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Peut-on être de droite et écolo ?

Entreprendre - Peut-on être de droite et écolo ?

Par Ferréol Delmas, directeur général du think tank « Ecologie responsable »

La première fois que j’ai pris conscience du manque criant de discours écolo dans le milieu libéral et parlementaire, c’était il y a quatre ans. J’étais alors président des Républicains à la Sorbonne. Cette expérience très enrichissante est aussi paradoxalement assez pauvre sur le volet de la réflexion doctrinale. Militer dans un parti, quand on est jeune, se résume très souvent à coller des affiches et à remplir les premières travées de meetings pour assurer le quota « renouveau » d’un candidat. Ce constat est, je pense vrai, dans l’ensemble des partis politiques et donne raison à la philosophe Simone Weil, qui dans Note générale sur la suppression des partis politiques, explique que ces mouvements appauvrissent le débat en réduisant les possibilités d’expression des idées.

J’ai donc décidé avec des amis qui partageaient la même vision que moi de fonder un think tank -un laboratoire d’idées en français- permettant de libérer la parole sur les sujets environnementaux, grands oubliés de cette famille de pensée. Voici comment est né « Ecologie responsable ». Au début, nous étions assez amateurs mais la vague verte des élections européennes et municipales en 2019 a modifié la donne. Notre nombre de recrues a quadruplé rapidement : nous sommes aujourd’hui plus de 250. Par ailleurs, afin de nous institutionnaliser, nous avons créé le prix de l’Enracinement-Simone Weil, décerné, chaque année dans les salons du Sénat, à un personnalité défendant « une écologie de la beauté ». Nos trois premiers lauréats sont l’écrivain Denis Tillinac (2020), le maire de Neuilly-sur-Seine Jean-Christophe Fromantin (2021), l’académicien Jean-Marie Rouart (2022).

Ferréol Delmas, directeur général du think tank « Ecologie responsable »

L’écologie, sujet politique ?

Mais les lecteurs doivent légitiment se demander mais qu’est-ce qu’une écologie libérale ? Est-ce vraiment utile ? L’écologie n’est-elle pas apolitique ? Selon moi, l’écologie est trans-partisane et apolitique dans le sens ou elle peut toucher l’ensemble du spectre électoral, qui lui est divisé en grands courants (de l’extrême-gauche à l’extrême-droite). Il existe donc des nuances, des chocs, des affrontements entre ces visions de la vie politique. Il est important que chacun puisse s’approprier l’écologie qui est la relation entre l’Homme et son environnemental naturel, avec une volonté de le préserver. Notre démocratie étant structurée d’une manière partisane, il est donc normal que des groupes de réflexion, comme le nôtre, puisse réfléchir selon leur prisme à l’avenir de la planète. Ce qui n’empêche pas le dialogue ni le travail avec ceux qui pensent différemment. Nous sommes d’ailleurs en retard de ce point de vue. Aux Etats-Unis, en Grande Bretagne, en Espagne, en Pologne, en Australie et dans d’autres pays, les courants plus libéraux sont déjà dotés de structure réflexive sur l’écologie.

Ce travail est très prenant : il faut convaincre les jeunes, organiser des colloques, des conférences, participer aux évènements internationaux comme la COP15 sur la biodiversité à Montréal, rédiger des notes, des rapports, développer des partenariats. Mais aussi, partie passionnante du métier : faire du lobbying. Je dois convaincre les députés, sénateurs, maires et plus généralement les élus de la droite gaulliste et du centre, de prendre position sur les sujets environnementaux. Et comme dans n’importe quelle relation humaine, il est plus facile d’écouter quelqu’un proche de soi. Un élu plutôt conservateur sera plus enclin à entendre les doléances environnementales d’un jeune issu de ses rangs plutôt qu’un ami de Greta Thunberg. La réciproque est également vraie à gauche. Nous travaillons donc tous à changer les mentalités mais avec des méthodes différentes et des sensibilités propres.

Créer un « Terra nova » libéral

Grâce au mécénat de fondations et de personnes privées, j’ai pu devenir le premier salarié de cette structure novatrice avec un objectif : fonder un « terra nova libéral» sur les questions environnementales. Bien sûr, au regard de mon jeune âge, je n’ai pas été lâché dans la nature sans aide. Le bureau a été formé par un professeur associé en stratégie de l’ESCP pour définir une vision de long terme. J’ai pu obtenir une formation en gestion des réseaux sociaux et je suis actuellement plusieurs jours par mois en mastère spécialisé de management à CentraleSupélec pour apprendre à diriger une organisation.

Très concrètement, mon travail est variable et chaque jour ne ressemble pas au précédent. Je peux participer à un colloque sur l’économie circulaire un jour, avoir trois rendez-vous au Sénat ou à l’Assemblée nationale le lendemain, et une réunion avec un cabinet ministériel le surlendemain. Le plus difficile est de trouver du temps et de ne pas se laisser déborder par un trop grand nombre de réunions. Il faut s’astreindre à fournir un travail « intellectuel » (production de notes et rapports) hebdomadairement. Je publie chaque mois deux à trois tribunes dans la presse nationale ou spécialisée. Un laboratoire d’idées qui ne travaille pas les dossiers, qui ne propose pas de solutions ou de pistes de solutions est un astre mort. C’est pourquoi Ecologie responsable a monté une équipe de chercheurs associés sur de multiples sujets qui rédigent chaque semaine des notes (ils abordent des thèmes comme la justice climatique, la décentralisation écologique, l’indépendance énergétique de la France…). Afin d’avoir un débouché à ce travail en profondeur, un partenariat avec le journal étudiant d’HEC Paris a été mis en place pour permettre la publication, chaque mois, du meilleur des travaux de nos membres. Nous travaillons aussi, tous ensemble, à l’écriture d’un rapport de longue haleine sur « la ville durable » avec en amont des auditions de personnalités expertes du sujet. L’une des propositions dont je suis le plus fier a été remise à la ministre de la transition écologique, Brune Poirson en 2019. Il s’agissait de proposer un « chèque circuit-court » pour l’installation de jeunes agriculteurs en zone rurale. L’objectif étant de flécher une part des tickets restaurant vers cette population. Ce qui est important pour moi, c’est le temps long que laisse une structure comme le think tank. Nous ne dépendons pas du verdict des urnes, avec une adaptation des positions au gré des sondages. Nous ne dépendons pas non plus des résultats comptables d’une entreprises avec des chiffres de rendements à fournir. Nous sommes dans un combat pour une maturation d’idées avec la contingence du temps.

L’urgence d’agir collectivement

Aujourd’hui, je suis à la tête d’une sorte de « PME politique » qui est une formidable aventure humaine et professionnelle. L’urgence écologique est devant nous. En tête, j’ai deux maximes qui incarnent l’impérativité d’agir. La première est de Chateaubriand : « les forêts précèdent les civilisations, les déserts les suivent. » La seconde est de Saint-Exupéry :  «nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants ». Lutter contre le réchauffement climatique est le combat de tous, et je suis fier d’être d’une génération qui collectivement s’engage. 

Ferréol Delmas


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