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Nos producteurs ne pourront pas porter seuls le poids de la transition agricole


Par Maxime Durand, cofondateur de PourDemain et Transition Tribune. Au cours du 20e siècle, l’agriculture s’est considérablement transformée pour nourrir la planète : mondialisation des marchés, mécanisation et financiarisation, intégration des filières, invention des engrais et des pesticides de synthèse nous ont permis d’atteindre un formidable niveau de rendement et...

Entreprendre - Nos producteurs ne pourront pas porter seuls le poids de la transition agricole

Par Maxime Durand, cofondateur de PourDemain et Transition

Tribune. Au cours du 20e siècle, l’agriculture s’est considérablement transformée pour nourrir la planète : mondialisation des marchés, mécanisation et financiarisation, intégration des filières, invention des engrais et des pesticides de synthèse nous ont permis d’atteindre un formidable niveau de rendement et d’efficacité. Mais à quel prix ? Aujourd’hui, on mesure mieux l’impact de cette organisation productiviste et industrielle : sols appauvris, chute de la biodiversité, santé des agriculteurs mise à mal, surconsommation des ressources, concurrence de pays aux cadres plus souples, hausse des transports…

On estime que l’agriculture représente 19% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Pourtant, si elle fait partie du problème climatique, l’agriculture peut également être une part non négligeable de sa solution. A l’heure où les Hommes tentent d’élaborer des innovations technologiques pour capturer le carbone émis par nos sociétés, on oublie que les sols sont naturellement pourvus de cette capacité et qu’ils sont l’un des principaux réservoirs de carbone de la planète. Aujourd’hui, érodés, asséchés et dépourvus de vie, les sols agricoles ne stockent qu’une quantité réduite de C02. En les rendant plus vivants grâce à des pratiques régénératrices, on pourrait augmenter significativement leur capacité de séquestration de carbone. L’agriculture biologique, seule forme d’agriculture à présenter un bilan GES positif, apparaît donc comme une solution.

Pour autant, le changement vers ce type d’agriculture reste lent, notamment en raison des difficultés de transition. La conversion d’une exploitation agricole au bio est une étape longue et éprouvante de 2 à 3 ans pendant laquelle l’agriculteur cultive sa terre en respectant les règles strictes du cahier des charges AB sans pour autant pouvoir bénéficier du label. Il fait aussi face à de nombreuses difficultés : un nouveau métier à apprendre, des investissements en matériel, une baisse de rendements, une hausse des coûts de production, couplée à une difficulté à trouver des débouchés rémunérateurs.

Comment pouvons-nous nous plaindre de l’état de l’agriculture française sans donner les armes aux producteurs pour en changer ?  Compte-tenu de leurs conditions de travail, peut-on s’étonner que beaucoup d’entre eux renoncent à des pratiques plus durables ?

Côté politique, la planification, le financement et l’incitation directe aux changements de pratiques sont clés si nous voulons permettre au monde agricole de réaliser sa transition :

  • Un engagement plus fort de la PAC et de l’Etat français vers les filières bio. Si certaines aides existent déjà, elles restent insuffisantes et arrivent souvent trop tard, à cause de processus administratifs lourds et chronophages !
  • La formation aux nouvelles techniques. Malgré toute la bonne volonté des chambres d’agriculture et des coopératives, de trop nombreux producteurs expérimentent encore par eux-mêmes de nouvelles techniques. Nous avons immensément besoin d’un réseau de formateurs agréés spécialisés dans les méthodes de cultures durables.
  • Enfin, une planification globale des changements. Quelques actions médiatiques éparses ne sauraient transformer un écosystème si complexe… À l’image de l’interdiction des néonicotinoïdes, certaines mesures écologiques sont indispensables mais demeurent une véritable épreuve pour le monde agricole. Il est indispensable de mieux planifier leur mise en œuvre pour permettre aux producteurs d’anticiper et de se préparer à ces changements.

Chaque année, l’humanité perd environ dix millions d’hectares de terres fertiles et nos sols ne pourraient fournir des rendements suffisants que pour 60 années de récolte. Il existe des solutions simples et efficaces pour soutenir cette transition. Ne manque que la volonté réelle et le courage politique de les mettre en œuvre.

Maxime Durand

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