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Le Petit Prince : le pactole mondial des droits dérivés de Saint-Exupéry

Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéru fête son soixante-seizième anniversaire est le deuxième best-seller planétaire après la Bible, avec 200 millions d'exemplaires vendus.

Entreprendre - Le Petit Prince : le pactole mondial des droits dérivés de Saint-Exupéry

Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry fête son soixante-seizième anniversaire est le deuxième best-seller planétaire après la Bible, avec 200 millions d’exemplaires vendus. Ce sont aussi une marque, des licences et un business international gérés avec soin par son arrière-petit-neveu, Thomas Rivière, au sein de la succession familiale.

Vous protégez ce bel héritage familial depuis 12 ans…

Thomas Rivière : Cela fait une trentaine d’année que la succession existe en tant que société. Avant, mon arrière-grand-mère gérait elle-même les demandes. Depuis que je suis tout petit, j’ai toujours vécu avec Le Petit Prince. Il a toujours fait partie de la famille. On m’a toujours dit que je travaillerais un jour pour Le Petit Prince, mais il y a encore 15 ans, la succession n’était qu’une petite société qui n’avait pas l’aura d’aujourd’hui. J’ai fait une école de commerce internationale et des langues. Ensuite, je suis allé faire mes classes dans la distribution, (la bière chez Heineken, puis le textile chez Armand Thiery). C’est en 2008 que mon oncle, Olivier d’Agay, qui dirige la succession, m’a proposé de venir travailler avec lui.

Il se trouve que j’étais passionné de bande dessinée et que j’avais vu dans le magazine Lire un dessin de Joann Sfar, alors directeur de collection chez Gallimard, à l’occasion des 60 ans du Petit Prince. Je l’ai rencontré pour lui proposer de réaliser la bande dessinée du Petit Prince. La BD est sortie en 2009 et a eu un incroyable succès avec 600 000 exemplaires vendus dans le monde. C’est comme ça que tout a commencé et que j’ai rejoint l’aventure. Ma famille ne s’était pas trompée, c’était bien ma destinée !

Qu’avez-vous personnellement développé ?

T.R. : J’ai commencé à travailler sur tous les aspects du e-commerce. J’ai d’abord créé et développé laboutiquedupetitprince.com qui est devenue l’année dernière lepetitprince-collection.com, qui marche très bien et dont le but est d’offrir à tous les fans du Petit Prince du monde entier les produits exclusifs de qualité et les beaux libres en édition limitée à 500 exemplaires. Petit à petit, j’ai appris ce métier de la licence, qui est un métier de réseaux à part entière qu’on n’enseigne pas en école de commerce ; il ne s’apprend que sur le terrain. Il n’y a pas deux manières identiques de développer une marque en licence, car chacune a son identité propre, son histoire, son ou ses personnages. On a donc tous une façon différente de se développer.

Le Petit Prince est devenu un très gros business. Combien êtes-vous dans l’entreprise pour le gérer ?

T.R. : De l’extérieur, on a l’impression que l’entreprise est énorme. Pourtant, de façon directe, nous ne sommes que dix dans nos bureaux à Montparnasse, dont deux bientôt trois, à nous occuper de toute la partie marketing-licences-stratégie. Le monde change et il est essentiel pour nous de suivre toutes les tendances du marché, car même si Le Petit Prince sera toujours là – le livre est un succès phénoménal avec 5 millions d’exemplaires vendus chaque année dans le monde – il faut bien comprendre que si l’on veut faire grandir la marque, ça passe par des évènements, des films, des expositions, comme celle qui a démarré en février 2022 au Musée des Arts Décoratifs, une nouvelle série télé prévue pour 2023… On a fêté avec un peu de retard les 75 ans du Petit Prince en France l’année dernière (1945) et on fêtera l’année prochaine ses 80 ans aux Etats-Unis (1943).

Nous ne sommes donc qu’une dizaine à gérer tout cela, mais on a aussi par ailleurs 350 licenciés partenaires dans le monde, c’est-à-dire 350 sociétés qui fabriquent nos produits sous licence, sous notre contrôle qualité, et qui font travailler au moins 5 000 salariés dans le monde. Le Parc du Petit Prince en France, par exemple, ce sont 250 salariés en été.

Quel est votre chiffre d’affaires à l’international ?

T.R. : Notre chiffre d’affaires distribution dans le monde est de 200 millions d’euros et en France, il est de 20 millions d’euros. Depuis 2015, on développe le marché chinois qui a eu un véritable coup de foudre pour Le Petit Prince et qui représente dorénavant 30% de notre chiffre à l’international. En Russie, c’est un succès de longue date, puisque Saint-Exupéry est étudié à l’école et que c’est une passion personnelle de Vladimir Poutine qui a prolongé les droits parce qu’il considère que c’est un héros de guerre.

