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Pour les Etats-Unis, un futur cadre économique indopacifique sous conditions

En relançant le cadre économique indopacifique (IPEF) cinq ans après le retrait des États-Unis de son ancien équivalent, le Partenariat transpacifique global et progressiste (TPPA), Joe Biden réaffirme le caractère stratégique des relations entre les États-Unis et l’Asie

Joe Biden relance un projet cher à Barack Obama (photo Chris Kleponis / Pool via CNP)

En relançant le cadre économique indopacifique (IPEF) cinq ans après le retrait des États-Unis de son ancien équivalent, le Partenariat transpacifique global et progressiste (TPPA), Joe Biden réaffirme le caractère stratégique des relations entre les États-Unis et l’Asie dans un contexte sensible d’intensification de la rivalité sino-américaine. Un projet qui peut, sous certaines conditions, être un vecteur de croissance pour les industriels américains. À condition de faire sauter certaines barrières, notamment au niveau de la propriété intellectuelle et de la transparence.

Joe Biden relance un projet cher à Barack Obama

En février 2016, le Partenariat transpacifique (TPP) était signé en grande pompe par Barack Obama, quelques mois avant la fin de son second mandat. Alliant douze pays, il posait les jalons d’une vaste zone de libre-échange dans la zone indopacifique, nouvelle priorité américaine après le désengagement européen des États-Unis. Le 23 janvier 2017 pourtant, Donald Trump, nouveau président des États-Unis, retire son pays du partenariat par décret. Malgré le retrait américain, les onze pays signataires décident de s’unir dans le cadre d’un Partenariat transpacifique global et progressiste, comptant entre autres l’Australie, le Canada, le Japon, le Mexique ou encore Singapour.

Mais la parenthèse protectionniste américaine a été brève. Quelques mois après le début de son mandat, Joe Biden relance ainsi l’objectif d’un vaste accord de coopération économique dans la zone indopacifique. Une manière aussi de contenir les ambitions chinoises et de réaffirmer l’amitié américaine envers les pays asiatiques après la signature du pacte de défense américano-britannique-australien AUKUS, accueilli avec une certaine méfiance. « Notre vision est celle d’un Indopacifique ouvert, connecté, prospère, résilient et sécurisé ; et nous sommes prêts à travailler avec chacun d’entre vous pour y parvenir », déclarait Joe Biden le 27 octobre 2021 au Sommet d’Asie orientale, posant ainsi la première pierre du nouveau cadre économique indopacifique. Le 17 novembre dernier, Gina Raimondo, secrétaire américaine au Commerce, précise la visée stratégique américaine. « Nous devrions lancer un processus plus formel au début de l’année prochaine, qui aboutira à un cadre économique approprié dans la région » a-t-elle ainsi indiqué en marge du Bloomberg New Economy Forum, qui se tenait à Singapour. Prochaine étape, le 12 et 13 mai prochain, Joe Biden a prévu d’accueillir à Washington les dirigeants des pays d’Asie du Sud-Est dans le cadre d’un sommet extraordinaire destiné à réaffirmer l’engagement américain dans la région. 

L’objectif américain est d’obtenir un accord clair d’ici la fin de l’année 2023, lorsque les États-Unis accueilleront le sommet de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC) et avant le début de la prochaine campagne présidentielle, prévue en 2024. Les États-Unis visent à étendre l’accord avec leurs alliés traditionnels australiens et néo-zélandais, mais aussi avec les puissances asiatiques traditionnelles, comme le Japon, la Corée du Sud et Singapour, ainsi que certaines économies émergentes particulièrement stratégiques de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), dont le Vietnam, la Malaisie et l’Indonésie. Sujet éminemment sensible, l’intégration de l’Inde, dont la tradition économique est plutôt protectionniste, reste aussi une priorité américaine. Avec le rapprochement sino-russe dans le contexte de la guerre en Ukraine, l’Inde pourrait ainsi être tentée d’acter définitivement son rapprochement avec les États-Unis.

Des règles strictes, sans disparition des barrières douanières

Le gouvernement américain prévient cependant que le projet ne sera pas un accord de libre-échange traditionnel, sous-tendu par l’élimination des frontières douanières. En revanche, les Etats-Unis souhaitent lever les verrous qui bloquent, à l’exportation, certaines filières nationales. Dans le domaine de la recherche médicale, par exemple, les dirigeants du secteur biopharmaceutique déplorent l’existence de réglementations lourdes et non transparentes, ainsi que des contrôles de prix et des politiques de remboursement discriminatoires à l’égard des produits américains. Ils réclament ainsi l’interdiction des transferts forcés de technologie et la mise en place de cadres juridiques et de gouvernance appropriés pour traiter l’accès aux données de santé et leur échange.

Quatre piliers, que devront tout ou partie respecter les pays aspirant à rejoindre l’IPEF, ont ainsi été établis par les Etats-Unis. D’abord, l’établissement de règles commerciales équitables et résilientes dans un panel de domaines, comme le commerce numérique, le travail ou encore les règles environnementales. Le second est la résilience de la chaîne d’approvisionnement. Le troisième concerne les infrastructures et les technologies, tandis que le dernier, particulièrement stratégique, s’inscrit dans la lutte contre la corruption et en faveur de l’équité fiscale. Un véritable défi stratégique pour Washington, qui devra convaincre des pays étrangers de nouvelles règles contraignantes, parfois en opposition avec leurs normes actuelles, sans pour autant leur promettre un allègement massif des barrières douanières. L’amélioration des conditions de travail au Vietnam par exemple, impulsée par le gouvernement du pays, avait été permise par la perspective d’un meilleur accès au marché américain.

Des mesures qui, dans le contexte actuel, apparaissent cependant nécessaires. Dans le passé, certains pays de la région indopacifique ont ainsi eu recours à l’utilisation abusive de dispositions nationales relatives aux licences obligatoires ou à la menace de divulgation d’informations commerciales confidentielles pour contraindre les fabricants américains à accepter des accords de prix à des conditions commerciales déraisonnables. Une réalité qui affaiblit fortement les capacités d’implantation des entreprises américaines sur les marchés asiatiques. Pour faire de ce projet une réussite, le gouvernement américain devra ainsi obtenir un accord ambitieux avec de solides garanties de protection de la propriété intellectuelle et l’instauration de dispositions prévisibles et transparentes en matière d’accès au marché, de réglementation, afin de démanteler certaines barrières commerciales jugées injustes et peu protectrices pour les acteurs américains.

Des premiers retours d’expérience positifs

Les États-Unis peuvent se targuer d’avoir déjà un retour d’expérience positif dans le domaine avec la renégociation, entre 2017 et 2018, du traité de libre-échange ALENA, en vigueur entre 1994 et 2018 entre les USA, le Canada et le Mexique. Le nouveau texte, négocié par Donald Trump, aurait selon la Commission du commerce international des États-Unis, permis l’augmentation des exportations vers le Canada de 5,9 % et le Mexique de 6,7 %. L’administration Biden peut aussi compter sur le soutien des industriels à ce projet qui, à terme, devrait leur apporter de nouvelles perspectives de croissance.

De nombreux défis à relever pour l’administration Biden qui, en cas de réussite, promet de relancer l’influence économique américaine dans la région. Le contexte actuel laisse en effet plusieurs pistes ouvertes pour consolider l’économie indopacifique avec, en ligne de mire, la résilience industrielle et économique face aux crises actuelles et à venir.

Victor Cazale


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