Par Thomas Andrieu, auteur de 4 livres à succès chez JDH EDITIONS dont « Révolution cryptos ».
Tribune. Il est aujourd’hui inquiétant de voir avec quelle rapidité la perspective d’une société planifiée, concentrée, régulée, et détaillée s’ouvre à nous. Mais il n’y a rien d’étonnant à cela. C’est la conséquence de décennies de choix économiques conscients et de bouleversements humains annoncés…
Pourquoi l’inflation est-elle encore financée à de tels niveaux de hausse des prix ? Pourquoi les trajectoires à long terme des taux d’intérêt sont plus instables qu’il y a deux siècles ? Pourquoi la concentration croissante du système bancaire nous expose à un risque de crise systémique ? Quels sont les mécanismes économiques qui ont contribué à l’ébranlement de notre système monétaire ? Et comment en sortir ?
La crise amorcée de la concentration des banques
Une crise d’ampleur touche le système financier et l’intégrité du système monétaire. Ce fléau qui touche le système monétaire s’est encore accru ces dernières années, et nous devons de fait, prononcé un signal de mise en garde. Les conséquences de la concentration du système bancaire ces dernières décennies, et ces dernières années, sont dramatiques et absolues.
Pensez-vous que nous vivons sincèrement dans un monde de concurrence ? Si c’est le cas, vous serez vites déçus en apprenant qu’en 1921, il y a un siècle tout juste, les Etats-Unis comptaient plus de 30 000 banques. C’est moins de 4 500 banques commerciales que l’on recense aux Etats-Unis en 2020 ! La tendance de la concentration des banques s’est accélérée ces dernières décennies. Depuis 1990, le nombre de banques aux Etats-Unis a été divisé par plus de trois. Le même fléau touche l’Europe. Entre 2009 et 2020, le nombre de banques en zone euro a chuté de plus de 33 % (avec 5441 banques en 2020).
Quelles sont les causes de ce phénomène inquiétant ? La principale explication demeure la faiblesse des taux d’intérêt depuis des décennies, ce qui a fragilisé d’innombrables banques. Mais nous devons aussi parler des problématiques de régulation. La régulation croissante des activités financières ces dernières années est devenue telle que la liberté d’entreprendre en finance est désormais réduite à néant. Ce n’est pas seulement une atteinte à la liberté de commercer dont il s’agit par des régulations abusives, c’est aussi une atteinte au bien être des consommateurs, affublés par des frais bancaires pesants, des taux désormais prohibitifs, et la perspective d’une société où la différence entre ceux qui possèdent et ceux qui n’ont rien n’a jamais été aussi grande en raison de politiques monétaires peu rigoureuses…
La réciproque de la concentration du système bancaire est la naissance du concept de « banques garanties par l’Etat ». Ces dernières décennies, les Etats ont nié la possibilité pour le système de concurrence de générer des faillites. La concentration amorcée des banques a provoqué en 2008 l’impossibilité de laisser naître des faillites en cascade dans le système bancaire. Désormais, nous ne vivons plus dans un système de concurrence suffisamment sain. Si les mauvais joueurs dans un système capitaliste ne sont pas sanctionnés par la faillite, alors il est nécessaire et évident que ces mauvais joueur doivent être placés sous la protection ultime de l’Etat. Le consommateur est piétiné, la monnaie bafouée, les banques sont piégées, l’Etat asservi, et personne en est le gagnant.
Vers la banque libre ?
La banque libre est la branche de l’économie financière la plus fascinante de toute l’Histoire de l’économie. Pourtant, une proportion infime des économistes connaissent son histoire. La banque libre désigne un système monétaire et financier dans lequel les banques ne subissent pas ou peu de règlementation, et surtout, c’est souvent un système dans lequel les banques peuvent émettre de la monnaie. Ce système, qui nous paraît si étranger à notre imagination, a régné pendant des décennies dans de nombreuses économies occidentales, en particulier jusqu’au milieu du XIXe siècle.
