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Pourquoi les femmes demeurent les grandes absentes de la tech

Entreprendre - Pourquoi les femmes demeurent les grandes absentes de la tech

Par Abi Bouaissi, Director Strategic Partnership chez G-P

De part et d’autre de l’Atlantique, les femmes dans la tech restent très minoritaires. Une absence de femmes qui accentue la pénurie de profils sur un secteur d’activité en pleine croissance, et pénalise le développement des algorithmes d’IA par un manque de diversité culturelle et émotionnelle. Ce secteur souffre encore de stéréotypes contre lesquels il est urgent d’agir. Valoriser les formations et les métiers de la tech est un enjeu économique et de société.

Les années se suivent et se ressemblent. Les entreprises de la tech françaises et européennes souffrent toujours d’un manque de femmes. Selon l’étude « More Women in Tech » du cabinet McKinsey, la part moyenne de la gent féminine dans ce secteur d’activité a péniblement atteint 22 % en 2022 au sein des 27 pays de l’Union européenne. En France, seules 14 femmes dirigent ou sont fondatrices d’une des 120 start-up ou scale-up de la FrenchTech et aucune n’est à la tête d’une société du Next 40.

Aux Etats-Unis la proportion de femmes dans le secteur des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM) est de 23%. Côté création d’entreprise, sur 354 start ups de logiciels d’entreprise suivies par la société de capital-risque Work-Bench en 2021, seules 2% ont été créées par des femmes. Parmi les raisons de cette faible représentation dans les startup : la difficulté pour les femmes d’obtenir un financement initial.

Plus globalement, pourquoi un tel manque de représentativité de femmes sur un marché souffrant pourtant de pénurie de main-d’œuvre ? Comment un secteur considéré comme progressiste et porté par des valeurs de diversité et d’égalité, peut-il afficher une telle disparité ? Quelles sont les raisons de l’absence de femmes dans les entreprises de la tech en France et aux Etats-Unis ?

Un système éducatif très stéréotypé

Premier constat : les stéréotypes ont la vie dure. Selon une étude d’Ipsos de 2021 menée sur la France, seules 37% des filles scolarisées envisagent de s’orienter vers une école d’informatique ou d’ingénieur, contre 66% des garçons. Car là où, avec des moyennes dans les matières scientifiques du secondaire équivalentes à celles des garçons, elles ne sont que 53% à estimer qu’elles ont le niveau requis pour intégrer une école d’ingénieur contre 72%, des garçons et elles ne sont que 43% à estimer pouvoir suivre dans une école d’informatique contre 78% des garçons. Autre facteur bloquant : le milieu familial. 33% des filles sont encouragées par leurs parents à s’orienter vers les métiers du numérique, contre 61% des garçons.

Outre-atlantique la situation n’est pas plus brillante. Aux USA, à peine 16 % des femmes sont titulaires d’un baccalauréat en informatique et sciences de l’information, 21 % sont diplômées en génie et en technologie du génie, et 38 % sont titulaires d’un diplôme en sciences physiques.

Lutter contre les stéréotypes et promouvoir l’enseignement scientifique auprès des jeunes filles sont deux leviers indispensables à l’incitation des jeunes filles à s’orienter vers ce type de filière.

D’autres facteurs à l’origine du manque de mixité

L’écosystème tech n’échappe ni aux inégalités salariales entre les femmes et les hommes ni au plafond de verre. D’après une étude de la plateforme d’agrégation de données salariales Figures, l’écart salarial moyen entre hommes et femmes dans les entreprises de la french tech s’élève à 24,8 %, soit 2,5 points de plus que la moyenne nationale. Par ailleurs, elles occupent rarement des postes de direction technologiques. Dans les entreprises de la tech, elles ont des fonctions de directions dans des postes transversaux comme les Ressources Humaines ou le marketing.

Selon une étude de Gender Scan, ce secteur souffre aussi d’une réputation de sexisme sur les lieux professionnels. En France 46% des femmes de la tech déclarent avoir été victimes de comportements sexistes soit un taux supérieur de 8% à celui observé dans d’autres secteurs.

La situation est tout aussi préoccupante aux États-Unis. Dans l’enquête WomenTech, 22 % des femmes interrogées dans les STEM envisagent de quitter leur poste, contre seulement 12 % des femmes travaillant dans d’autres secteurs. Les traitements injustes sur le lieu de travail ont été signalés comme étant l’une des principales causes de départ des employés. Ainsi, 52% des professionnelles en technologie confient que les obstacles les plus importants auxquels elles sont confrontées sont le manque d’opportunités d’avancement ​​et 48% l’absence de modèles féminins.

Mais que ce soit en France ou aux USA, les jeunes femmes manquent de mentors et de “role models” auxquels s’identifier pour se lancer dans ces carrières professionnelles. Il faut souvent attendre des évènements, comme la journée internationale de la femme, pour mettre en lumière de belles expériences professionnelles féminines. Six femmes de G-P ont récemment parlé de leur parcours personnel qui les a menées à des postes de direction dans diverses fonctions (ventes, marketing, opérations, PDG) dans le secteur de la technologie, ouvrant la voie à d’autres entreprises pour qu’elles prennent le relais et élargissent la conversation.

Féminisation du monde de la tech, un enjeu de société

La société gagnerait à avoir des femmes dans la tech. Selon plusieurs études les entreprises dirigées par des femmes s’avèrent plus rentables et résilientes – En fait, une étude de McKinsey a montré que les organisations ayant « une diversité de genre dans les équipes de direction avaient 25 % plus de chances d’avoir une rentabilité supérieure à la moyenne« . Par ailleurs, l’absence de femmes dans l’écosystème digital nuit au développement même des produits et des services. Ainsi, des algorithmes conçus par des hommes montrent, par exemple, des biais sur les résultats ou services apportés. En 2020, la Commission européenne a publié un livre blanc sur l’IA qui reconnaît le risque que les préjugés du développeur (conscients ou non) s’infiltrent dans la programmation et souligne spécifiquement l’importance de « veiller à ce que l’utilisation des systèmes d’IA n’aboutisse pas à des résultats impliquant une discrimination interdite« . La parité permettrait donc de concevoir des IA intégrant une diversité de cultures et de pensées permettant, ainsi, de répondre aux enjeux sociétaux de représentation de la pluralité des profils dans le monde numérique.

La féminisation serait, également, un excellent moyen de combler la pénurie de talents d’un secteur d’activité en pleine croissance et une façon pour les femmes d’occuper des postes mieux rémunérés. En effet, les métiers de la tech sont parmi les mieux payés et le déséquilibre entre l’offre et la demande favorise de plus fortes rémunérations.

Depuis quelque temps, plusieurs actions sont mises en place en France pour lutter contre les inégalités hommes/femmes. Le “Pacte Parité” a pour objectif de porter à 20% la part des femmes dans les conseils d’administration des entreprises de la French Tech120 d’ici à 2025 et à 40% d’ici à 2028. Pour les élèves et étudiantes, des actions comme 1000 femmes dans la tech, l’Ada Tech School, Elles bougent, Connected Women ou Femmes du numérique ont pour ambition de les sensibiliser à ces métiers et ces carrières via des échanges et des témoignages de femmes ayant réussi dans la tech.

Équilibrer la présence hommes/femmes dans le monde du numérique et dans les professions de la tech est devenu, aujourd’hui, un enjeu économique et de société.


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