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Transport aérien : Transavia prend son envol

Entreprendre - Transport aérien : Transavia prend son envol

Biberonnée à l’aviation, Nathalie Stubler est diplômée de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts-et-Chaussées. Après avoir commencé sa carrière au sein de la compagnie aérienne Air Inter, elle a occupé des fonctions de management multiples au sein du groupe Air France-KLM, et endossé des fonctions plus corporate en qualité de directrice de cabinet du président du groupe. Depuis janvier 2016, elle est devenue présidente directrice générale de Transavia France, compagnie low-cost du groupe Air France-KLM. Evoluant dans le secteur aérien depuis 27 ans, elle apporte un souffle nouveau à Transavia.

Quels étaient vos objectifs lorsque vous avez intégré Transavia en 2016 ?

Le challenge était économique avec pour maîtres mots la rentabilité et la croissance. La croissance était déjà présente et faisait partie du plan de marche de notre actionnaire. Tout lancement est d’abord un investissement, nous avions anticipé de ne pas être rentable dans un premier temps. Mais le planning défini initialement a été impacté suite aux attentats en France en 2015.

Notre évolution s’est faite de manière assez progressive et continue sans précipitation. Nous avons travaillé sur les recettes et les coûts afin d’atteindre l’objectif de retour à l’équilibre dès 2017. Nous avons adapté notre réseau pour nous recentrer sur les routes à fort potentiel, répondant à notre proposition commerciale essentiellement tournée vers les voyages loisirs. L’amélioration de la compétitivité de notre flotte nous a permis de réduire nos coûts.

Depuis janvier 2016, Transavia possède ses propres avions et nous avons continué à faire baisser le coût de la flotte. Le prix du pétrole est également une variable importante, mais sur laquelle il est difficile d’agir. Nous avons aussi identifié des leviers d’augmentation des recettes additionnelles. Nous avons mené un travail pour développer la notoriété de l’entreprise et de la marque. Cela nous a permis de booster le coefficient de remplissage qui a atteint un taux record de 92 % en 2018.

Le formidable travail d’équipe produit nous a permis de dépasser notre objectif de break even (seuil de rentabilité, en français — ndlr) et d’afficher un résultat opérationnel positif dès 2017. En 2018, nous avons amélioré encore ce résultat avec un taux de marge opérationnelle de 9,1%. Après une très belle année 2018, et un taux de croissance de 20 %, notre croissance à deux chiffres se poursuivra en 2019 autour de 15 %.

Allez-vous poursuivre l’augmentation de la flotte de Transavia dans les années à venir ?

Notre flotte a connu une importante évolution, puisque nous sommes passés de 21 avions en 2015 à 38 avions cet été. Nous avons en effet pour ambition de continuer à développer notre flotte. Actuellement, nous finalisons un projet d’accord avec les organisations représentatives de l’ensemble des pilotes d’Air France et de Transavia France. Cela ouvre la voie au développement de Transavia France sur son marché, celui du low-cost moyen-courrier sans aucune restriction. C’est une bonne nouvelle pour notre Compagnie 

La flotte de Transavia est composée de 83 avions en 2019 — 38 avions chez Transavia France et 45 au sein de la filiale Transavia Pays-Bas — est d’une taille relativement modeste au regard de nos concurrents paneuropéens. Nous avons donc un potentiel de développement au départ de la France vers l’Europe et le bassin méditerranéen.

Quelles sont les zones géographiques les plus dynamiques pour Transavia ?

Aujourd’hui, nous sommes présents au départ de trois villes françaises : Paris Orly, Lyon et Nantes. Nous adressons l’Europe, avec un focus vers le Sud, même si nous proposons quelques destinations au Nord de l’Europe. Nous sommes particulièrement forts sur le Maroc, le Portugal, la Tunisie, l’Espagne et la Grèce qui est surtout un marché estival. Nous avons d’autres dessertes au Nord (Edimbourg, Dublin, Amsterdam) ou à l’Est de l’Europe (Prague, Budapest…), mais qui représentent une part marché inférieure pour Transavia. Notre extension géographique se fait de façon pragmatique en fonction des opportunités.

Quelle est la typologie de la clientèle de Transavia ?

Nos clients sont majoritairement français même si sur certaines routes, nous avons beaucoup de clients étrangers par exemple portugais, irlandais ou espagnols. Notre clientèle voyage principalement avec nous pour des motifs loisirs et de visites familiales. Ces chiffres sont à considérer avec prudence car il s’agit d’un questionnaire auquel les passagers acceptent ou non de répondre.

Que représente la clientèle affaires dans votre chiffre d’affaires ?

