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Patrick Dussossoy : « Entreprendre est un combat de chaque instant »

Conseil auprès de nombreux dirigeants de PME, Patrick Dussossoy est convaincu que c’est en période de crise qu’émergent les meilleurs tempéraments de leaders et que s’expriment le mieux l’innovation et la créativité de tous les talents de l’entreprise.

Entreprendre - Patrick Dussossoy : « Entreprendre est un combat de chaque instant »

Conseil auprès de nombreux dirigeants de PME, Patrick Dussossoy est convaincu que c’est en période de crise qu’émergent les meilleurs tempéraments de leaders et que s’expriment le mieux l’innovation et la créativité de tous les talents de l’entreprise.

Quel regard portez-vous sur les dirigeants en ce moment ?

Patrick Dussossoy : On constate aujourd’hui, d’une part, une grande incertitude des dirigeants sur l’avenir de leurs entreprises car cette pandémie remet en cause bon nombre de leurs stratégies et, d’autre part, une véritable inquiétude des salariés. S’ajoute à cette fragilité du personnel, qui est la ressource N°1 des PME, une trésorerie tendue voire catastrophique pour certains. Le fait de ne pas savoir où l’on va, de ne pas avoir assez de projections sur l’avenir, crée un climat de tensions. Ce sont pourtant les crises qui révèlent les meilleurs leaders, c’est-à-dire les dirigeants qui sont en capacité de rassurer leurs équipes en leur donnant une vision et un projet pour demain.

De nombreuses TPE & PME avouent ne tenir que grâce aux aides de l’Etat et aux PGE. Pensez-vous que le pire est à venir ou restez-vous résolument optimiste ?

P.D. : Je suis évidemment plus pessimiste pour certains secteurs comme la culture et l’évènementiel. Mais dans ce contexte, c’est la personnalité du dirigeant qui prime et sa capacité à ne rien lâcher. Si certains patrons sont actuellement sujets à de grosses dépressions et préfèrent abandonner, d’autres – et ils sont nombreux – continuent à se battre et se donnent les moyens de contourner les difficultés, pour rebondir de plus belle.

Pensez-vous que le contexte est aussi l’occasion pour les entrepreneurs de se réinventer et si oui comment ?

P.D. : Oui, tout à fait, mais on parle-là d’entrepreneurs qui veulent coûte que coûte avancer, croître et se développer, autour d’un nouveau modèle d’intelligence collective. Là encore, tout est une question de mentalités. Depuis 10/15 ans, on voit beaucoup de jeunes chefs d’entreprises qui se comportent mal, dans le sens où ils deviennent des tueurs. Ceux-là n’ont pas les atouts pour mobiliser leur personnel en période difficile. On constate que les plus performants sont ceux qui, au contraire, se révèlent les plus humains avec leurs équipes. Cette période du Covid a mis en avant l’importance de notre qualité de vie, mais aussi notre hygiène alimentaire et notre empreinte environnementale.

On assiste à un véritable retour de la notion d’équilibre et d’harmonie sur tous les plans. Les patrons les plus équilibrés sont donc aussi ceux qui attirent les meilleurs talents en recherche d’équilibre, de sens, de valeurs, tant au travail que dans leur vie personnelle. Est en train de se construire un nouveau modèle économique et sociétal, bien loin de l’ultra libéralisme d’hier. Ceux qui gagneront seront ceux qui sauront se réinventer dans cette recherche de l’équilibre, tant individuel que collectif, qui devient essentiel pour chacun d’entre nous aujourd’hui.

Quels conseils donner aux entrepreneurs pour se relancer efficacement ?

