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Solex : le groupe Rebirth réinvente la mobilité

Crédit : Gabriel Gorgi

Fondé en 2005 par Grégory Trébaol, le groupe Easybike, qui exploite les marques iconiques, Matra et Solex, renaît sous le nom de Groupe Rebirth à l’été 2022. Le spécialiste français de la conception et de la fabrication de vélos électriques, mû par la volonté de ressusciter des marques emblématiques et de redonner vie à des sites industriels français, élargit son spectre pour se positionner comme architecte de la mobilité de demain.

Easybike a été renommé Easybike Group en 2005 avant de devenir Groupe Rebirth à l’été 2023. Pourquoi ces changements d’appellations successifs ?
Grégory Trébaol : Alors qu’Easybike Group était à la tête des marques Easybike, Matra et Solex dont l’activité était concentrée sur des segments électriques, nous avons estimé opportun, lorsque nous avons élargi le scope en acquérant d’autres marques de mobilité, de disposer d’une marque chapeau qui reflète l’écosystème 360 que nous souhaitions créer en matière de mobilité.

Quel est le sens de la marque Rebirth ?
Le terme « rebirth » (renaissance en français, Ndlr) reflète notre volonté de faire revivre des marques françaises historiques qui ont été précurseuses dans certaines formes de mobilité, notamment avec Solex, qui demeure un puissant cheval de Troie pour le groupe. Le nouveau nom du groupe fait référence à une histoire jalonnée de renaissances, de mouvements et de transformations. Rebirth a vocation à se construire au travers de marques iconiques françaises ancrées dans l’inconscient collectif.

Quelle est la raison d’être du Groupe ?
Notre raison d’être est de développer une expertise à 360 degrés en matière de conception, d’innovation, de fabrication et de services afin d’inventer la micromobilité de demain. Les différentes marques acquises fonctionnent comme des business unit autonomes mais bénéficient des savoir-faire et des expertises développés dans l’écosystème Rebirth (un bureau de développement, une usine, des concepts…).

Le groupe est devenu une référence en matière de restructuration et de reprises de marques françaises emblématiques. Comment sélectionnez-vous les dossiers de croissance externe ?
Perçus comme des spécialistes de la restructuration dans le secteur des nouvelles mobilités grâce à nos activités historiques et à notre savoir-faire en matière de mobilité, nous avons été consultés sur plusieurs dossiers de reprises d’entreprises en difficulté. Notre décision est toujours conditionnée à l’identification de savoir-faire susceptibles de venir nourrir et compléter les activités du groupe Rebirth. Nous avons racheté des entreprises iconiques, dont les marques de vélos sportifs Matra, Lejeune et Velcan, et plus récemment, la marque Coleen, l’« Hermès du vélo électrique », et Clean énergie, spécialisé dans les stations vélos.

Pourquoi avoir racheté Lejeune et Velcan ?
Nous avons repris les cycles Lejeune, fleuron du cyclisme des années 60 à 80, vainqueur du Tour de France en 2010, afin d’adresser les produits musculaires et dynamiques que beaucoup nous demandaient de fabriquer sous la marque Matra, mais nous ne souhaitions pas fourvoyer la marque et préférions la laisser sur du 100 % électrique.
La base du savoir-faire de Velcan en termes de VTT haut de gamme allait nous permettre de développer la partie Premium chez Lejeune. Nous souhaitions également relancer la marque Coleen qui avait notamment collaborer aux États-Unis avec la marque automobile emblématique Aston Martin.

Les ambitions du groupe se limitent-elles à l’électrique ?
Nous ne sommes pas une marque de vélo classique ni un groupe classique. Nous aspirons à être généralistes et nous ambitionnons d’être les pionniers de la mobilité au sens large. Nous avons racheté Clean Energy Planet, une société implantée à Sophia Antipolis spécialisée dans la construction de stations de vélos libre-service, que nous avons rebaptisée sous le nom de Mobicity, en référence à la mobilité pour la ville. L’idée en rachetant cette entreprise pionnière dans son domaine était de nous mettre en capacité de déployer des flottes de vélos électriques en libre-service en nous appuyant sur une expertise métier de plus de 15 ans.

Pourquoi avez-vous décidé d’installer le siège de Mobicity à Grasse (Alpes-Maritimes) ?
Le maire de Grasse, Jérôme Viaud, qui est également Président de la Communauté d’Agglomération du Pays de Grasse et représentant des maires des Alpes-Maritimes, souhaite développer un système de mobilité mixte privé/public dans la ville. De nombreux partenariats se sont noués autour de ce projet, notamment avec le groupe d’enseignement supérieur IGS et le groupe de parfums Lancôme.

