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François-Patrick Sabater : « C’est dommage qu’il ne soit plus possible de monter son affaire sans argent »

Fils d‘un créateur de parfum, le PDG du groupe familial TechnicoFlor François-Patrick Sabater (36 ans) a construit l'un des leaders mondiaux de la composition aromatique avec près de 250 salariés et des produits vendus dans 60 pays. L’entreprise fournit depuis près de 30 ans les plus grands noms de la parfumerie et de la cosmétique. L'entrepreneur marseillais nous explique comment il a réussi à faire émerger Technicoflor dans l’ombre des marques.

Entreprendre - François-Patrick Sabater : « C’est dommage qu’il ne soit plus possible de monter son affaire sans argent »

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Fils d‘un créateur de parfum, le PDG du groupe familial TechnicoFlor François-Patrick Sabater (36 ans) a construit l’un des leaders mondiaux de la composition aromatique avec près de 250 salariés et des produits vendus dans 60 pays. L’entreprise fournit depuis près de 30 ans les plus grands noms de la parfumerie et de la cosmétique. L’entrepreneur marseillais nous explique comment il a réussi à faire émerger Technicoflor dans l’ombre des marques.

Comment avez-vous créé TechnicoFlor ?

Élevé dans l’univers de la parfumerie, j’ai eu la chance d’évoluer dans ce milieu dès mon plus jeune âge. Parfumeur de métier, mon père m’a ainsi initié à ce monde très fermé. J’ai appris les accords à ses côtés et j’ai rencontré des fournisseurs qui nous rendaient régulièrement visite.

Fort de ce vécu, je me suis lancé dans l’aventure entrepreneuriale en 1981. J’avais fait préalablement mes armes en travaillant dans une société de produits finis à Marseille.

Quel est la valeur ajoutée de votre produit ?

Nous sommes spécialisés dans la création de compositions parfumées, d‘extraits végétaux, de matières premières aromatiques et d’arômes alimentaires. Nous occupons une position centrale entre les matières premières et les produits finis et nous créons des parfums grâce à nos nez.

Notre métier de parfumeur est finalement assez caché et secret. Technicoflor travaille aujourd’hui avec les principaux acteurs de la parfumerie et de la cosmétique.

À quelles difficultés majeures vous êtes-vous heurté ?

Nous avons démarré à Marseille, ce qui est assez atypique car tous les acteurs du secteur sont à Grasse et nous sommes la seule société à s’être implantée dans la cité phocéenne. La difficulté a consisté au départ à être en présence de confrères qui attestaient d’un historique d’un ou deux siècles et à réussir à nous faire un nom dans la parfumerie en attirant des talents et en gagnant la confiance des clients. Aller contre les habitudes est toujours difficile.

Pourquoi avoir misé sur l’export ?

Il était compliqué au début d’émerger en France où se trouve le cœur de métier de la parfumerie. Ces marchés étrangers étaient plus faciles à pénétrer, qu’il s’agisse du Moyen-Orient, de l’ Afrique, de l’ Asie et de bien d’autres secteurs dans le monde. La Chine ne fait pas la différence entre Technicoflor ou un confrère pour peu que nous proposions un bon produit à un bon prix.

Nous nous sommes positionnés sur le marché français de façon intensive depuis une quinzaine d’années et nous avons désormais réussi à nous faire un nom dans ce métier.

Produire en France est-il un choix délibéré ?

Oui, notre première usine à Marseille a été lancée en 1991 et nous construisons actuellement deux nouveaux centres de production dans la même ville qui devraient être opérationnels en septembre 2019 (investissement de 12 millions d’euros, NDLR). Il est vital de produire en France car les clients à l’export sollicitent et exigent du Made in France.

Nous bénéficions en France d’un savoir-faire et de matières premières exceptionnels qui nous ont permis dans le secteur de la parfumerie de créer une image de créativité et de qualité sans pareil. Sur certains marchés comme la Chine, nous avons une usine sur place car les Chinois ne veulent pas entendre parler de délais de livraison trop longs et ne veulent pas importer de produits très onéreux.

Comment avez-vous réussi à tirer votre épingle du jeu dans cet univers hyperconcurrentiel ?

J’ai tenté de privilégier un positionnement un peu différent en commençant sur le naturel il y a une dizaine d’années alors que ce marché était tout petit et peu porteur. Le naturel est aujourd’hui en plein essor et nous attestons d’ un véritable savoir-faire en la matière. Nous sommes l’un des leaders mondiaux dans les compositions naturelles, ce qui nous permet aujourd’hui d’accéder à de grands briefs auxquels nous n’aurions pu prétendre.

À quels types d’évolutions devez-vous faire face ?

Le processus de développement d’un produit est parfois très long, il peut s’écouler entre un an et deux ans entre le moment où le client valide un produit et celui où il va le mettre sur le marché et nous devons être irréprochables si nous voulons avoir la confiance des gros acteurs de parfumerie. Grâce à la nouvelle usine et à l’automatisation de nos procédés de fabrication nous souhaitons être réactifs en proposant des délais de livraison très courts de moins de 5 jours pour être les plus rapides sur notre marché.

