Par Cécile Decourtray, Associée KPMG France
Tribune. Crise sanitaire, transformation digitale, ESG … aujourd’hui, rares sont les entreprises qui ont vu dans ces bouleversements une opportunité de réinventer leurs pratiques et leur modèle d’organisation des Ressources Humaines.
Aujourd’hui, seules 10% d’entreprises ont su déjà anticiper l’avenir du travail et repenser leur gestion du capital humain1. Pourtant, il y a urgence ! En effet, en 2020, le rapport du World Economic Forum, « Future of Jobs », soulignait que 60% des compétences nécessaires aux entreprises dans les dix ans à venir n’existent pas encore.
Anticiper l’évolution du marché du travail
Avec la transformation grandissante des métiers actuels et l’apparition de nouvelles fonctions, le marché du travail rencontre un écueil de taille : les compétences requises évoluent vite. C’est pourquoi, sur des domaines spécifiques, tels que les datas ou l’ESG,faire monter en compétences les équipes internes ou attirer les profils spécialisés devient complexe, voire parfois inapproprié.
Dès lors, il faut considérer que le rapport au travail a changé depuis la Covid, avec des travailleurs n’aspirant plus systématiquement au salariat. Et ce, pour profiter de plus d’indépendance dans la sélection des clients et projets, d’une plus grande liberté de fixer sa rémunération ou encore d’une flexibilité accrue du temps et du lieu de travail.
Aussi, pour anticiper l’évolution des métiers, certes, il est indispensable de développer les compétences des équipes internes et de recruter de futurs collaborateurs, mais une troisième voie complémentaire existe : faire appel à des travailleurs non-salariés. Qu’ils soient free-lance, intérimaires, consultants… savoir les identifier, les attirer puis les fidéliser devient un enjeu majeur pour toute organisation prête à s’adapter à l’avenir du travail.
Les talents externes, un capital humain à forte valeur ajoutée
Au-delà de la flexibilité apportée, recourir à des travailleurs non-salariés, que ce soit pour un besoin ponctuel ou pour des compétences spécifiques ou rares, offre une opportunité de développement pour les équipes internes. La richesse des points de vue, des cultures et des expériences permet de faire progresser une organisation et les projets qu’elle mène. Souvent appelés pour leurs savoir-faire spécifiques, free-lance et consultantssont à même de développer les compétences des collaborateurs et leur faire connaître d’autres méthodes. Ce capital humain externe, c’est, pour l’entreprise, l’opportunité de s’ouvrir à un monde différent, en parallèle de la redéfinition de leur stratégie de recrutement.
Une nécessité : repenser la stratégie de sourcing des talents
Dans le contexte de profonde transformation, les entreprises font face à un enjeu de taille : anticiper les mutations des métiers, en définissant – outre les besoins d’effectifs – les fonctions clés pour leurs activités et les compétences essentielles pour l’avenir. C’est en comparant ces projections avec leur situation existante en termes de ressources et de compétences qu’elles peuvent alors définir les écarts à résoudre et mettre en œuvre les stratégies adéquates.
À cet égard, l’internalisation est une première stratégie possible. Il s’agit, dès lors, soit de recruter de nouveaux salariés, soit de développer les compétences des collaborateurs déjà présents. Dans cette seconde situation, les équipes sont accompagnées dans la mutation de leur métier (upskilling) ou elles acquièrent de nouvelles compétences afin de changer de poste (reskilling). L’autre stratégie possible, de plus en plus fréquente, est l’externalisation via la collaboration avec un prestataire ou un freelance spécialisé. Dans ce dernier cas, une nécessité s’impose : repenser la relation avec ces travailleurs non-salariés.
Personnaliser l’expérience des talents externes
Les organisations ont commencé par parler « d’expérience client », puis « d’expérience collaborateur ». Désormais, il faut aussi compter avec « l’expérience talent externe ». Et tout commence par son recrutement ! Un recrutement qui aurait tout à gagner à être structuré par une gouvernance tripartite où DRH, métiers et achats travaillent ensemble pour identifier le profil recherché et le recruter.
Ensuite, sensibiliser le talent externe à l’esprit de l’entreprise et à sa culture s’avère essentiel, car il doit s’imprégner du fonctionnement de la société pour s’intégrer et performer.
Enfin, la question de fidéliser le free- lance ou le consultantqui a fait aboutir un projet ou donné une impulsion nouvelle à une équipe se pose encore trop peu ou trop tard. À cet égard, l’entreprise peut, par exemple, associer progressivement le travailleur non salarié à des travaux sur des projets stratégiques et complexes ou lui proposer une offre de formation.
Bien sûr, pour éviter tout risque de requalification du contrat de prestation, la participation du travailleur non-salarié à la vie de l’entreprise nécessite vigilance et structuration juridique. Reste cet impératif stratégique : il faut personnaliser l’expérience des talents externes pour assurer leur loyauté et leur engagement, à l’heure où ces données sont cruciales pour sécuriser la compétitivité de l’entreprise.
1 Étude mondiale KPMG, « Future of HR », 2022
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