Comment est née l’idée de créer un laboratoire de la micromobilité dans la cette ville de la Côte d’Azur ?
Jérôme Viaud nous a proposé de créer une vitrine de ce que pourrait être la mobilité de demain. Cette installation sur place à travers la Maison de la mobilité va nous permettre de côtoyer et de travailler avec des acteurs comme Moventis (opérateur de transport urbain et interurbain, Ndlr), la SNCF et bien d’autres, et de réfléchir à des concepts de mobilité mixte. Nous allons tester la partie vélo sur Grasse, et Matra suivra avec son scooter électrique.

Comment imaginez-vous vous positionner sur la mobilité intelligente à travers le binôme Solex et Mobicity ?
Nous allons développer les concepts de vélos en libre-service à destination des groupes et des concepts hôteliers et immobiliers. Nous avons commencé à collaborer avec différentes agences d’architecture qui travaillent sur des programmes disruptifs et innovants sur lesquels les pouvoirs publics, les localités et les prescripteurs sollicitent des solutions de mobilité intelligente. Plutôt que d’avoir deux places de parking par appartement, on peut imaginer mettre en place des services mutualisés de stations de vélos au sein de la copropriété.

Pourquoi avez-vous décidé de fabriquer vos propres cadres de vélos en favorisant le « made in France » ?
Perçus par certains comme de simples assembleurs de pièces détachées que nous faisions venir de l’étranger, nous avons souhaité remonter d’une strate dans la chaine de valeur et être en mesure de fabriquer nos propres cadres en France. Il n’était pas envisageable de travailler sur des structures de fabrication de cadres aluminium qui sont de grosses structures, à l’image des aciéries. Nous nous sommes donc intéressés au carbone haut de gamme.

Comment êtes-vous parvenu à relocaliser vos savoir-faire ?
Conscients que nous devions acquérir des savoir-faire pour être en capacité de fabriquer nos propres cadres, nous avons repris deux sociétés en difficulté, Velcan et Coleen, qui fabriquaient du carbone en France. Située au Mans, Velcan qui est une marque de vélos VTT intégralement « made in France » de la conception à la fabrication, attestait d’une forte valeur ajoutée dans la fabrication de cadre carbone. Implantée à Biarritz, Coleen, quant à elle, était une marque de vélos à assistance électrique haute couture, inspirés des bicyclettes d’antan, dont l’ensemble de la fabrication des pièces maîtresses en carbone est également réalisé dans l’Hexagone.

Quelle est la stratégie associée à votre positionnement sur la partie services ?
Il nous manquait une partie servicielle afin de maîtriser l’ensemble de la chaine de valeur. Nous avons donc créé T-SURE, une plateforme servicielle autour de la vente, de la maintenance et de la sécurisation du vélo pour sécuriser, garantir et rendre le vélo abordable. T-SURE s’intéresse également à des sujets très actuels comme le reconditionnement et la réparabilité. T-SURE n’adresse pas uniquement les marques du groupe car nous sommes en mesure de mettre en place des solutions de services aussi bien sur le tracking que l’assurance, le marquage ou les services financiers leasing pouvant intéresser d’autres acteurs.

Où en êtes-vous du projet de réindustrialisation de l’usine de Saint-Lô ?
Nous avons développé un certain nombre de compétences au sein du site de production de Saint-Lô qui nous permettent désormais d’être compétitifs et concurrents de groupes asiatiques, roumains, portugais ou tchèques. L’usine fabrique aujourd’hui presque 30 000 vélos pour le marché allemand et pour un client chinois qui a fermé sa propre usine. L’idée consistait à développer un pôle de compétitivité à Saint-Lô et d’innover en fabriquant nos propres cadres carbones. Remonter d’une strate allait nous permettre de comprendre le process de fabrication d’un cadre afin d’être mesure d’avoir un dialogue plus appuyé avec les fournisseurs de cadres en leur expliquant que nous souhaitions nous orienter vers de nouveaux matériaux.

La phase de restructuration a-t-elle été profitable ?
La phase de restructuration par laquelle nous sommes passés nous permet aujourd’hui de disposer d’un socle stable pour construite l’avenir. Notre situation financière est saine et nous n’avons pas de dette. Nous sommes désormais en recherche de partenaires financiers pour mener une croissance rapide, car nous estimons que nous disposons aujourd’hui de bases solides sur le site industriel.

