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Fintech : comment maîtriser le jeu en jouant selon ses règles

Olivier Binet, DG de FINOM

Par Olivier Binet, DG de FINOM

Quoique l’écosystème des startups B2B en Europe soit florissant et attire les investissements, certains événements récents, dont le krach des valeurs boursières tech en novembre dernier, ont rendu les investisseurs plus prudents quant à leurs investissements, et les clients (espérons-le) plus précautionneux quant au service fintech choisi. Dans un tel contexte, les fintechs devront présenter des preuves de leur fiabilité – à commencer par la conformité réglementaire.

« Every fool’s got to learn he’s got nothing to lose, Playin’ by the rules », chantait Michael McDonald in 1982. Les choses n’ont pas beaucoup changé depuis, même si elles se sont étendues à des secteurs qui n’existaient pas à l’époque comme la tech.

Le secteur des startups B2B en Europe se porte généralement bien (McKinsey rapporte que les investisseurs américains sont enclins à y investir) et les fintechs et néobanques B2B ne font pas exception.

Les banques traditionnelles n’offrant pas assez de flexibilité, les néo-indépendants et les entrepreneurs se tournent vers les néobanques et les fintech B2B pour leur trésorerie et pour de nombreux autres services afin de gagner en agilité et en compétitivité.

Cependant, en mars dernier, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a mis en garde contre le manque de rentabilité du modèle économique de certaines fintechs et contre l’absence d’agrément d’établissement de paiement, de monnaie électronique ou de crédit.

Depuis que les valorisations technologiques se sont effondrées en bourse en novembre 2021, les fonds de capital-risque ont commencé à adopter des critères de financement plus rigoureux (les Vision Funds du géant Softbank ont essuyé une perte de 27 milliards de dollars) et les startups revoient leurs ambitions à la baisse. Aussi, les faillites de fintechs comme Swoon (dépourvue de licence), le scandale Wirecard qui a conduit à la faillite de la fintech Boon, la débâcle américaine et les soucis réglementaires de N26, entre autres, ont laissé des séquelles. Enfin, certaines fintechs et néobanques, même B2B, ont artificiellement multiplié par près de cinq leur volume de clients en acquérant une application avec des comptes clients gratuits (dont la base de clients n’est pas prête à payer pour des services fintechs).

Il est donc facile d’en déduire que les investisseurs et les clients devraient se tourner vers les fintechs B2B qui offrent plus de garanties et moins susceptibles d’adopter une attitude…”légère”. Par conséquent, il ne fait aucun doute que les fintechs gagnent un réel avantage concurrentiel et réputationnel en obtenant une licence, qu’elle soit de crédit, ou comme c’est plus souvent le cas, de paiement, qui peut être obtenue dans un pays de l’UE et ensuite exportée dans toute l’Europe pour un passage à l’échelle.

« Les services bancaires sont nécessaires, les banques ne le sont pas »

Le régulateur a pointé du doigt le manque de licences chez les fintechs, qu’elles soient de crédit (néobanques), de monnaie électronique ou de paiement. En effet, une fintech sans licence n’aura pas accès aux activités réglementées.

Toutes les fintechs n’obtiendront pas une licence d’établissement de crédit (dont l’une des déclinaisons est l’agrément bancaire), car les fonds à détenir sont conséquents et la procédure longue et complexe. Cependant, cette licence n’est pas forcément utile pour toutes les structures ou pour tous les clients. « Les services bancaires sont nécessaires, les banques ne le sont pas ». – comme le dit Bill Gates. Il aurait pu ajouter « mais les règles le seront toujours« .

Si une licence d’établissement de crédit est trop difficile à obtenir, la bonne nouvelle pour la plupart des fintechs est qu’il existe des licences plus flexibles et plus faciles à obtenir. Il s’agit des licences d’établissement de paiement et d’établissement de monnaie électronique, par exemple. Elles assurent la conformité des fintechs aux opérations transactionnelles quotidiennes telles que le traitement des paiements numériques, la création d’IBAN, les retraits par carte, les paiements mobiles, etc., permettant au client de détenir une partie de ses fonds sur ce compte et obligeant la fintech à effectuer les process Know Your Customer nécessaires à garantir la traçabilité des fonds.

Les clients devraient également être rassurés par le fait que leur capitaux soient déposés par une banque externe avec laquelle la fintech est obligée de passer un accord. C’est loin d’être un simple détail. L’histoire des 500 anciens clients de Swoon qui ont perdu leurs capitaux, déposés abusivement sur une obscure plateforme de crédit pour PME, présentée à tort par son dirigeant comme un Intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement, un statut qui lui avait été révoqué depuis septembre 2021, en est un douloureux exemple. Swoon étant un simple éditeur de logiciels, ses clients ont peu de chances d’être remboursés un jour.

C’est aussi la raison pour laquelle les clients doivent régulièrement vérifier le statut juridique de la fintech dans le registre en ligne des agents financiers (regafi.fr). Swoon ne possédait aucune licence et, aux yeux du régulateur français, agissait en tant qu’agent d’un établissement fournissant des services de paiement. Il revenait donc à ce dernier de répondre aux exigences du statut, ce qui a été le cas… jusqu’en septembre 2021.

De plus, l’obtention d’une licence est, en soi, symptomatique de la solidité d’un modèle économique, car les fonds et les conditions à réunir sont déjà conséquents et chronophages (l’organisation nécessaire pour demander une licence de paiement peut prendre jusqu’à un an, et coûter entre 1 et 2 millions d’euros). Le simple fait d’obtenir une licence est donc déjà, en soi, une preuve tangible de la viabilité d’un modèle économique qui peut rassurer les investisseurs.

Respecter les règles du jeu

Enfin, le régulateur, tant en France qu’à l’étranger, a souvent mis en garde contre les failles de conformité des fintechs. Avec une licence, les fintechs ont certes plus de possibilités, mais aussi un plus grand devoir de contrôle de leurs clients. C’est une énième garantie de fiabilité pour les investisseurs comme pour les clients.

Pour les premiers, que la fintech dans laquelle une somme importante a été investie, puisse apporter la garantie qu’elle sera présente sur une multitude de marchés en toute légalité, qu’elle sera conforme afin d’éviter des sanctions financières, juridiques et réputationnelles, que ses activités ne seront pas stoppées net. Pour ces derniers, leurs fonds sont conservés séparément de ceux de la fintech, dans de “vraies” banques qui peuvent leur rendre leurs capitaux (au moins jusqu’à un certain montant), en cas de faillite, interdisant l’utilisation de leurs fonds pour des opérations à risque, entre autres éléments.

Si les investisseurs se sont montrés généreux dans le financement des fintechs B2B depuis la pandémie et le nouveau boom du numérique, ils sont plus réservés dans le choix de leurs investissements ces derniers temps. Non pas qu’il s’agisse d’une période de désenchantement, mais plutôt d’un retour au bon sens. Les clients commencent eux aussi à prendre conscience des risques liés aux plateformes qui n’offrent aucune garantie. Ainsi, les licences, qui permettent aux fintechs d’étendre leurs activités, d’exporter leur agrément dans plusieurs dizaines de pays et d’engager un certain degré de due diligence, peuvent grandement rassurer clients, régulateurs et fonds de capital-risque.

Olivier Binet


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