La clientèle affaires, composée essentiellement de TPE et PME, existe là où nous proposons beaucoup de fréquences par jour, très peu de routes sont donc concernées. La ligne Paris-Porto que l’on dessert jusqu’à six fois par jour durant la période estivale est propice à la clientèle entreprise, mais c’est un cas assez atypique de notre réseau.

En quoi vous différenciez-vous de vos concurrents low-cost comme Ryanair, Easyjet ou Vueling qui desservent la France ?

Nous nous différencions de deux manières dans ce milieu extrêmement concurrentiel. Tout d’abord, grâce à notre appartenance au groupe Air France-KLM. Cette filiation constitue un gage de réassurance fort pour nos clients. La maintenance des avions est assurée au sein d’un groupe aérien de premier plan, qui a été désigné Fournisseur MRO global de l’année 2019. Nous bénéficions par ailleurs du programme de fidélité « Flying Blue ». Nos clients peuvent donc utiliser leurs miles acquis sur des routes Air France pour des voyages sur Transavia, mais aussi acquérir des miles sur notre réseau pour les tarifs Plus et Max. Nous proposons aussi certains de nos vols à la vente sous le code Air France grâce à un accord de partage de code.

Transavia apporte également un facteur de différenciation qui lui est propre à travers son slogan « we make low cost feel good ». Le prix doit certes être attractif mais ce n’est pas suffisant : le client doit vivre une véritable expérience durant laquelle il se sent bien. Le « feel good » se réalise d’abord grâce au digital. Notre site est très simple d’utilisation et les informations y sont exposées en toute transparence sans aucun frais cachés. Nous favorisons de nombreuses interactions avec nos clients sur le canal digital afin d’entretenir une proximité avec eux.

Nous disposons d’un service client sur Wathsapp sur lequel nos clients viennent poser des questions ou régler leurs problèmes. Dès que nos clients rencontrent une difficulté, ils peuvent interagir gratuitement avec un agent commercial. Cette approche extrêmement différenciante est très appréciée de nos clients.

Le « feel good » est également présent dans l’expérience de voyage que nous proposons. Nous avons décidé d’être présents sur les grands aéroports afin d’offrir une meilleure accessibilité et un plus grand confort à nos clients. Nous allons bénéficier du nouveau hall 3 sur Orly qui propose un parcours passager simplifié et offrira une expérience plus agréable à nos clients.

Nous nous différencions enfin à bord des vols grâce à nos équipages de cabine et nos pilotes responsables de la mission et de la ponctualité, qui insufflent ce « feel good » et apportent cette tonalité sympathique. Nous leur donnons la capacité de prendre des initiatives et de trouver le bon ton avec les clients. Nos hôtesses et stewards sont extrêmement bien notés par nos clients, l’an dernier 8,6 sur une échelle de 10, signe de leur professionnalisme et engagement.

Nous avons des ambassadeurs volontaires de la marque parmi nos personnels navigants de cabine qui animent les réseaux sociaux et organisent des animations durant les vols. Nous avons ainsi proposé des vols animés à l’occasion de la Fête de la musique, et nous avons programmé des animations pour soutenir l’équipe de France féminine de foot durant la coupe du monde.

Quelle est votre vision de l’avenir de l’entreprise ?

Transavia atteste d’un un fort potentiel de croissance. La France est l’un des pays les moins desservis par les compagnies low cost en Europe en comparaison du Royaume-Uni, de l’Espagne et de l’Allemagne. Avec un taux de pénétration de seulement 42 %, la France se positionne loin derrière d’autres marchés.

Les compagnies low cost ont-elles ubérisé le secteur ?

Il existe des compagnies ultra low cost et des compagnies low cost. Le terme low cost n’est pas péjoratif, il correspond à une logique de coûts moindres grâce à l’utilisation de moyens optimisés, de procédures extrêmement simples, d’un produit unique avec une structure très légère permettant d’avoir des coûts d’opérations assez bas et de proposer des tarifs assez bas en miroir.

Nos personnels sont extrêmement bien formés, la sélection de nos pilotes est très exigeante. Je n’imagine pas l’ubérisation de ce marché très normé. Les compagnies ultra low cost, basées dans des pays où les charges sociales sont très largement inférieures, nous concurrencent. Basée en France, notre société est assujettie à l’ensemble des cotisations sociales françaises. Ce modèle social n’est pas celui d’autres acteurs du secteur, nous n’évoluons pas dans le même référentiel.

Que répondez-vous aux personnes soutenant le mouvement « #JarreteLAvion » qui incite les voyageurs à ne plus prendre l’avion à cause de son coût environnemental ?