Quelles sont désormais vos ambitions pour le site industriel de la Manche ?
L’usine de Saint-Lô est un site industriel polyvalent à taille humaine dans lequel nous souhaitons promouvoir les vraies valeurs d’entreprise. La période de redressement judiciaire qui a pris fin cet été et la crise sanitaire ne nous ont pas empêché de doubler les effectifs. Le site de Saint-Lô a été complètement restructuré afin d’atteindre une capacité de production maximale de 120 000 unités. Nous avons présenté notre feuille de route à nos différents partenaires et nos équipes en annonçant une croissance substantielle entre 2023 et 2028. Nous prévoyons de recruter entre 10 et 15 personnes par an sur l’usine au cours des cinq prochaines années.

Et votre projet de magasin d’usine ?
Cela permettra de donner un accès direct et de montrer que nous fabriquons réellement les vélos sur place, et d’asseoir notre visibilité, de nouer le dialogue avec des entreprises locales et de travailler sur des plans de mobilité. Nous avons à cœur de maintenir un lien direct avec nos collaborateurs qui ont manifesté leur volonté de faire découvrir l’usine à leur famille.

Allez-vous proposer à vos salariés des solutions de mobilité ?
Les salariés de l’usine habitant dans un rayon de 10 à 15 kilomètres autour, nous souhaitons évangéliser nos valeurs et mettre en application les nouvelles formes de mobilité sur le territoire sur lequel nous sommes présents en équipant nos collaborateurs qui sont nos meilleurs ambassadeurs. Notre gamme de vélos permet à chacun de trouver un vélo adapté à son budget.

La marque Solex occupe-t-elle une place à part au sein du groupe ?
Solex est au cœur du groupe Rebirth, entourée des marques et des sociétés sœurs qui ont chacune leur positionnement dans l’écosystème. L’ancrage dans Solex reste très fort. Nous avons de grandes ambitions pour cette célèbre marque que nous souhaitons refaire connaître. Nous souhaitons œuvrer pour que Solex redevienne une marque de référence. Nous avons pour projet de créer une fondation Solex pour recueillir des véhicules historiques qui seront restaurés avant d’être exposés dans le musée Solex que nous souhaitons développer durant les deux prochaines années. Cette galerie retracera l’histoire de cette belle marque française au cours des décennies.

Est-il facile d’innover avec des marques historiques ?
Sur la partie vélos électriques, qui est notre cœur de cible, il existe aujourd’hui des motoristes et des constructeurs de cadres de vélos. Il est donc assez difficile d’émerger et de se différencier en utilisant les mêmes moteurs et les mêmes cadres. L’idée consiste à relancer des marques historiques et iconiques en s’appuyant sur des concepts et des valeurs fortes de l’époque, sachant que chaque marque doit conserver sa propre identité. Nous continuons de développer les vélos sur Solex, mais nous allons également intégrer le côté recyclabilité en valorisant des savoir-faire français.

Qu’allez-vous faire de Matra ?
Matra est associé historiquement à l’innovation et à la haute technologie. Elle propose de longue date des vélos électriques recyclés qui nous permettent d’innover dans la fabrication des véhicules. Nous commençons avec le vélo, mais la démarche peut s’étendre assez naturellement aux scooters.

La perception des marques Solex et Matra a-t-elle évolué ?
Il y a encore 5 ou 6 ans, les pouvoirs publics et les collectivités locales craignaient d’être un peu « bling bling » avec Solex. Aujourd’hui, la tendance s’est inversée et ils souhaitent retrouver des vraies valeurs à travers Solex et Matra qui constituent des valeurs refuge, stables et pérennes. Nous avons donc développé toute une activité de réponse aux appels d’offres en ce sens. Nous poursuivons l’œuvre de Mobicity (ex-Clean Energy Planet) qui avait déjà équipé 35 sites avec ses solutions de flottes de vélos électriques en libre-service que nous faisons évoluer. Plusieurs appels d’offres sont cours

Comment séduire les nouvelles générations ?
Lorsque nous avons relancé Solex, nous savions que les aficionados et les collectionneurs qui ont entre 60 et 80 ans aujourd’hui y seraient réceptifs, mais nous avions également conscience que le succès de Solex passerait par l’adhésion d’une nouvelle génération âgée de 20 à 30 ans.
C’est ainsi que Solex avait démarré dans les années 60 lorsque Brigitte Bardot alors trentenaire arborait un Solex. Notre bureau d’études est composé de jeunes ingénieurs designers (9 ont moins de 30 ans) à qui nous avons demandé de retravailler sur tous les codes. Il est essen tiel que cette jeune génération conçoive les nouveaux produits.