Quelle place occupe l’innovation ?

Nous avons un vrai carnet de tendance que nous avons initié dans le monde la parfumerie. Nous sommes fréquemment sollicités pour connaître la tendance dans les différents domaines de la parfumerie. Notre service évaluation marketing propose deux fois par an de nouveaux concepts et les services marketing de nos clients, toujours en quête de nouvelles idées, sont très intéressés par cette démarche.

Quelles est la clé de la réussite ?

Nous avons une qualité de matières premières exceptionnelle, en particulier dans les naturels, où nous faisons la différence. Nous disposons de champs de patchouli avec nos propres implantations en Indonésie. Nous maîtrisons donc la qualité des produits sur l’ensemble de la chaîne, ce qui n’était pas le cas auparavant. Au fil du temps, nous maîtrisons nos matières premières que nous choisissons exceptionnelles.

Quels sont les impacts de la pénurie de matières premières dans l’industrie de la parfumerie ?

Les pénuries aujourd’hui concernent majoritairement les produits synthétiques et sont essentiellement dues à plusieurs usines qui ont brûlé et à la fermeture de nombreuses usines chinoises – 1 800 ont été fermées dans la province de Canton pour causes environnementales et non-conformité aux normes.

Ces multiples fermetures ont créé des pénuries car ces usines fabriquaient, soit des matières premières pour la parfumerie, soit des intermédiaires de synthèse qui servaient à des fabricants en Europe pour faire des matières premières de parfumerie.

Pourquoi avoir décidé d’ouvrir un studio de créations à Dubaï ?

J’estimais qu’il était plus simple pour nos clients et pour nous de disposer d’une équipe complète sur place. J’ai donc nommé mon fils Christopher Sabater, qui s’occupait auparavant de Shanghai, à Dubaï afin de constituer toute une équipe. Nous apportons un véritable service à nos clients aux Emirats Arabes Unis sachant qu’ils souhaitent souvent venir à Marseille et à Paris où nous avons également un centre de création.

Quel bilan dressez-vous un an après le rachat de l’entreprise Fontarôme ?

Fontarôme est positionnée sur une activité que nous n’avions pas encore développée, les arômes alimentaires. Nous avons racheté cette société car elle attestait d’un vrai savoir-faire, notamment dans le naturel, et avait comme clients tous les grands comptes en Europe comme Haribo, Unilever, Procter & Gamble, Servier, Nestlé,…

Il est beaucoup plus facile pour nous de nous développer à l’export car nous disposons d’un réseau de distribution dans le monde entier. Fontarôme n’avait jamais approché l’international car les propriétaires d’ origine n’avaient pas la volonté de développer les marchés étrangers.

Le savoir-faire de Fontarôme dans le naturel bio est un atout que nous souhaitons développer car aujourd’hui il faut être fort sur ce segment porteur dans l’agroalimentaire. La structure bénéficie d’autres atouts comme, notamment, des certifications spécifiques pour approcher l‘industrie pharmaceutique et la nutrition animale.

Avez-vous de nouveaux projets ?

Dès que la nouvelle usine ouvrira ses portes, j’envisage deux ou trois croissances externes afin de pouvoir atteindre plus rapidement une taille plus importante et envisager plus sereinement l’avenir face à nos gros concurrents. On assiste aujourd’hui à une recomposition du paysage concurrentiel dans notre secteur avec beaucoup de sociétés à vendre, certaines à prix d’or.

Nous devons dès l’année prochaine mener une opération de croissance externe. Notre croissance interne est très importante (25%) mais insuffisante pour atteindre une certaine taille et nous devons grossir rapidement dans les trois années à venir. Disposer d’un outil de production à forte capacité rendra les choses beaucoup plus faciles et nous permettra une ou deux croissances externes.

Nous prévoyons des levées de fonds afin de nous accompagner dans ces projets. La valorisation des entreprises est telle aujourd’hui, que ces opérations supposent de faire rentrer un fonds d’investissement. Nous aurons pris une option sur le dossier avant la fin de l’année.

Allez-vous aussi miser sur des entrepreneurs ?

Il y a quelques semaines de cela, j’ai rencontré à Paris une jeune femme par- fumeur qui souhaite se lancer toute seule en s’appuyant sur nos différents services. Je lui ai donné mon accord et cela sera donc notre première expérience. Je suis toujours très attentif aux jeunes porteurs d’ idées nouvelles.

Il est fort dommage qu’ il ne soit plus difficile aujourd’ hui de monter son affaire sans argent, comme je l’ai fait, des moyens importants sont désormais nécessaires. Aujourd’hui, un brief dure environ deux ans, les gens n’ont donc plus la possibilité de se lancer seul, même si les fonds d’amorçage sont beaucoup plus nombreux qu’avant. 


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