ne cessent de fustiger le fabuleux enrichissement des actionnaires se versant de gras dividendes sur le dos des salariés exploités.
Pourquoi vouloir refuser aux salariés leur part du gâteau ? Indépendamment de l’actionnariat salarial qui n’intéresse que les employés de grandes entreprises, tout salarié pourrait se constituer à terme une rente en adhérant à un système de capitalisation. Parmi les actionnaires si haïs de la gauche française figurent de nombreux fonds de pension étrangers. Donc les dividendes profitent aux travailleurs dans les pays qui ont adopté un système de retraite mixte.
L’égalité, ce n’est pas pour tout le monde
La retraite par capitalisation, c’est mauvais pour tout le monde sauf… pour les fonctionnaires qui ont choisi d’adhérer à ces régimes. Car depuis 1967, ils ont la possibilité d’adhérer à différents systèmes complémentaires de capitalisation – la Préfon, le Corem – et ils déduisent les primes versées de leurs revenus.
Certes, Préfon et Corem ne brillent pas par leur bonne gestion : les allocations d’actifs sont décidés par la CNP, AXA, GROUPAMA et Allianz sous le contrôle de l’Union Mutualiste des retraites (UMR). Ils ne brillent pas non plus par leur transparence ni par leur gouvernance : nulle association représentant les intérêts des épargnants ne siège au comité de gestion. Notons simplement qu’un peu de concurrence ne nuit jamais aux performances.
Le pesant silence des syndicats patronaux
La réforme des retraites aurait pu être une vraie réforme. On aurait pu imaginer des syndicats patronaux appelant à introduire la capitalisation pour soulager les générations futures.
Un véritable débat sur le dosage capitalisation – répartition, l’ouverture à la concurrence, la composition des comités de surveillance, l’arbitrage entre obligations et actions, etc. aurait pu s’instaurer.
Chacun aurait pu exposer les mérites et inconvénients respectifs de chaque système. L’angoisse des anti-capitalisation est le krach financier, l’angoisse des anti-répartition est l’inflation. ON aurait pu trouver des mesures anxiolytiques, s’inspirer de ce qui se fait de mieux hors de nos frontières.
Mais nous sommes en France, un pays peuplé d’étatistes de droite, d’étatistes de gauche et laissant la part belle au capitalisme de connivence. Tout débat a été occulté. On ne discute que de placements de curseurs par l’État qui décide à notre place de l’âge de la retraite.
L’absence de débat nous vaut de voir passer des titres surprenants dans Les Échos tels que : « le patronat réclame le maintien de la retraite par répartition pour les hauts salaires » (traduction : les grands patrons veulent pouvoir continuer à vampiriser les jeunes générations) ou encore « Retraites : la Banque de France veut sauver son régime par capitalisation » (traduction : vous n’allez quand-même pas nous mettre au régime des sans-dent !).
La fin du tout-État par la crise
Les régimes totalitaires tendent toujours à s’effondrer car le monopole de l’État tue l’intelligence :
« La concurrence, c’est la liberté. Détruire la liberté d’agir, c’est détruire la possibilité et par suite la faculté de juger, de comparer ; c’est tuer l’intelligence ; c’est tuer la pensée ; c’est tuer l’homme » Frédéric Bastiat
Dans mon livre sur la monnaie, j’explique comment les systèmes de retraite entraînent une conception divergente de l’euro dans les pays de l’union monétaire.
Chez les fourmis, buveuses de bière, on est attaché à la capitalisation et à la valeur de l’euro. On n’a pas apprécié la manipulation des taux d’intérêt à la baisse qui ont privé les fonds de pension de rendement. C’est ce qui explique que les Allemands surveillent de très près l’avancement de la « réforme » française.
Chez les cigales, buveuses de vin, on préfère la répartition et la facilité de la monnaie faible, les dévaluations, l’argent gratuit et le recours à la dette. La répartition permet de mettre la poussière sous le tapis et de faire payer l’inflation aux seuls épargnants.
Cette divergence est un des nombreux ferments de la nouvelle crise de l’euro qui s’ouvre.
Simone Wapler, auteure de « Money, monnaie, monnaies » chez JDH EDITIONS