L’architecte Philippe Lamarque (Wall’up Préfa) promeut de nouveaux modes de construction en béton de chanvre. Persévérant, il a fait sortir de terre la première usine européenne de préfabrication de façades mixtes bois et chanvre en Seine-et-Marne, à Aulnoy.
Le chanvre est la plante écologique par excellence dont tous les éléments sont utiles et utilisés. Une plante zéro déchet. Cultivé aux quatre coins du monde, il existe plusieurs variétés de chanvre. En Union européenne, seules les variétés ayant un taux de THC inférieur à 0,2% sont autorisées à la culture et les semences doivent obligatoirement être certifiées.
Une aventure collective
L’homme ne s’est pas lancé seul dans ce projet d’usine. Philippe Lamarque est associé à une entreprise bretonne d’éco-construction (LB Eco Habitat dirigée par Christophe Lubert), à trois entreprises de charpente bois (Charpentes-Meha, Aux Charpentiers de France, Paris Charpente) et deux chanvrières (Planète Chanvre, Construire en Chanvre). A noter que les chanvrières qui approvisionnent l’usine sont situées à moins de 50 kms, permet-tant une fourniture en circuit court. Un concept très au point du champ au produit fini.
Les 7 associés de Wall’up Préfa ont pour ambition de développer ces produits innovants en France, et en premier lieu en Ile-de-France, le plus gros secteur de construction immobilière. Une nouveauté pour le marché français encore très timide sur ce type de produits.
Une première française et mondiale
Une usine de 2000 mètres carrés est sortie de terre à Aulnoy afin de produire des panneaux préfabriqués montés, constitués de béton de chanvre sur ossature bois. La production annuelle a été chiffrée à 70 000 m². Cette première usine française bénéficie du soutien de l’État
et de la Région Ile-de-France qui sont impliqués dans l’émergence de la filière chanvre française. La Région a d’ailleurs fourni les premiers débouchés via des contrats de construction de lycées.
De très nombreux avantages
Le produit présente plusieurs avantages pour les chantiers. Pour les constructeurs, il permet de mettre en place des murs isolés, sans temps de séchage ; cette phase d’une quinzaine de jours ayant déjà été intégrée précédemment au ni-veau de la fabrication. Pour les clients, notamment les promoteurs, cela permet de construire avec un matériau renouvelable, biosourcé à haute performance environnementale qui répond aux exigences des normes nouvellement mises en place. Un argument supplémentaire pour les négociations de contrats ainsi que pour les clients finaux. Une façon d’allier durabilité et rapidité sur les grands chantiers.
Du côté des agriculteurs, l’intérêt est que cette plante est peu exigeante, ne demandant aucun traitement de sa plantation en avril jusqu’à sa récolte en septembre, et permettant d’avoir une rotation de différentes cultures au fil des mois. Elle n’est liée à aucun cours international, le prix est fixé par convention entre l’agriculteur et la chanvrière. Enfin, elle peut être cultivée partout en France, et peut représenter une véritable solution pour les exploitants touchés par la fin de la PAC européenne.
Une renaissance attendue
La France comptait 180 000 hectares de cultures de chanvre en 1945. Les États-Unis réclamèrent après-guerre l’arrêt de cette production pour écouler la fibre Nylon. A l’époque, le général de Gaulle eut l’heureuse idée de faire préserver les semences spécifiques de ce chanvre destiné à l’industrie. Presque cinquante ans plus tard, un collectif de chaufourniers, architectes et ingénieurs, dont Philippe Lamarque, se sont réunis pour mettre sur pied les règles professionnelles d’utilisation du béton de chanvre. Ces règles françaises sont aujourd’hui appliquées partout dans le monde sur ce type de produit.
Le type de semences gardées précieusement à la fin des années 40 a été réutilisé pour relancer la culture et tenter de recréer une filière chanvre ; à l’heure actuelle, 25 000 hectares. Le chanvre produit est ensuite vendu pour se retrouver dans le secteur automobile, dans la fabrication de paillis et dans le béton de chanvre principalement.
Un alignement des planètes
C’est l’expression utilisée par Philippe Lamarque. Du moins ce sont les planètes réglementaires qui se sont enfin alignées pour faire décoller cette nouvelle filière jusqu’à la fabrication industrielle. La loi Climat et Résilience ainsi que la nouvelle réglementation écologique qui impose de nouvelles normes depuis le début de l’année ont pour but de favoriser les matériaux biosourcés dans leur ensemble, y compris le chanvre et le bois, tous deux impliqués dans le produit de Wall’Up.
Aujourd’hui, les marchés sont aussi à l’étranger, la concurrence se met également en place, le Canada notamment cherche à copier ce qui se fait en France en construisant ses propres usines.
Une conviction profondément ancrée
En tant qu’architecte, Philippe Lamarque a toujours été convaincu de la justesse et de l’avenir de la démarche liée au chanvre. Président de Construire en Chanvre Ile-de-France, il est depuis trente ans un défenseur acharné de cette filière qui, à son avis, a toute sa place. Car le chanvre est un matériau d’aujourd’hui, totalement contemporain, qui doit être exploité en France, et non pas être simplement un produit agricole destiné à être cultivé sur les terres françaises pour être exporté.
La persévérance de l’entrepreneur a fini par permettre la concrétisation d’une production bien réelle made in France. Il lui a fallu faire preuve de patience, mais peu importe, car l’écoconstruction a toujours été une boussole dans sa façon d’envisager son métier. Après avoir quitté Bordeaux, une fois en Seine-et-Marne, Philippe Lamarque répond avec un groupement d’agriculteurs à une étude sur l’écoconstruction initiée par la maire de la Ferté-sous-Jouarre. Cette démarche a été à l’origine du groupement Planète Chanvre qui rassemble 8 agriculteurs et a joué un rôle majeur dans la promotion de ce nouveau matériau, étroitement lié à la filière bois.
La France est devenue le leader européen de la production de chanvre, ses capacités de production sont très importantes. Le vrai challenge de Philippe Lamarque aujourd’hui est de trouver suffisamment de débouchés pour faire du béton de chanvre un matériau utilisé par les professionnels. Son usine en Seine-et-Marne est un élément clé dans cette évolution d’avenir, qui ne peut que faire des émules.
Etienne Thomas