Dans un article publié en 1987 intitulé The Evolution of a Free Banking System, rédigé par Lawrence White et George Selgin, les auteurs ont montré qu’un système bancaire libre a non seulement une résonnance historique profonde, mais aussi que ce système a fonctionné et demeure souvent associé à la stabilité des prix. Par exemple, la France a connu une période de banque libre entre le Directoire et la loi du 1803 sur le monopole de l’émission de monnaie de la Banque de France (pour des raisons essentiellement politiques). La banque libre était significativement plus ancrée dans des pays comme l’écosse ou le Canada (qui a connu une période de banque libre à partir de 1891 et pendant plus de 40 ans).
Nous revisitons aujourd’hui l’idée que les banques peuvent être libres, et que la monnaie n’est pas nécessairement un monopole. Il n’y aucune raison valable aujourd’hui qui explique pourquoi la monnaie est unique. Cette théorie a été ravivée dans les années 1970 par le célèbre économiste Friedrich Hayek dans son livre Denationalisation of money. A la lecture de son livre, on est stupéfait de relire les présentiments de Friedrich Hayek sur l’évolution du système monétaire… Et sur la transformation qu’il allait connaître dans les décennies suivantes !
L’idée n’est pas seulement que le système de banque libre est un moyen d’atteindre une meilleure stabilité monétaire, mais que c’est aussi la possibilité de créer un système monétaire plus équilibré et des ajustements économiques plus performants qu’ils ne l’ont jamais été.
Cryptomonnaies : un système futuriste du passé ?
Seulement 16 ans après la mort de Friedrich Hayek, le Bitcoin voyait le jour. Avec lui, la possibilité de renaissance d’un monde ancien plus moderne que jamais. Tout d’abord, nous l’avons dit, le système financier s’atrophie à mesure que le besoin de concurrence et de liberté s’accroit d’autre part. Ensuite, la possibilité que plusieurs monnaies soient en concurrence entre elles n’est possible qu’à la condition que les échanges entre ces monnaies soient rapides, instantanés et peu couteux (pas de barrières d’échanges qui empêchent la concurrence des monnaies). Les cryptomonnaies, de par la révolution technologique (la blockchain), affranchissent toutes les barrières relatives aux contraintes des échanges d’une part, et aux contraintes de la monnaie unique d’autre part.
Bien sûr, il est inutile de rappeler que le marché des cryptomonnaies demeure un marché très imparfait, et on ne sait après tout pas grand-chose de sa viabilité. La banque libre est morte pour des raisons plus politiques que des raisons économiques. Les cryptomonnaies doivent craindre la régulation abusive tout comme la perspective d’un monopole de cryptomonnaies de banques centrales dans l’avenir. L’avantage des cryptomonnaies, c’est qu’elles révolutionnent nos manières de concevoir la monnaie et le système monétaire.
Envisagez un instant un système dans lequel des centaines ou des milliers de monnaies s’échangent comme des biens ou des services, instantanément, à moindre coût, et à moindre risque. Pour Friedrich Hayek, la concurrence des monnaies conduit nécessairement au maintien des monnaies les plus stables et à la faillite des monnaies les plus volatiles. Nous devons toujours nous réjouir que des solutions existent déjà face à la crise de la concentration monétaire qui menace nos économies.
Demain, se dessine la perspective d’une économie plus planifiée et plus centralisée que jamais aux décisions de quelques Etats et de banques centrales. Cela conduit mécaniquement à l’instabilité de l’économie… On assiste à l’incapacité pour de multiples marchés de fournir les biens et les services que la population désirerait pour la seule raison que des décisions politiques ont été rendues plus ou moins arbitrairement. C’est l’oligopole de la banque, du transport et de l’énergie, le monopole de la monnaie, et le besoin (créé) d’Etat des peuples qui nourrit aujourd’hui leurs malheurs… A défaut, nous devons nous battre pour retrouver un jour une certaine idée de la liberté d’entreprendre et de la liberté de commercer…
Thomas Andrieu, auteur de 4 livres à succès chez JDH EDITIONS dont « Révolution cryptos ».