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L’imprévoyance des actifs, une faille du modèle social français ?

Entreprendre - L’imprévoyance des actifs, une faille du modèle social français ?

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En France, le nombre de personnes en situation de précarité ne cesse d’augmenter, témoignant des limites d’un modèle de protection sociale certes solide, mais loin d’être infaillible. Améliorer la couverture prévoyance des actifs permettrait d’atténuer les effets des accidents graves de la vie, en empêchant les ménages de basculer, parfois irrémédiablement, dans la pauvreté.

C’est un marronnier auquel on ne s’habitue pas. Comme chaque année en période hivernale, plusieurs études dressent un état des lieux de la pauvreté en France. Chômage, isolement, précarité étudiante, mal logement, bénéficiaires des banques alimentaires… : plusieurs angles permettent de mesurer l’ampleur d’un phénomène qui, sans augmenter de manière massive, a cessé de baisser en France depuis les années 1980. Et si le modèle français de protection sociale a plutôt bien résisté face aux conséquences de la crise sanitaire, il montre aussi ses failles et limites, accentuées dernièrement par l’inflation ou par la crise énergétique. Peut-on donc dresser le profil des personnes précaires en France en 2023 pour en comprendre les mécanismes ?

Portrait-robot de la pauvreté en France

Selon l’Observatoire des inégalités, il y aurait 4,8 millions de personnes vivant en France sous le seuil de pauvreté, fixé à 940 euros par personne et par mois. Cela correspond à 7,6 % de la population française – et comme celle-ci augmente, le nombre de précaires aussi. Mais il existe de grandes disparités entre les personnes précaires et toutes les catégories de population ne sont pas pareillement exposées au phénomène. Ainsi, la pauvreté touche bien davantage les jeunes, affectant 19 % des 18-29 ans, soit un jeune sur cinq. De même, les femmes – souvent des mères célibataires – sont plus touchées que les hommes. Sans surprise, plus d’un chômeur sur quatre (26 %) est dans une situation de pauvreté, une situation qui concerne particulièrement les jeunes entrant sur le marché du travail ou les chômeurs de longue durée.

La pauvreté est aussi inégalement répartie sur le territoire, certaines zones ou régions étant plus sujettes que d’autres au phénomène. Ainsi, concernant les territoires d’outre-mer : 25 % des habitants de la Réunion sont en situation de pauvreté, et un Guyanais sur trois (29 %) serait, toujours selon l’Observatoire des inégalités, en situation de « grande pauvreté », contre seulement 2 % de la population métropolitaine. Certains départements et quartiers apparaissent aussi particulièrement défavorisés, à l’image de la Seine-Saint-Denis, qui affiche un taux de 18 % de pauvreté, ou encore du quartier de Pissevin-Valdegour, à Nîmes, où près de sept habitants sur dix (69 %) sont considérés comme précaires.

La Banque de France, qui a récemment publié les chiffres des dossiers de surendettement qui lui ont été adressés en 2022, parvient peu ou prou aux mêmes conclusions. Selon l’institution, les deux tiers des personnes surendettées ont entre 25 et 54 ans ; la majorité d’entre elles (55 %) sont des femmes et celles qui vivent seules avec des enfants représentent près de 20 % des dossiers, alors qu’elles ne comptent que pour 10 % de l’ensemble des ménages français. Mais comment et pourquoi ces personnes basculent-elles dans la pauvreté ? « Les personnes surendettées rencontrent des difficultés financières en raison de leurs faibles ressources ou parce qu’elles sont victimes d’un accident de la vie : divorce, maladie, chômage… », explique Hélène Arveiller, directrice adjointe des particuliers à la Banque de France.

Le lien entre imprévoyance et précarité 

En d’autres termes, c’est bien souvent un « coup dur », personnel ou professionnel, qui précipite les ménages dans une spirale infernale, contre laquelle même les foyers aisés ne sont pas totalement immunisés. Ici réside l’angle mort de la plupart des études consacrées à l’étude de la pauvreté en France : légitimement concentrées sur les seules données chiffrées, celles-ci font, en général, l’impasse sur les trajectoires individuelles qui mènent au déclassement social. Or la plupart des actifs français, s’ils ne sont pas « pauvres » au sens où on l’entend généralement, sont absolument dépourvus de « parachute de secours » en cas d’accident ou de problème grave de santé. Contrairement à ce que beaucoup d’entre eux s’imaginent, le modèle social français ne dispose pas de « filets de sécurité » suffisamment solides pour empêcher tel ou tel de basculer irrémédiablement dans la pauvreté.

Et pour cause : une part non négligeable des actifs français ne sont pas couverts contre les conséquences financières d’une maladie grave ou d’un accident, notamment ceux qui ne relèvent pas de conventions collectives protectrices, mais aussi certains fonctionnaires et la majeure partie des indépendants. Pour eux, un coup dur peut rapidement devenir un coup fatal. Et un coup… qui a un coût, énorme, évalué par le groupe mutualiste VYV à une quinzaine de milliards d’euros chaque année. À l’initiative d’un « observatoire de l’imprévoyance », le Groupe VYV milite donc pour une amélioration des garanties de prévoyance pour les actifs, ce qui permettrait, selon le groupe, d’atténuer les effets des accidents et des problèmes de santé sur le parcours des salariés français. Trois pistes sont défendues : la mise en place d’un accord interprofessionnel de la prévoyance, la création d’un compte personnel de la prévoyance et un renforcement de la portabilité. L’objectif ? Empêcher que des milliers de personnes ne basculent pour longtemps dans la pauvreté.


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