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Management : au secours, la polysynodie revient masquée !


Par Gérard-Dominique Carton. La mode de réduction des échelons hiérarchiques dans les entreprises est venue de la multiplication de ces échelons. Comme beaucoup croient, à tort, que lorsqu’une chose est mauvaise son inverse est bon, la pléthore hiérarchique a été « dépléthorisée » (oui, c’est un néologisme), et les organisations matricielles ont...

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Par Gérard-Dominique Carton.

La mode de réduction des échelons hiérarchiques dans les entreprises est venue de la multiplication de ces échelons. Comme beaucoup croient, à tort, que lorsqu’une chose est mauvaise son inverse est bon, la pléthore hiérarchique a été « dépléthorisée » (oui, c’est un néologisme), et les organisations matricielles ont fleuri. Ceci n’a aucunement empêché la concentration des pouvoirs, au contraire.

Et bien sûr, il a fallu organiser des comités, des commissions, des groupes de réflexion, bref, des instances de « conseil interne » ayant pour mission de préparer les décisions du pouvoir exécutif. C’est exactement le schéma de gouvernance polysynodale.

Mise en place par la Régence après la mort de Louis XIV, la polysynodie avait pour objectif de réduire le pouvoir qu’avaient pris les bourgeois sur la destinée du Pays et les ministres ont été remplacés par des conseils regroupant jusqu’à 10 personnes, qui élisaient leur « président » (aujourd’hui un pilote).

Le management participatif en somme, par lequel ces conseils faisaient remonter les problèmes et redescendre les décisions. C’était l’antichambre de la révolution. Quand chacun pense qu’il ferait aussi bien sinon mieux que n’importe qui, c’est le début de la fin.

On commence alors à confondre « effets » (c’est-à-dire façon dont les gens reçoivent une décision ou représentation de la situation) et « résultats », c’est-à-dire concrètement ce qui est produit.

Les médecins de Molière fleurissent et se multiplient, les avis sont confondus avec les compétences et les expertises. Depuis le temps que l’on demande à des sportifs et autres chantres du show-business leur avis sur la diplomatie internationale, l’économie modiale, la justice et le social, et que dans le même temps des experts souvent autoproclamés livrent leurs opinions comme s’ils étaient des prophètes il est normal que chacun se sente aussi légitime dans ses élucubrations que ceux-là. Bien sûr le culte de l’antiélitisme favorise la montée en puissance de la polysynodie, en multipliant les élites discrètes.

Ce n’est pourtant pas du bon sens populaire que sont nées la physique quantique et encore moins la recherche fondamentale.

Le participatif exacerbé est-il une gigantesque manipulation, voire une escroquerie intellectuelle ? On serait tenté de le croire à moins, et le culte de l’écoute extrême en « bottom up » est probablement aussi néfaste que le diktat top-down.

Le point d’équilibre réside dans les compétences réelles et le respect des compétences individuelles et collectives.

La compétence collective est le fruit de l’alliance de compétences individuelles pour la production d’un résultat concret qui est un gain pour ceux au service de qui elle est mise.

Manager revient à instaurer les alliances de compétences individuelles et les faire fonctionner, se développer et produire au mieux, des biens et/ou des services.

La polysynodie au mieux verticalise ces alliances et au pire les rend impossibles en multipliant les villages gaulois et les besoins, à l’infini, de coordination.

Quel est le grand gaspillage engendré par cette forme de gouvernance ? Celui du temps. Les décisions, quand elles finissent pas être prises, le sont très lentement.

S’il advient que vous passiez trop de temps en réunions, négociations internes, et que vous n’ayez plus le temps de prendre connaissance de toutes ces informations discutées à l’infini, envoyées par mail ou postées sur l’intranet de votre organisation, posez-vous cette question :

Sommes-nous dans un système polysynodal ?

Gérard D. Carton

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