À 33 ans, Marc Gauthier a osé créer sa marque de montres Made in France. Deux ans après, ses modèles déconnectés semblent avoir trouvé leur public. La jeune entreprise de Morteau (Doubs) s’est fait connaître au début sur la plate-forme Ulule.
Lors du lancement de sa première collection de montres mécaniques et automatiques, Marc Gauthier a insisté sur l’indispensable temps qu’il fallait prendre pour « anticiper, planifier afin de bien faire les choses et réfléchir à leur sens. Cette idée est devenue une valeur fondatrice de Pinet Montrivel et est au cœur de son processus créatif ».
LE JURA, TERRE DE CŒUR
Marc Gauthier est jurassien. Si vous voulez comprendre son parcours, voici un critère absolument essentiel. L’autre étant son amour des montres qui l’a d’ailleurs conduit dix ans après avoir terminé son BTS en microtechniques à suivre la formation de la Watch Trade Academy. C’était en 2019, un peu avant le lancement de sa marque, en Suisse. Entretemps, le jeune Marc Gauthier a pris le temps de peaufiner son expérience, en travaillant dans une manufacture de cadrans en Suisse pendant presque cinq ans.
Il intègre ensuite une autre entreprise suisse à la marque prestigieuse, Tag Heuer, où il peaufine son CV en travaillant tant dans le secteur de l’industrialisation que dans celui du marketing et de la conception horlogère.
L’HORLOGERIE FRANÇAISE TENTE DE REVIVRE
C’est l’envie de revenir aux sources qui va provoquer le grand bond en avant vers l’entrepreneuriat. Installé à Maîche dans le Doubs, Marc Gauthier fait partie de ces quelques jeunes entrepreneurs français passionnés par le secteur et qui tentent de faire revivre l’horlogerie française en allant au maximum vers le made in France. Autant dire qu’il a un petit grain de folie bien sympathique chez tous ces créateurs d’entreprise. Marc Gauthier a l’idée de l’entreprise en tête depuis longtemps.
Déjà, adolescent, il était fasciné par les histoires des grandes réussites françaises. Il était fortement plus sensible aux anciens noms français, tels que Herbelin ou Pequignet. Et la phrase magique est apparue dans son cerveau, celles qu’entendent tous les créateurs : pourquoi pas moi ? En grandissant, il a évidemment vu que certaines aventures s’étaient mal terminées, mais l’énergie de la jeunesse permet de passer au-delà. Il n’y a pas de créateur d’entreprise pessimiste. Étant donné sa difficulté, le projet mûrit très longuement avant de voir le jour.
UN CRÉNEAU TRÈS POINTU
Marc Gauthier se lance par passion des montres et du Jura. Il veut installer sa marque dans cette région qu’il aime, pour créer des montres dont l’assemblage est fait en France à Morteau et dont la majorité des composants sont également fabriqués en France. Mais, il est contraint d’acheter le mouvement à l’étranger, au Japon, pour parvenir à finaliser un produit dont il a défini le prix cible, très compétitif. Ce sera moins de 500 euros, un prix difficile à tenir.
Pinet Montrivel est donc lancé en septembre 2019 via une première campagne de crowdfunding sur Ulule présentant la première collection de montres automatiques pour homme, Levento. Le succès est au rendez-vous, un minimum de 100 montres était obligatoire pour la suite, les précommandes s’élèvent finalement à 202.
ALTEZZA, POUR LES FEMMES
Le premier lancement a prouvé que Pinet Montrivel pouvait trouver sa cible. Marc Gauthier s’est immédiatement mis au travail pour mettre au point la gamme femme.
Cela a nécessité deux années pour aboutir à une nouvelle campagne de financement lancée sur Kickstarter, une plateforme plus internationale. Dans le parcours d’une entreprise, tout ne se passe pas toujours comme prévu, tous les chefs d’entreprise expérimentés le savent. Ce fut le cas avec cette campagne. Il fallait au minimum atteindre 80% de l’objectif pour pouvoir aller de l’avant, malheureusement, le taux de réussite n’a été que de 60%, ne permettant pas de rassembler les fonds suffisants pour poursuivre.
REPARTIR
Face à un échec partiel, il n’y a que deux solutions, abandonner pour de bon ou repartir sur de nouvelles bases. Marc Gauthier ne s’est pas lancé sur le court terme, il poursuivra donc l’aventure. Il vend encore les modèles de sa collection homme et s’engage dans de nouveaux défis. Réfléchir à de nouveaux modèles plus en phase avec le public, rechercher des sources de financement, car il s’est lancé seul sans investisseur. Troisième piste de travail, creuser la piste écoresponsable fait partie des chantiers qu’il met en place.
ET AUJOURD’HUI ?
Aujourd’hui, Marc Gauthier est un entrepreneur qui tente de mener de front plusieurs vies pour réussir. Il s’est donc lancé en parallèle de Pinet Montrivel dans une activité de consultant sur tous les aspects du lancement d’une entreprise. Car il faut trouver des solutions et continuer à gagner sa vie en attendant que l’entreprise permette de le faire totalement. Notre entrepreneur est donc également réserviste de l’armée de terre.
Le fait de réussir à tendre vers le 100% made in France reste un objectif pour Marc Gauthier. Cela ne dépend évidemment pas que de lui, car depuis la faillite de l’entreprise France Ébauches il y a 28 ans, le savoir-faire français a disparu, il est aujourd’hui dans les mains des Suisses et des Asiatiques. Marc Gauthier espère qu’une filière revivra un jour, même si pour le moment, la filière horlogère française opte dans sa grande majorité pour une collaboration avec la Suisse.
Pas de 100% français, mais déjà une collaboration européenne et donc forcément plus locale. Marc Gauthier place cependant des espoirs dans le projet de Soprod (groupe Festina) qui pourrait s’associer à l’horloger Berthet pour relancer une fabrication française. On n’en est pas encore là, Pinet Montrivel est là pour durer. Comme ses montagnes du Haut-Doubs.
Claudio Flouvat