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Réformer le système éducatif et activer l’ascenseur social

Entreprendre - Réformer le système éducatif et activer l’ascenseur social

Même si la France affiche un idéal égalitaire, elle figure, au vue des performances scolaires, parmi les 4 ou 5 pays les plus inégalitaires du monde.

Car en France, c’est l’origine sociale qui détermine le plus les performances de ses écoliers. Comme en témoigne sa 23ème place au classement PISA de l’OCDE qui, tous les 3 ans, mesure parmi ses pays membres et sur la base d’un examen écrit et des interrogations de jeunes âgés de 15 ans, leur niveau moyen de lecture, de mathématiques et de connaissances scientifiques, et où la France figure très loin derrière les leaders asiatiques, Singapour et Hongkong, mais également, par exemple, les Etats-Unis, l’Angleterre et la Suède. La mauvaise note française est le résultat moyen entre une petite fraction de jeunes plutôt bien éduquée et issue des classes sociales supérieures, et une autre, bien plus importante, de jeunes moins favorisés et dont le niveau de connaissances a littéralement plongé. Et dans une autre évaluation, l’enquête TIMMS, qui porte sur le niveau en mathématiques et en sciences, la France se classe dernière ou avant-dernière de tous les pays analysés (seulement 2% des jeunes français ont un niveau élevé en mathématiques contre 10% pour la moyenne des pays). Or, ce sont bien l’école et le niveau des connaissances acquises qui sont les facteurs les plus déterminants pour la réussite professionnelle et « l’ascenseur social » intergénérationnel. Améliorer le niveau de la jeunesse défavorisée est un impératif et une priorité de justice sociale et de cohésion nationale.

 Première priorité : puisque les bons résultats scolaires se construisent entre 0 et 10 ans, quand les capacités d’apprentissage sont au maximum, orienter un maximum des efforts vers la petite enfance : l’éveil dans les crèches (en France, seulement 5% des enfants des plus pauvres, ont accès aux crèches) et en pré-scolarisation, les maternelles pour consolider le langage et les primaires pour maîtriser les fondamentaux – lire, écrire et compter. Et tout ceci en accompagnement des jeunes parents, surtout ceux issus des quartiers défavorisés. Puis, à tous les stades, empêcher le décrochage, source de problèmes futurs assurés et à combattre, peut – être même avec des mesures coercitives vis à vis de l’entourage familial … Multiplication des classes adaptées (le dédoublement est une excellente mesure…) et des soutiens pédagogiques disponibles, avec un examen de contrôle en classe de 6ème ? Et un renforcement significatif de l’enseignement des mathématiques, anciennement une force du système français.

 Enfin un changement des orientations qui tient compte de l’évolution de la société et des besoins du marché du travail. Prétendre qu’un apprentissage est le signe d’une scolarité ratée est archi-faux ; comme il est de moins en moins souhaitable d’amener tous les élèves au Baccalauréat (le pourcentage des diplômés du Bac est passé en 30 ans de 38% à 69%, avec un taux de réussite de 94%, là où en Allemagne, les élèves allant jusqu’à l’Abitur ne représentent qu’environ 35%). Beaucoup de ces changements nécessitent une réforme de l’école et une participation positive, difficile à obtenir, du corps des enseignants

 Mais attention : notre définition d’une « vie réussie » – être bon à l’école, réussir le Bac, faire des études supérieures et avoir un bon métier intellectuel – pourrait progressivement et par endroit être battu en brèche. « A terme, l’intelligence artificielle infligera à la classe intellectuelle ce que l’automatisation a fait aux métiers manuels. Elle automatisera beaucoup de « pensée » qui sera assurée par des algorithmes. »[1]

 A la place, c’est le concept des travaux essentiels qui prendra de l’importance. Les soignants accompagnateurs, dépanneurs, livreurs, éboueurs, etc. verront la revalorisation de leurs métiers et suggèrent une diminution des candidats au BAC et des formations dans d’autres filières – grâce à des conseillers en orientation professionnelle et formation
« programmés » autrement.

 Une importance particulière revient à l’ouverture du système des Grandes Ecoles et l’ouverture des élites françaises. Pour davantage de mixité sociale et géographique et des admissions moins liées à l’origine sociale ou familiale. Avec la question d’un concours spécial, au moins temporairement, réservé à des candidats issus de milieux sociaux moins favorisés ou affichant déjà des expériences professionnelles particulières.

