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Le Pull Français relance la filière textile made in France

Il a failli devenir gardien de l’AJ Auxerre, Benjamin Cohen a réalisé un autre rêve : devenir entrepreneur. Près de Roanne dans la Loire, à 39 ans, ce battant, déjà propriétaire de boutiques de mode, relance la marque Le Pull Français pour en faire un label incontournable. Une ambition qui n’est pas sans rappeler celle du patron du Slip français, Guillaume Gibault, tous deux actifs défenseurs du Made in France dans le textile.

Entreprendre - Le Pull Français relance la filière textile made in France

Comment êtes-vous devenu entrepreneur ?

Benjamin Cohen : Jeune, j’ai essayé d’embrasser une carrière de footballeur professionnel à l’AJ Auxerre, mais cela ne s’est pas fait. Pas de football, je ne voulais pas poursuivre mes études, mon père m’a dit, « Si je me lève chaque matin pour travailler, toi aussi, tu te lèves, trouve ce que tu veux faire ». Il fallait découvrir la vraie vie, j’aimais la mode, les vêtements. Je suis ainsi devenu commerçant indépendant avec une boutique de prêt-à-porter, j’avais vingt ans, j’étais lâché dans le grand bain. L’entrepreneuriat était fait pour moi, j’ai appris l’achat-revente, les calculs de marge et de TVA. J’avais des fourmis dans les jambes, j’ai donc lancé en parallèle une structure qui vendait des espaces publicitaires, ce fut très formateur, car je passais d’un contact client consommateur à un contact avec les professionnels.

La diversification des activités est devenue un cheval de bataille. Le contact avec d’autres entrepreneurs m’a offert l’opportunité d’investir dans quatre magasins de franchise, trois dans le prêt-à-porter, un dans l’esthétique, toujours dans la même région. Cette expérience m’a permis de revenir à mes premières amours, j’ai vendu l’activité publicité, et j’ai cherché à investir.

J’ai monté une activité de marchand de biens de façon annexe. J’ai le goût du challenge, je cherchais ce qui correspondait à mon expérience, la gestion d’un autre centre de profit. J’ai découvert par hasard Le Pull Français en 2022 en naviguant sur une plateforme de cession d’entreprises. Après quelques échanges avec les créateurs, nous avons conclu un accord, et la reprise s’est faite en LBO.

Vous défendez ardemment le Made in France…

J’ai vu le marché du textile beaucoup évoluer et il continue de muter. Il y a beaucoup à faire pour le Made in France, on se doit comme consommateur français de revenir à nos bases, dans le textile comme dans d’autres secteurs, de même qu’en tant qu’entrepreneur. Et quoi de mieux que d’être à Roanne avec une usine textile à quelques kilomètres qui fabriquait déjà pour Le Pull Français, la Manufacture du Tricot Jean Ruiz (MLT). Ce fut un signe, car je ne le savais pas au départ.

Quel est le business model du Pull Français ?

Aujourd’hui, nous vendons uniquement sur notre site internet, nous travaillons sur son amélioration, avec un gros travail de référencement. Nous avons réfléchi à une commercialisation en boutique indépendante, mais ce type de commerce est sur un marché tendu. Nous allons développer la vente directe, en premier lieu par internet, mais aussi via des vendeurs-démonstrateurs à domicile, type Tupperware ou VorWerk. Nous allons lancer ce créneau très rapidement.

J’en appelle d’ailleurs à celles et ceux qui seraient intéressés par nos collections, qu’ils entrent en contact avec nous. Ensuite, nous nous intéressons à l’export, de nombreux pays (Belgique, Italie, Espagne…) sont friands du Made in France, et de notre vrai savoir-faire. Je ne me compare pas aux marques de luxe, mais le filon existe, à nous de trouver la bonne destination. J’aimerais que nous démarrions en fin d’année, encore faut-il trouver le bon partenaire.

Pourquoi miser sur les pulls uniquement ?

Notre projet est de rester dans la maille, aujourd’hui avec des pulls et des bonnets pour homme et femme, d’ici à deux ans avec des mitaines, des robes en maille… Mais le cœur de cible est le pull, nous allons pousser ce monoproduit aussi loin que possible en termes de couleurs, de coupes, de modèles. Col V, col rond, col roulé, manches longues, manches courtes, col demi-montant prochainement. Pas de T-shirts, de jeans, de chemises, nous ne pourrions plus être 100% Made in France en allant sur ce créneau. Au-delà de nos pulls mérinos-cachemire, nous avons lancé notre première collection en coton bio, une matière achetée en France à Tourcoing. Pour la communication, nous privilégions les réseaux sociaux et la presse magazine.

Comment êtes-vous organisés ?

Le Pull Français est une petite société, avec peu de frais de structure, je mène tout de front avec mes autres activités. Tout est à faire, nous ne pouvons que progresser, car l’entreprise est déjà rentable. Nous essaierons de rester dans cette configuration aussi longtemps que possible, avec des sous-traitants, des fournisseurs que je considère comme notre équipe externe.

La fast fashion est très critiquée, mais concrètement, elle séduit toujours par ses petits prix, comment voyez-vous l’avenir ?

La fast fashion n’est pas si bon marché que cela, de nombreux clients dépensent 20 euros pour un pull sur Shein ou Temu. Ils en achètent plusieurs et n’ont pas l’impression qu’il soit grave de jeter le produit une fois qu’il ne plaît plus. Finalement, le budget annuel dépensé sur ces sites n’est pas moins cher que d’acheter un Pull Français, qui va durer, lui. Au-delà du fait que ces entreprises sont des pollueurs de la planète se pose l’équation économique. Ces achats détruisent nos commerces, en ce moment, il y a une véritable hécatombe, l’enjeu économique est énorme, mais leurs contraintes et les nôtres sont différentes.

L’intervention législative arrive à point nommé, il faut agir et se battre. Par ailleurs, je suis convaincu que nous allons revenir à nos fondamentaux avec des commerces de proximité. Si un client n’a vraiment pas les moyens d’acheter un pull chez nous, et choisit donc les sites de fast fashion, l’important est de le faire en étant tout à fait conscient des limites de ce choix. Hier, une personne nous a téléphoné pour avoir des détails sur un produit, avant de raccrocher, elle a insisté pour dire combien il était agréable d’avoir un interlocuteur direct. Le service et l’accueil : ce doit être aussi cela le Made in France.

Vous misez beaucoup sur la qualité ?

Le Pull Français adopte un style intemporel, sans design farfelu, d’autres marques le font très bien. Nos pulls sont fabriqués à Roanne à 500 mètres de nos bureaux, notre empreinte carbone est limitée. En lançant notre nouvelle collection en coton bio, nous avons choisi une entreprise qui dispose de sa station d’épuration pour économiser l’eau liée à la culture du coton. Nos étiquettes sont fabriquées à Saint-Etienne, le papier de soie, les emballages à Nantua dans l’Ain, 100% de notre collection est fabriquée en France, c’est notre cheval de bataille et c’est essentiel pour tout le monde.

Propos recueillis par Anne Florin


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