Qui reprendra le Groupe Casino ? La bataille fait rage entre l’homme d’affaire tchèque Daniel Kretinsky et le français Teract (filiale d’InVivo, premier groupe coopératif agro-alimentaire français). Pour Thierry Blandinières, président d’InVivo, le projet de son groupe « défend la souveraineté alimentaire de la France sur le long terme. » Il répond à Robert Lafont.
Votre projet de reprise de Casino par Teract semble un vrai plan d’intégration verticale pour l’ensemble de la filière agricole française. Peut-on le considérer d’intérêt national ?
Absolument, l’enjeu de la souveraineté alimentaire est le défi de la décennie. L’agriculture française doit être en capacité d’utiliser son plein potentiel en prenant en compte les attentes de la société en matière d’environnement.
Produire plus, mieux et durable est possible en prenant en compte les innovations agronomiques et les outils digitaux qui permettent de développer une nouvelle agriculture de précision.
Connecter les agriculteurs et les consommateurs est le principal objectif de notre projet Teract qui permettra une intégration verticale créatrice de valeur et compétitive : agriculteur, producteur, commerçant en un seul tenant sera une réponse structurelle à la problématique de l’inflation.
Êtes-vous soutenus par le gouvernement ?
Notre projet s’inscrit pleinement dans les objectifs des politiques publiques en proposant une solution française qui renforce notre souveraineté et qui sécurise le revenu de nos agriculteurs en leur donnant une visibilité sur le moyen et long terme.
Pourquoi avoir demandé à Intermarché de vous rejoindre ?
Intermarché est une enseigne très présente sur nos territoires, proches de nos agriculteurs et qui a déjà investi dans des outils de production avec sa filiale Agro-Mousquetaires. Nous partageons la même vision sur la structuration des filières durables agricoles. Ce partenariat viendra nous renforcer mutuellement afin d’atteindre plus rapidement nos objectifs stratégiques et de création de valeur.
Quels sont les enjeux pour la filière agricole de pouvoir s’appuyer sur de tels débouchés de distribution ?
Ce nouveau modèle économique d’intégration verticale permettra de construire une nouvelle relation dans les négociations industrie/ commerce en proposant des nouveaux contrats pluriannuels.
Ces nouveaux partenariats apporteront une meilleure garantie aux revenus de nos agriculteurs dans la durée et leurs donneront les moyens d’investir dans une nouvelle agriculture durable qui répondra aux enjeux de la lutte contre le réchauffement climatique en s’engageant à atteindre la neutralité carbone plus rapidement.
La prise de contrôle de Casino par un homme d’affaires franco-tchèque, Daniel Kretinsky, également actionnaire du distributeur allemand Métro, serait-elle une perte de souveraineté pour les intérêts français ?
La compétition est toujours un stimulant qui nous pousse à être plus créatif, nous sommes donc déterminés à trouver la meilleure réponse à l’équation financière de Casino.
Notre projet est une solution industrielle de long terme et nous en revendiquons le contrôle, conscient de notre valeur ajoutée et de notre savoir-faire sur le marché français. Seuls les actifs retail localisés en France nous intéressent, nous sommes donc ouverts aux partenaires financiers européens qui pourraient nous accompagner dans une logique d’actionnariat minoritaire sur notre territoire, et rassurer les français sur notre souveraineté alimentaire.
Êtes-vous confiant ?
Nous sommes conscients des difficultés, notamment en raison du niveau d’endettement considérable . Notre projet est viable qu’à la condition que le niveau de dette nette redescendue dans le New co Teract ne dépasse pas un levier de 2 fois l’Ebitda de cette nouvelle entité et que la garantie, qu’il n’y ait aucun risque de contagion des dettes des holdings, nous soit apportée. Nous espérons que le Conciliateur qui sera prochainement nommé trouve la solution qui nous permettra de confirmer notre engagement.
En cas d’échec, est-ce qu’InVivo/ Teract chercher à se rapprocher d’un autre grand distributeur ?
Le projet Teract s’inscrit sur le long terme et vise à consolider notre souveraineté alimentaire et sécuriser le revenu de nos agriculteurs. Nous sommes très ouverts aux partenariats structurants et nous nous positionnons comme un acteur attentif à toutes les options qui répondront à la réalisation de ces objectifs.
Où en êtes vous de vos projets de croissance externe dans la distribution de vins ?
Depuis l’acquisition du groupe Soufflet, Invivo à changé de dimension .Avec un chiffre d’affaires de 12 milliards €. Nous sommes le leader européen des céréales et le leader mondial de la production de Malt . Notre projet dans le domaine viticole reste néanmoins très ambitieux. Avec notre filiale Cordier, nous réalisons un chiffre d’affaires de 350 millions d’euros et nous sommes le troisième acteur français des vins tranquilles. La valorisation des filières viticoles françaises à l’international est notre principal objectif et notre ambition est de doubler de taille dans les 5 ans à venir.
Propos recueillis par Robert Lafont