P.D. : Déjà, premièrement, avoir un vrai plan stratégique. Je suis sidéré de voir à quel point nombre de PME n’ont pas de modèle stratégique performant. Le contexte impose d’avoir plus que jamais une stratégie claire et d’avoir assez d’agilité et de flexibilité pour la modifier en permanence. Cela impose de savoir se remettre en cause. Deuxièmement, il faut être particulièrement créatif et innovant, profiter de cette période pour rattraper son retard digital et développer ses ventes sur internet ou en click and collect. Troisièmement, il faut mobiliser ses collaborateurs, les motiver en les associant en permanence aux actions mises en place, et cela impose d’avoir une grande capacité d’adaptation. Quatrièmement, le dirigeant se doit d’être exemplaire, car c’est le meilleur moyen de donner à ses équipes l’envie de le suivre. Cinquièmement, le patron doit se plonger à fond dans toutes les fonctions de l’entreprise.

Je suis là encore étonné de voir combien d’entrepreneurs ne connaissent rien aux comptes financiers et laissent leur expert-comptable gérer leur trésorerie. S’ils se plongeaient plus dans les chiffres, ils se rendraient compte qu’il leur est nécessaire d’abandonner une partie de leurs activités pour se recentrer sur celles qui génèrent de la trésorerie et des résultats. Enfin, les dirigeants doivent profiter de cette période où le télétravail est souvent de mise, pour aller encore plus à l’écoute de leurs salariés, pour renforcer les liens humains avec leurs équipes.

Quelles sont les sept qualités qu’il faut à un entrepreneur-leader aujourd’hui ?

P.D. : Déjà, il faut bien comprendre que dans une startup, une PME ou même une ETI, un entrepreneur-leader n’est pas seulement un manager. Ce profil du manager est parfait dans les grands groupes mais il ne suffit pas dans une PME. Le profil d’entrepreneur-leader exige de nombreuses qualités. Premièrement, être exemplaire, c’est-à-dire honnête, intègre, transparent, humain. Je n’ai jamais cru au modèle du patron agressif. Quand vous êtes à la tête d’une PME, l’entreprise, c’est vous, vous devez donc l’incarner positivement ! Deuxièmement, être courageux, c’est-à-dire en capacité de faire des choix et de prendre des risques, d’avoir le courage de prendre des décisions difficiles et de dire la vérité. Troisièmement, être déterminé et optimiste, pour garder son sang froid dans les périodes difficile et aller jusqu’au bout.

Quatrièmement, avoir confiance en soi et garder un bel équilibre de vie, condition primordiale pour pouvoir se surpasser, notamment quand c’est difficile. Cinquièmement, être juste et rester le plus objectif possible, notamment avec son personnel. Sixièmement, rester modeste, d’abord envers soi-même et vis-à-vis des autres. Cela veut dire reconnaître ses erreurs, apprendre à dire « je ne sais pas », montrer que l’on est humain. Et enfin, septième qualité, être passionné et pleinement engagé pour motiver les autres à vous suivre. Quand vous êtes à la tête d’une PME, l’entreprise devient une partie intégrante de vous, vous vivez avec elle jour et nuit. L’entrepreneuriat est donc un combat de chaque instant.

Un dernier message à délivrer aux patrons qui nous lisent ?

P.D. : Nous cherchons tous à donner du sens à notre vie. De la même manière, aujourd’hui, il faut donner du sens à son entreprise autour de son histoire, de ses équipes, de ses produits ou services et de ses valeurs. L’entreprise qui gagne est celle qui nous fait nous dépasser, nous surpasser. Donc à tous les dirigeants qui sont actuellement résignés, inquiets ou en colère, je dis que c’est au contraire le moment d’être forts et de se battre, d’avoir confiance en leurs capacités. C’est loin d’être foutu ! Il y a aujourd’hui 80% d’entreprises qui fonctionnent bien, parce qu’elles ont décidé de changer les codes, de se réinventer et de se battre. C’est en période de crise qu’émergent les meilleurs tempéraments de leaders et que s’expriment le mieux l’innovation et la créativité de tous les talents de l’entreprise !

Propos recueillis par Valérie Loctin


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