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Le secret du plus discret des milliardaires français

Jean-Pierre Cayard (Domine Jerome/ABACA)

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À 80 ans, lui et son épouse dirigent un petit empire de spiritueux de plus de 1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaires pour 3 400 collaborateurs. Leur groupe, La Martiniquaise, qu’ils détiennent à 82 %, est n° 2 français derrière Pernod Ricard. Comment la petite affaire créée par le père, Jean Cayard, est-elle devenue n° 10 mondial avec des marques comme Saint James, Label 5, Duval ou Marie Brizard ?

Vous connaissez sûrement ses marques emblématiques : Label 5, Glen Turner (whisky), Negrita, Saint James, Rivière du Mât (rhum), Porto Cruz (porto), Poliakov (vodka), Duval, Casanis (pastis), Dauré (muscat), Busnel (Calvados), St Raphaël (quinquina)… À l’image de son PDG, Jean-Pierre Cayard, La Martiniquaise est un géant discret, un peu comme l’inaltérable Pierre Castel, 97 ans, l’autre vénérable géant français du vin et de la bière (avec un chiffre d’affaires de 6,2 milliards d’euros).

La Martiniquaise réalise de son côté 1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaires et compte 3 400 salariés. Ce qui situe le groupe basé à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne) au rang de n° 2 français des spiritueux, derrière le mastodonte Pernod Ricard (10,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires).

UNE SAGA FAMILIALE À LA FRANÇAISE

Présent dans 150 pays et possédant 50 sites de production, La Martiniquaise figure dans le top 10 mondial des spiritueux. L’entreprise, leader mondial sur le porto et n° 1 en France sur la vodka et le calvados, fait également partie des rares groupes mondiaux à détenir des « marques millionnaires » (marques ayant dépassé le million de caisses de 9 litres vendues) sur les trois segments principaux (whisky, vodka, rhum). La force de La Martiniquaise s’explique encore aujourd’hui par la puissance de ses marques en France et à l’international. C’est en 1934 que débute l’histoire du spécialiste des spiritueux.

Fondé par l’entrepreneur visionnaire Jean Cayard, le père de l’actuel président, La Martiniquaise s’est au départ spécialisée dans l’importation et la commercialisation de rhum en provenance des Antilles. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la petite entreprise familiale a élargi son offre : cognac, calvados, kirsch, madère, porto…

L’AUDACIEUSE STRATÉGIE DE JEAN CAYARD

En 1956, La Martiniquaise lance Porto Cruz, qui deviendra sa marque emblématique et lui assurera l’hégémonie mondiale sur le marché du porto – Porto Cruz est devenu n°1 mondial du porto en 2001. Au tournant des années 60, le développement de l’entreprise profite de l’essor de la grande distribution.

Après trois décennies d’existence, La Martiniquaise change de stratégie : elle se lance dans une logique d’acquisitions. L’entreprise familiale réalise ainsi plusieurs belles prises : Grand Cruz au Portugal (1975), Armagnac Saint-Vivant (1976), Justino Henriques (1977), Floranis (1987)… En 1975, le groupe familial lance la marque de scotch whisky Label 5.

Autre tournant : 1993. La Martiniquaise réalise un gros coup en s’offrant la société Bardinet. Leader dans les segments du rhum et des cocktails, l’entreprise possédait des marques iconiques comme Negrita, Dillon, Saint James ou Old Nick. Ce rapprochement entre les deux entités permet au groupe de poursuivre sa politique de croissance externe (Boisset, Marie Brizard, Belvédère).

COURSE À LA CROISSANCE EXTERNE

Après une pause dans sa politique d’expansion, La Martiniquaise repart de plus belle durant les années 2000. S’en suivent de nombreux achats de marques prestigieuses : Saint James et Bally (2003), Griottines, La Cigogne et Dalva (2007), la distillerie Glen Moray (2008), Duval, Casanis, L’Héritier-Guyot, Caraïbos et Valauria (2009), Smeets (2011), Quartier Français Spiritueux, Rivière du Mât (2012), Gin Giro (2014), Mont Marçal et Perlino (2015), Olifant (2017), Cutty Sark (2019), Lejay (2020)… Dernièrement, c’est sur la marque de gin français Generous, propriété de la société française Ôdevie Creative Spirits, que l’empire familial a jeté son dévolu. Cette opération stratégique permet à La Martiniquaise de consolider sa présence dans le segment des spiritueux blancs.

ENTRE LE DUFF ET DENTRESSANGLE

Arrivé dans le groupe familial dans les années 70, Jean-Pierre Cayard, né en 1942, a pris la succession de son père à la tête de l’entreprise dans les années 1980. Un groupe que le diplômé de HEC va s’atteler à développer en France et à l’international à travers un vaste portefeuille de marques puissantes. En tant que chef d’entreprise, Jean-Pierre Cayard a su faire croître l’entreprise familiale et la hisser au second rang en France.

La réussite de La Martiniquaise a permis à Jean-Pierre Cayard de se bâtir une fortune colossale. Si celle-ci est difficile à estimer, les deux médias de référence dans la classification des grandes fortunes, l’américain Forbes et le français Challenges, ne donnant pas les mêmes chiffres, on peut l’estimer entre 1,5 et 3 milliards d’euros, ce qui situe le PDG de La Martiniquaise tantôt à la 27ème place (Forbes), tantôt à la 47ème (Challenges). Selon Forbes, la fortune de Jean-Pierre Cayard aurait « triplé en 2023 », ce qui expliquerait son entrée dans le top 30 français. De son côté, Capital avance le chiffre de 2,4 milliards d’euros. L’évaluation du patrimoine n’est pas facile à faire…

LA TROISIÈME GÉNÉRATION BIENTÔT AUX COMMANDES ?

Alors que le règne de Jean-Pierre Cayard n’est pas terminé, la question de sa succession reste posée. Mais comme cela a toujours été le cas dans la saga Cayard, le processus se déroule loin de la sphère médiatique. N’accordant quasiment aucune interview, limitant sa communication au strict minimum, Jean-Pierre Cayard a traversé les décennies sans se dévoiler. Toujours est-il que la troisième génération est prête : les deux enfants de Jean-Pierre Cayard, Sylvia (46 ans), diplômée de HEC, et Stéphane (42 ans), ont intégré l’entreprise familiale depuis longtemps.

« J’ai la chance d’avoir deux enfants qui ont fait de belles études », expliquait l’homme d’affaires en 2015. Ils prendront, selon toute vraisemblance, la suite. Si la date du passage de relais n’est pas encore connue, leur objectif, lui, ne bougera pas d’un iota : conserver coûte que coûte l’indépendance du groupe. La tâche sera ardue tant le PDG de La Martiniquaise, qui a réussi à faire de l’entreprise héritée de son père le deuxième groupe français de spiritueux, aura laissé une trace sans pareil.

Victor Cazale


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