Bien que nous n’ayons pas encore identifié ce phénomène sur notre réseau au départ de la France, nous restons très attentifs à ces mouvements et à ces phénomènes. Le transport aérien dépend du kérosène et utilise une énergie fossile, mais nous n’avons pas encore trouvé de moyens à ce jour d’avoir des avions électriques ou d’utiliser de l’hydrogène ou encore le solaire — même si le Suisse Bertrand Piccard a réalisé un véritable exploit avec son Solar Impulse.

Nous avons le devoir de participer à la réduction des émissions de CO2 afin de réduire l’impact de l’aviation sur l’environnement. Nous travaillons déjà depuis plusieurs années avec les pilotes sur la consommation de carburant et nous nous faisons aider par deux start-up françaises spécialisées en big data et en machine learning en matière d’éco-pilotage. La jeune pousse toulousaine Openairlines a développé une solution d’éco-pilotage en temps réel. L’objectif consiste à donner des recommandations en temps réel afin de réduire la consommation de carburants et les émissions de CO2 pendant le vol et de favoriser les bonnes pratiques.

La descente continue est une pratique vertueuse car lorsque l’avion descend en faisant des paliers, il faut nécessairement remettre les gazs à chaque palier, ce qui conduit à une surconsommation. La descente continue permet quant à elle de consommer moins et de réduire le bruit. La solution de Openairlines permet par exemple de monitorer les vols afin d’identifier ce que l’on peut encore gagner en matière de descente continue par vol. Les axes de réflexion sont multiples.

Lorsque l’avion atterrit et quitte la piste, le roulage est assez long avant d’arriver au point de stationnement dans certains aéroports, mais il est possible de couper un des deux moteurs afin d’économiser du carburant.

Nous travaillons également avec une seconde start-up, Safety Line, qui propose Opticlimb, une solution innovante pour optimiser le profil de montée et réduire la consommation de carburant et les émissions de CO2. Elle nous aide à progresser afin d’optimiser nos profils de montée, la phase de montée étant la plus consommatrice en carburant. Elle connait nos matricules d’avion et nos routes et est donc en mesure de nous aider dans cette optimisation.

Nous avons réduit de 10 700 tonnes notre émission de CO2 l’année dernière grâce à l’utilisation de ces deux outils et surtout l’action menée par nos pilotes. Nous allons continuer à travailler sur ces axes d’amélioration, et renouveler nos flottes avec des avions plus modernes de dernière génération qui nous permettront de consommer moins de carburant. La filière biocarburant devra se développer en France afin de permettre la réduction d’émissions de CO2 du secteur aérien.

Du côté législatif, un mouvement anti-avion semble également prendre forme (amendement prévoyant d’augmenter la taxe sur le kérosène et le taux de TVA sur les billets, proposition de loi visant à interdire les vols domestiques lorsqu’il est possible de prendre le train…). Est-ce une menace pour Transavia ?

Il existe déjà l’EU ETS (système d’échanges de permis d’émissions de CO2 — ndlr) qui est une forme de taxe sur les vols intra Europe. Nous achetons des permis d’émettre du CO2 pour des montants assez importants. A la fin 2019, nous aurons acheté 20 M€ de permis en cumulé depuis le la mise en place de ce système. Le secteur aérien est donc déjà assujetti à une forme de taxation.

Il existe par ailleurs un projet de système international nommé CORSIA. Nous avons toujours dit que le transport aérien devait être pensé sur le plan mondial, les micros actions étant inéluctablement confrontées à des systèmes d’évitement. La communauté mondiale s’est emparée du sujet depuis déjà de nombreuses années. A partir de 2021, pour les vols internationaux, les compagnies aériennes sont engagées à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre via un système global mondial de compensation des émissions de carbone (CORSIA), conclu dans le cadre de l’organisation aéronautique Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).

Le secteur aérien est déjà extrêmement engagé et ne découvre donc pas le sujet. L’engagement au sujet de la réduction l’émission de CO2 n’est pas nouveau ni récent, il est déjà extrêmement ancré. Il ne faut pas oublier que le secteur aérien permet de relier les hommes, de découvrir le monde, et de ne pas rester autocentré.

L’engagement se retrouve également sur la partie environnementale à travers d’autres sujets que le dioxyde de carbone. Nous sommes très attentifs au bruit près des aéroports et à la consommation de plastique à bord des avions. Très largement poussés par nos hôtesses et stewards, nous avons décidé de retirer de nos avions tous les plastiques à usage unique (toilettes, gobelets, sacs logotés) à l’horizon de la fin 2019. Nos PNC veillent à éviter le gaspillage en ne proposant pas systématiquement un gobelet, d’autant que beaucoup de gens boivent dans leur bouteille. Nous travaillons activement sur ces thématiques avec nos équipages afin de réduire notre empreinte environnementale.

Propos recueillis par Isabelle Jouanneau


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