Par Keren Deront, Manager Organisation Success Project Management Institute
Davantage qu’un « désamour » pour leur travail, les Français souhaitent surtout faire évoluer les modes de travail traditionnels. Offrons-leur cette opportunité en mettant en œuvre une véritable économie de la formation !
« Digital nomad », « flex office », « conscious quitting »… les anglicismes sont nombreux pour tenter d’expliquer les mutations que connait le monde du travail. Tous convergent vers une idée forte qui pourrait constituer l’avenir du travail : la pratique de plusieurs activités professionnelles en même temps et de façon évolutive, tout au long de la carrière. Elle concerne près de 2,1 millions de personnes en France. Pour beaucoup, l’idée est de dynamiser la vie professionnelle, par exemple en exerçant sa passion tout en ayant un job durable permettant une rémunération financière suffisante. Les jeunes de 18 à 24 ans sont 64 % à voir cette tendance comme un futur standard. Pourtant, ne plus avoir qu’un seul travail comme cela a longtemps été la norme, exige une adaptation de l’écosystème pour préparer les professionnels à ces différents postes. Dans ce contexte, toute la question est : comment développer une véritable économie de la formation, notamment à l’heure de la réforme de France Travail ?
Un monde du travail influencé par les évolutions sociétales…
A l’aune de la révolution digitale, de nombreuses innovations bouleversent le monde du travail. Selon une récente étude, 80 % des métiers devraient voir – au minimum – 10 % de leurs tâches transformées par l’intelligence artificielle. De même, 300 millions d’emplois dans le monde pourraient être remplacés par des systèmes d’intelligence artificielle, soit environ un quart de l’activité mondiale. Des chiffres impressionnants qui témoignent des mutations que provoque et continuera de provoquer le développement de l’intelligence artificielle.
Autre variable clé, la dimension financière. Alors que le monde fait face à une inflation galopante et à une baisse du pouvoir d’achat, 56 % des actifs indiquent que s’ils envisageaient une reconversion professionnelle, cela serait d’abord pour augmenter leur rémunération. Le signe d’une crainte grandissante quant à la pression qui s’exerce sur leur salaire. Le facteur salarial explique également la tendance grandissante de la poly-activité, qui consiste à exercer plusieurs activités professionnelles. 73% de ceux qui ont fait ce choix d’avoir plusieurs emplois le font pour augmenter leur revenu.
D’autres font à l’inverse le choix d’une reconversion professionnelle pour un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle (36%). Cela est le fruit d’une période Covid-19 qui a largement rebattu les cartes en matière de priorités. Le travail a perdu de son caractère prééminent dans la société au profit d’autres valeurs telles que le bien-être ou le plaisir personnel. Un constat qui appelle à des réponses fortes !
… Qui appelle à des solutions durables en matière de formation
Face à ces nombreuses mutations, la formation constitue une solution et répond aux attentes des collaborateurs de développer leurs compétences tout au long de la carrière. Par exemple, s’ils devaient se reconvertir, 76% des actifs souhaiteraient réaliser une formation. Cela peut être pour acquérir les bases d’un nouveau métier, mais aussi des compétences transverses en matière de numérique ou de management de projet. Quoi qu’il en soit, pourcentage qui souligne l’importance de la formation pour cumuler plusieurs emplois ou pour se tourner vers de nouveaux horizons professionnels.
Or, la qualité et l’offre de formation peuvent encore être optimisées. En effet, si la formation dans l’enseignement supérieur offre des savoirs clés, elle manque parfois de liens suffisamment solides avec le monde de travail. Cette dimension est pourtant indispensable, notamment pour les jeunes qui entrent sur le marché du travail. C’est la raison pour lesquelles les formations continues et professionnelles sont complémentaires et cruciales pour permettre aux actifs de donner vie à leur projet professionnel, d’autant plus dans le contexte des bouleversements mentionnés plus haut. Il s’agit aussi d’un atout de taille pour sortir les actifs des chemins sans retour dans lesquels ils se sont lancés et, de facto, pour lutter contre la sinistrose qui touche le monde du travail actuellement.
Par conséquent, il est essentiel de mobiliser l’écosystème de la formation pour faciliter l’acquisition de nouvelles compétences utiles pour les professionnels. Un prérequis pour pallier les manques du système de formation initiale qui prévaut actuellement en France. Une économie de la formation, qui mobiliserait toutes les ressources nécessaires pour donner les compétences nécessaires, gagne à être mise en place. L’objectif n’est ni plus ni moins que de redorer le blason de la valeur travail auprès des professionnels et de le mettre au niveau des attentes du XXIème siècle.
Keren Deront