Par Pierre Masquart, avocat au Barreau de Paris, membre du Think tank du droit de l’immobilier de la FNAIM Grand Paris
Tribune. L’île de Madère, ce petit bout de Portugal perdu dans l’océan Atlantique, offrent de nombreux avantages fiscaux aux sociétés dans le cadre d’un régime approuvé par l’Union européenne. Ce régime est le principal atout du Centre International d’Affaires de Madère (CIAM) qui a été créé afin de moderniser et de diversifier l’économie de l’île considérée comme une « région ultrapériphérique » par l’Union européenne.
Les avantages du régime applicable aux entreprises opérant dans le cadre du CIAM
Le Centre International d’Affaires de Madère (CIAM), un important centre d’affaires international faisant partie de l’Union européenne, offre une fiscalité attractive pour les entreprises. En effet, dans le cadre du CIAM, le taux de l’impôt sur les sociétés est de 5%. Ce taux s’applique aux revenus obtenus par des opérations avec des non-résidents au Portugal.
Ce régime, dont le prolongement au-delà de 2027 sera négocié prochainement avec l’Union européenne, accorde également une exonération de retenue à la source sur les dividendes versés à des partenaires non-résidents au Portugal (personnes physiques ou morales), à condition toutefois qu’ils ne soient pas situés dans des paradis fiscaux. Ce même régime exonère également de la retenue à la source les intérêts ou d’autres formes de paiement de prêts d’associés, d’apports en capital ou d’avances consentis par les associés à condition qu’ils ne soient pas résidents au Portugal.
Les entreprises peuvent bénéficier d’une exonération de retenue à la source sur les redevances, services ou intérêts payés à des tiers. Les entreprises bénéficient également d’un crédit d’impôt pour double imposition internationale, juridique et économique. Elles sont également exonérées des frais de notaire et du Registre Commercial. De plus, elles profitent d’une exonération de 80% applicable aux taxes foncières municipales et aux droits de cession immobilière, à la surtaxe régionale et municipale ainsi qu’à toute autre taxe locale.
Dans le cadre du régime participation-exemption, les plus-values et dividendes taxés au titre des bénéfices de la société sont exonérées. La société de Madère étant une société de l’Union européenne, les directives européennes sont applicables, en particulier la directive mère-fille qui permet à une société holding de l’Union de recevoir des dividendes d’une société de Madère sans imposition supplémentaire ou uniquement avec une imposition moins élevée. Elle peut également bénéficier de l’utilisation du réseau de conventions pour éviter la double imposition du Portugal.
Enfin, les entreprises situées à Madère sont exclues des règles françaises applicables pour limiter le recours aux juridictions à fiscalité plus faible (règles CFC). Cette exclusion ne s’appliquant qu’aux entreprises ayant la substance économique locale nécessaire.
Présentation du régime applicable aux entreprises opérant dans le cadre du CIAM
Le taux réduit d’imposition s’appliquera à certaines limites du revenu imposable. Pour la création de 1 à 2 emplois : avantage fiscal limité à un revenu imposable jusqu’à 2 730 000 euros ; 3 à 5 emplois : 3 550 000 euros ; 6 à 30 emplois : 21 870 000 euros ; 31 à 50 emplois : 35 540 000 euros ; 51 à 100 emplois : 54 680 000 euros ; Plus de 100 emplois : 205 500 000 euros.
La partie du revenu imposable qui dépasse le plafond sera imposée au taux d’imposition normal en vigueur à Madère à savoir 14,7%. Par conséquent, il est important de prendre en compte le revenu imposable attendu d’une entreprise au moment de décider du nombre d’employés à embaucher. La législation récente exige également que la société dispose d’une structure commerciale adéquate à Madère. Il est donc nécessaire de créer les conditions pour que l’activité y soit effectivement exercée.
Une entreprise agréée sous ce régime sera également soumise à l’une des trois limites annuelles applicables aux avantages fiscaux prévus : 15,1% du chiffre d’affaires annuel ou 20,1% de la valeur ajoutée brute obtenue annuellement ou 30,1% des coûts annuels de main-d’œuvre engagés par l’entreprise.
Par ailleurs, les entreprises situées à Madère peuvent utiliser la législation fiscale portugaise et en particulier le régime d’exemption de participation en vigueur depuis 2014. Ce régime prévoit ainsi une exonération totale d’impôt sur les dividendes ou réserves perçus par une société portugaise à condition toutefois de respecter trois conditions. En effet, la participation dans la filiale doit être égale ou supérieure à 10% et maintenue pendant au moins 12 mois.
L’entité qui distribue les dividendes ne doit pas être située dans une juridiction sur liste noire portugaise. Enfin, l’entité qui distribue les dividendes n’est pas exonérée de l’impôt sur les sociétés lorsqu’il s’agit des sociétés portugaises, d’un impôt visé à l’article 2 de la directive mères/filles, ou d’un impôt identique ou similaire à l’impôt sur les sociétés.
Ce régime d’exonération de participation s’applique aux plus ou moins-values résultant de la cession d’actions. Les plus-values réalisées par des non-résidents résultant de la vente d’actions d’une société portugaise restent exonérées d’impôt au Portugal, sauf si le non résident est domicilié dans une juridiction de la liste noire du Portugal ou dans le cas d’une société portugaise détenant des biens immobiliers au Portugal.
Les sociétés situées à Madère sont en règle générale assujetties à la TVA à 22%. Les sociétés de Madère répondent à des nombreuses situations et peuvent être utilisées pour des activités de commerce international et d’opérations commerciales, des services de consultation, de gestion des participations, d’exploitation de la propriété intellectuelle, d’activités immobilières, d’immatriculation de navires et yachts, ou encore de services numériques.
Les pré-requis pour bénéficier du régime applicable aux entreprises opérant dans le cadre du CIAM
Dans le cadre du CIAM, la société doit respecter certaines exigences locales minimales pour bénéficier de ce régime et du taux réduit. En effet, la société doit embaucher un travailleur local à temps plein au cours des six premiers mois du début d’activité et faire un investissement minimum de 75 000 euros en immobilisations corporelles ou incorporelles dans les deux premières années d’activité. Ou bien, l’entreprise doit créer six emplois ou plus au cours des six premiers mois d’activité.
Des avantages fiscaux pour les sociétés industrielles et maritimes
Il existe également des avantages fiscaux spécifiques pour les sociétés industrielles exerçant leur activité au sein de la zone de libre-échange industrielle du CIAM. Le taux d’imposition réduit de 5% jusqu’en 2027 s’applique également aux revenus obtenus au Portugal. En outre, de nombreuses incitations fiscales et financières sont disponibles pour les sociétés maritimes dument constituées et autorisées à opérer dans le cadre du CIAM.
Autres opportunités offertes par le Portugal
Le régime fiscal avantageux du CIAM peut être combiné avec le régime du Résident Non Habituel (RNH) qui est un régime attractif pour les personnes physiques. Les revenus du capital perçus de l’étranger sont imposés à taux 0 tandis que les revenus générés au Portugal sont imposés à taux réduit fixe de 20%.
Ce régime peut être intéressant pour les citoyens français prenant leur retraite. En effet, les revenus seront imposés dans le pays de résidence, à savoir le Portugal, à un taux de 10% conformément à l’accord de non double imposition en vigueur entre le Portugal et la France.
Pierre Masquart
Avocat au Barreau de Paris
Membre du Think tank du droit de l’immobilier de la FNAIM Grand Paris
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