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Daniel Kretinsky va-t-il profiter du dépeçage annoncé d’Atos ?

N’y a-t-il décidément que l’inévitable homme d’affaires franco-tchèque pour pouvoir reprendre la filiale d’infogérance de l’ex-fleuron informatique tricolore ?

L'entrepreneur tchèque Daniel Kretinsky (Photo par Roman Vondrous/CTK Photo/ABACAPRESS.COM)

Ce pourrait presque devenir une affaire d’État. Car, au fond, personne ne peut garantir que cette cession se ferait bien au nom des intérêts du pays. De nombreux actionnaires ont ainsi jugé l’opération envisagée par trop favorable au magnat des médias et de l’énergie.

Au cours de l’été, certains parlementaires Les Républicains s’étaient émus à juste titre de la future cession des activités historiques d’infogérance (activités de maintenance des parcs informatiques) regroupées dans Tech Foundations au repreneur de Casino (via son holding EPEI). Celui-ci va avoir déjà fort à faire avec la remise à flot du distributeur présidé par Jean-Charles Naouri. Selon nos informations, le groupe de Saint-Étienne perdrait actuellement quelques 100 millions d’euros par mois.

N’y a-t-il aucune alternative dans un pays comme la France qui jure vouloir faire de la réindustrialisation et de la reconquête de sa souveraineté économique un pilier de sa nouvelle stratégie? Le cas Atos est particulièrement emblématique. Nous avons à faire à des activités économiques, cybersécurité, supercalculateurs, maintenance informatique, jugées sensibles, proprement stratégiques et d’avenir. Qui plus est, nous disposons de groupes internationaux comme Capgemini, Thales, Econocom, Sopra Steria, Alten, Airbus voire Orange ou Dassault Systèmes dont les activités peuvent très bien se coordonner avec les savoir-faire d’Atos.

Un groupe considéré, il n’y a pas si longtemps, comme un véritable fleuron hexagonal. Dans ces conditions, il est assez étonnant de voir l’ancienne société présidée par Thierry Breton ne susciter l’intérêt que d’un seul homme. Daniel Kretinsky, encore lui, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il est déjà notablement occupé avec ses reprises récentes.

Même si le patron des magazines Marianne et Franc-Tireur, également actionnaire minoritaire de M6 ou TF1, et repreneur d’Editis, est prêt à garantir l’injection de quelques 900 millions d’euros en augmentation de capital pour relancer Eviden. Une filiale d’Atos qui reste le seul fabricant européen de supercalculateurs. On se souvient, qu’il y a quelques mois, un entrepreneur français, David Layani, performant président fondateur de OnePoint, n’avait pas dissimulé son ambition affirmée de pouvoir mettre la main sur cette division d’Atos et pouvoir donner naissance à un groupe d’envergure mondiale et de souveraineté tricolore dans la cybersécurité et les supercalculateurs. Pourquoi ne l’a-t-on pas davantage poussé en haut lieu (Caisse des Dépôts, Bpifrance…) ? La question peut se poser.

Après les mésaventures d’Alstom, de Pechiney ou d’Alcatel, nos compatriotes ont le droit et à juste titre de se montrer regardants sur ces mécanos en cours. L’épisode est jugé suffisamment essentiel pour qu’en plein été dernier, 80 parlementaires Les Républicains aient choisi d’alerter et de prendre à témoin l’opinion publique d’autant plus que les cercles militaires alertaient sur un risque réel de perte de souveraineté dans le domaine de la dissuasion nucléaire dans la mesure où la simulation des essais est bien assurée par les supercalculateurs d’Atos. Rajoutons que le projet de cession était également largement critiqué par deux actionnaires minoritaires, les fonds CIAM et Alix AM qui sont même allés jusqu’à porter plainte devant le Parquet National Financier.

Le changement de gouvernance à la tête d’Alstom avec l’arrivée du banquier Jean-Pierre Mustier (ex Société Générale – supérieur hiérarchique de Jérôme Kerviel -, et dirigeant d’UniCredit) en lieu et place de Bertrand Meunier, qui a quand même 15 ans de présence au conseil d’administration d’Atos et 4 ans en tant que président, est peut-être un signe positif. D’autant que Mustier a lancé avec Bernard Arnault le plus grand SPAC d’Europe même s’il a été dissous depuis faute de cibles. Mais rien n’est sûr avec l’establishment parisien parfois davantage prompt à favoriser ses intérêts propres que ceux du pays. Restons vigilants. Même si l’action en bourse du géant français a dévissé de 50 % en 6 mois, ce n’est pas une raison pour brader une nouvelle fois nos bijoux de famille. C’est sur ce type de dossiers stratégiques que l’on attend Roland Lescure, ministre de l’Industrie, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, voire même le président d’autant qu’il n’a plus que le mot souveraineté à la bouche. Chiche Monsieur le président : Atos !

Robert Lafont


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