 Avec, dans un but de plus d’ouverture et proximité avec la vie réelle, une sorte de « tronc commun » orienté vers les grands enjeux de notre société, un ou plusieurs stages opérationnels, y compris dans les services qui sont à la base de notre cohésion sociale (santé, sécurité, dépendance, justice, etc.). Puis avec de plus en plus de « passerelles » entre des parcours différents… Enfin, à la sortie de l’école, avec moins d’importance aux notes et classements et davantage de reconnaissance pour les expériences témoignant d’une ouverture d’esprit et d’une forte personnalité. A noter qu’une société comme Google ne recrute pas essentiellement
« sur diplômes », mais en jugeant la personnalité du candidat et sa résistance face à l’échec, son travail chez Google étant constitué de nombreux projets dont certains réussiront et d’autres pas, sans que cela soit considéré comme un échec.

 Le grand débat, engagé par Emmanuel Macron, a entraîné sa décision de supprimer l’ENA, malgré son déménagement encore récent de Paris à Strasbourg, mais, qui ne semble pas avoir entraîné l’ouverture et la démocratisation souhaitées. Et le remplacement de cette institution, créée en 1945, par l’Institut National de Service Public INSP. Or, ce n’est pas la suppression de l’ENA et du système des Grandes Ecoles, dispensant une formation d’excellente qualité, qui est la solution. Mais la mise en œuvre de changements profonds dans les concours, les programmes scolaires et les dispositifs de sortie. 

 Avec également la possibilité de faire plusieurs allers-retours public/privé dans le courant d’une carrière professionnelle. Et, éventuellement la contrainte, pour éviter des carrières entièrement vouées à la politique, d’une limitation à 2 ou 3 mandats.

 Et quid de l’ascenseur social ? Dans ma jeunesse et à l’époque de l’après-guerre, où tout le monde avait tout perdu, et où tout était à recommencer, la réussite économique et sociale, « l’ascenseur social », était plus facilement atteignable et dépendait davantage de la volonté de l’individu de vouloir consacrer la quasi-totalité de sa vie à son travail avec, en contrepartie, une ascension vers les classes moyennes supérieures. Mon père et ma mère ne sont que rarement partis en vacances et ne réfléchissaient pas explicitement, comme beaucoup de jeunes de nos jours et peut-être à tort, à la qualité de leur vie. Cette perméabilité n’existe plus de nos jours, et aujourd’hui, ce sont surtout deux autres facteurs, qui permettent d’accéder à l’ascenseur social : d’abord le choix du quartier résidentiel, puis celui des écoles pour les enfants.

 Pour des parents habitant des quartiers populaires et ayant grandis sans ou avec peu de formation, c’est la décision visionnaire et courageuse des parents consistant à chercher à habiter dans un quartier « meilleur » et/ou à scolariser leurs enfants dans la meilleure école possible, qui conduisent le plus rapidement à une ascension sociale. Encore plus dans le cas d’un mariage avec un partenaire issu d’un autre milieu social plus favorisé.

 Tout milite donc en faveur d’une augmentation de la mixité des quartiers, des logements et des écoles, mais qui, outre les réticences des voisins bourgeois et malgré des quotas de logements sociaux pour la rénovation urbaine des villes, prendra bien du temps. En attendant et pour accélérer l’ascenseur de façon importante, je connais un moyen efficace : une discrimination sociale positive, moins à l’école, mais dans les recrutements professionnels.

« Il me semble que, de nos jours, nous faisons preuve de paresse intellectuelle, voire de lâcheté, en supportant trop facilement les inégalités et en laissant le soin de les corriger à la seule redistribution fiscale. Il serait temps désormais de privilégier le levier de la promotion professionnelle en installant une bonne dose de discrimination positive, quitte à malmener un peu nos sacro-saints principes républicains. »[2]


[1]A lire : David Goodhart, « La tête, la main et le cœur », Les Arènes 2021

[2]Alain Nikolaïdis, « Il n’est peut-être pas inutile d’écouter les vieux cons », p.170

Axel Rückert

Extraits du livre Faire réussir la France que j’aime, propositions du plus Français des Allemands, disponible sur www.fairereussirlafrancequejaime.com ou sur Amazon


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