Tribune. Contrairement aux prophètes du « monde d’après », certains dirigeants d’entreprise construisent, d’ores et déjà, le nouveau monde. C’est au sortir du confinement qu’Emmanuel Faber, Pdg de Danone, a choisi de convoquer l’assemblée générale de son groupe, le 26 juin 2020, pour lui proposer d’adopter le statut de société à mission.
Cette annonce est indiscutablement le fruit d’un long cheminement vers la construction d’une entreprise engagée et responsable. Car outre la tradition sociale ancienne de Danone, l’entreprise avait dès avril 2018 adhéré au label B-Corp, pour sa filiale américaine. Mais cette fois le pas est d’une autre ampleur : car s’agissant d’une entreprise du CAC 40, l’évènement constitue une étape majeure, pour Danone, et pour la jeune histoire de la société à Mission.
Pour en mesurer toute la portée, et notamment pour la question vitale de l’alimentation mondiale, il faut le relier à un mouvement similaire venu du monde des coopératives. Car dès juillet 2018 et alors que la loi Pacte était à peine à l’étude, la plus grande coopérative agricole INVIVO, un autre géant mondial, annonçait sa volonté d’adopter le statut de société à mission pour toutes les sociétés commerciales de son groupe.
Ce double mouvement vers la société à mission, qu’il vienne de l’entreprise cotée ou de la plus grande des coopératives, traduit la révolution silencieuse qui s’opère dans les mondes inséparables de l’agriculture et de l’agro-alimentaire. Qu’un même statut permette d’unifier cette révolution sur toutes les composantes de la filière, qu’elles viennent du capitalisme ou de l’économie solidaire, démontre à l’évidence la pertinence de la société à mission pour affronter les défis les plus lourds que posent l’alimentation responsable et inclusive de l’humanité.
Il n’est pas surprenant que l’agriculture et l’industrie agro-alimentaire soient aux avant-postes de cette mutation.
Danone doit notamment s’engager à trouver une solution responsable et cohérente pour ses emballages et ses produits qui voyagent aux quatre coins du monde. En devenant société à mission, l’entreprise transforme cette faiblesse en dynamique de solidarité et d’innovation, et s’assure le soutien de toutes ses parties prenantes, dont ses actionnaires. C’est un atout stratégique majeur pour piloter, l’esprit serein, face aux multiples disruptions à venir. En outre, la « boite à outils » de la société à mission permet une gouvernance d’entreprise à la fois audacieuse et stabilisatrice parce qu’elle est conçue pour construire un Danone en ligne avec sa mission.
On retrouve une démarche similaire chez InVivo, dont la raison d’être, créée voilà plus de 10 mois anticipait des situations de crises, analogue à celle de la Covid 19, où il faudrait assurer « la qualité alimentaire, en France et dans le monde » par « des solutions innovantes et responsables, au bénéfice des agriculteurs et des consommateurs.». Ou encore en s’engageant à « assurer la sécurité et la santé de nos collaborateurs », et à « favoriser la qualité de vie au travail qui soutient la reconnaissance des efforts et donne du sens à l’activité de chacun, à travers un dialogue social ambitieux ».
La filière agro-alimentaire est au cœur du bien commun, elle doit être présente et au service de tous, en toutes circonstances et même pendant les crises les plus graves. Les inégalités en matière d’accès à l’alimentation comme à l’eau potable sont parmi les plus inacceptables et toute crise alimentaire préparent des crises sanitaires. Et lorsque qu’InVivo inscrit comme engagement : « Nous participons à la construction d’une alimentation sûre, saine et durable, transparente pour le consommateur, ainsi qu’à l’élaboration de circuits de distribution responsables », Danone pourrait indéniablement reprendre cet engagement à son compte.
A l’instar des adhérents d’InVivo, gageons que les actionnaires de Danone, saisiront cette occasion de donner à cette grande marque, avec le statut de société à mission, les outils de bonne gouvernance et de contrôle, les plus adaptés à la construction d’un monde à la fois pleinement vivable et prospère. Le monde dans lequel les actionnaires aussi souhaitent vivre.