Solex a réalisé 8 millions de ventes de cyclomoteurs, communément appelés « les bicyclettes qui roulent toute seule », sur les quatre dernières années. Nous avons donc décidé de créer deux gammes de produits avec d’un côté des vélos à assistance électrique et de l’autre des cyclomoteurs. Nous avons présenté un nouveau concept de cyclomoteur électrique e-Solex « made in France », qui est un cyclomoteur électrique et non plus un vélo à assistance électrique (VAE), au salon Pro Days cet été.
Nous avons sélectionné le site de Bosch Marignier pour assurer l’industrialisation du nouveau cyclomoteur e-Solex. Cette alliance stratégique nous permettra une montée en charge de production rapide avec l’ambition de sortir 15 000 unités dès la première année. L’activité de ce site industriel, spécialisé dans les boites de vitesses automobiles et ébranlé par des mutations successives, était vouée à disparaître d’ici 5 ans.

Quel positionnement imaginez-vous avec la marque Matra ?
Nous disposons sur Matra de vélos et de scooters plus haut de gamme et plus tech jusqu’à la « micro car ». Il n’est pas question de concurrencer les grosses marques de voitures automobiles, mais de nouer des alliances avec des plateformes industrielles qui ont développé ce type de véhicules. Il est essentiel de nous adosser à des groupes industriels renommés. Matra a ainsi sélectionné le motoriste japonais Yamaha, qui a récemment annoncé sa relocalisation en France, à Saint-Quentin (Aisne), pour équiper sa nouvelle gamme de VAE Matra.

Songez-vous à la création d’un réseau de magasins en marque propre ?
Le succès de Solex sur le plan commercial passera par le maillage de magasins ou de corners shop Solex au travers de partenaires. On s’aperçoit aujourd’hui que l’industrie automobile rejaillit sur l’organisation des réseaux de ventes dans tout ce qui est électromobilité. Nous avons pris notre temps en essayant d’exploiter deux ou trois magasins pour identifier les avantages et les écueils qu’il pouvait y avoir à disposer de son propre réseau de magasins.

Pourquoi avoir fait le choix de passer un accord avec un réseau de concessionnaires de véhicules auto (Espace Véhicule Électrique, 100 concessions en France, Ndlr) pour ouvrir des showrooms ?
Nous avons estimé préférable de commencer cette première expérience en nous alliant à des concessionnaires déjà établis et disposant de surfaces de ventes présentant des voitures électriques mais aussi des vélos à assistance électrique et des scooters électriques. Cela nous permettra de mailler très rapidement le territoire avec l’objectif d’ouvrir 100 corners Solex et Matra au sein de ces espaces spécialisés sur les 12 mois à venir.
Il n’est pas exclu, lorsque nous aurons le recul nécessaire sur les chiffres, que nous ouvrions des concept store en propre. La France est un terreau favorable. Nous souhaitons être disruptifs dans ce que nous apportons et nous devons déjà avoir une première expérience à grande échelle pour disposer de métriques avant de demander à un franchisé d’investir entre 50 000 et 150 000 euros.

Avez-vous pour projet d’introduire le groupe en Bourse ?
Nous sommes aujourd’hui en phase de présentation de l’ensemble des activités du groupe à différents partenaires financiers, à des banques et à de potentiels investisseurs dans la perspective d’une introduction en Bourse. Nous sommes jusqu’à présent propriétaire de la quasi intégralité du groupe. Il était important, en sortant de cette période de turpitudes judiciaires, de montrer que nous avions assaini la situation, que nous étions de nouveau profitables et que nous avions d’importantes perspectives de croissance.

Qu’attendez-vous de cette introduction ?
Au-delà des moyens financiers apportés, cela nous permettrait d’assoir notre légitimité vis-à-vis des partenaires avec lesquels nous aspirons à travailler. On ne parle pas de la même manière à une société cotée en bourse. Nous consultons aujourd’hui un certain nombre de listing sponsor et nous prenons conseils auprès de personnes expérimentées sur le sujet comme Robert Lafont et Louis Thannberger. Nous sommes dans la phase préparatoire de structuration de l’entreprise avant de lancer l’introduction en Bourse, mais nous n’avons pas encore arrêté de date. Nous sommes convaincus que Solex et Matra sont des produits qui peuvent intéresser des petits porteurs souhaitant être directement en contact avec leurs propres clients.

Propos recueillis par Isabelle Jouanneau


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