En Inde, en revanche, où l’œuvre est également tombée dans le domaine public, il y a encore tout à faire, ce qui offre de belles perspectives. Nous allons nous y atteler prochainement. Sachez par ailleurs qu’il n’y a plus que six pays dans le monde où Le Petit Prince est encore protégé par les droits d’auteur.

Où en êtes-vous sur le développement des boutiques à l’international ?

T.R. : On a créé notre première boutique il y a six ans à Paris, dont je suis le gérant. C’est une structure indépendante qui présente de bons chiffres et une vraie rentabilité. On avait des projets de boutiques à Lyon, à Lisbonne, à Barcelone et dans d’autres grandes villes, mais avec la Covid, tous nos projets sont tombés à l’eau. On a fait le dos rond en 2020 dans la boutique parisienne, mais elle est bien repartie depuis 2021. On est maintenant sur un projet d’ouverture d’une boutique à Bruxelles, et une autre à Lyon où notre dernière exposition a fait plus de 100 000 visiteurs. Ces projets-là sont en train de renaître.

Vous recevez un nombre impressionnant de demandes de licences tout au long de l’année. Comment s’opère votre sélection ?

T.R. : C’est d’abord du bon sens, car notre champ d’action a été défini dès le départ par la famille. On sait déjà sur quels secteurs on ne veut pas aller, parce qu’ils ne font pas partie de nos valeurs. Avec Le Petit Prince, on est dans la poésie, dans l’onirisme, dans des valeurs fortes ; on ne peut pas se permettre de faire n’importe quoi. Donc, on dit beaucoup non. On dit non aux pétroliers, aux fast-food, à tout ce qui est jetable ou en plastique, car ce n’est pas nous. On travaille avec des gens, des partenaires qui adorent Le Petit Prince, des passionnés de l’œuvre qui portent nos valeurs.

On travaille notamment depuis dix ans avec le groupe Sofitel qui a une offre famille et qui finance notre Fondation Antoine de Saint-Exupéry pour la Jeunesse à hauteur d’un demi-million d’euros. On prospecte peu en fait, ce sont des entrepreneurs passionnés du Petit Prince qui viennent à nous. C’est le cas aussi avec la société Pylones avec laquelle nous travaillons depuis quatre ans, en y prenant ensemble beaucoup de plaisir.

Vous parlez d’un projet de série télé ?

T.R. : En fait, on travaille depuis une quinzaine d’années avec la même société de ON Entertainement (groupe Mediawan) et on a lancé en 2010 un projet fou, une première série télé en 3D du Petit Prince, un immense succès diffusé dans une centaine de pays. Suite à cela, on a lancé le film, vu par 23 millions de personnes dans le monde et qui a remporté le César du meilleur film d’animation. En 2017, je suis retourné voir Aton Soumache qui partageait mon idée d’une nouvelle série pour des enfants de 5 à 7 ans. Ce sera une série télé très moderne en 2D autour d’une adaptation et de nouvelles aventures du Petit Prince autour des valeurs qu’il prône.

Ce sera diffusé un peu partout dans le monde en 2023 en télévision. Pour les plateformes en revanche, on est sur un tout autre projet autour de Saint-Exupéry avec Joann Sfarr en 2025.

Et la succession : avez-vous des enfants déjà prêts à rejoindre l’entreprise familiale ?

T.R. : C’est très marrant, car mon fils qui va avoir 11 ans, a lui aussi toujours baigné dans Le Petit Prince. Il était un petit peu blasé sur le sujet, puis il a commencé à me voir en parler à la télé et à s’ y intéresser un peu plus. Et puis, il y a un mois, il a commencé à me réciter un chapitre entier du Petit Prince, car c’est en fait le thème du spectacle de fin d’année de son école, sur lequel il travaille avec sa classe depuis septembre. Je laisse infuser, on verra bien, il a encore le temps ! (rires)

Quel est votre rêve ?

T.R. : C’est une vaste question ! Moi, j’ai envie de continuer à faire de belles choses, à proposer de belles œuvres. On vient de faire un livre anniversaire pour les 75 ans, avec le texte original, où on a invité 32 dessinateurs de bande dessinée à rendre hommage au Petit Prince. Moi, je reste persuadé que l’habitat naturel du Petit Prince, ce sont les librairies. Du coup, je pense que son avenir sera autour du livre. Je rêve aussi d’autres jolis partenariats dans des secteurs où nous ne sommes pas encore présents. Tout ce qui touche au voyage par exemple, à commencer par de la jolie bagagerie ou de la parfumerie. Il faut que ce soit dans l’univers d’Antoine de Saint-Exupéry, à l’image de notre partenariat avec IWC, car ce sont des montres d’aviateur. J’ai toujours des idées de nouveaux produits, mais j’ai envie de les faire avec de vrais passionnés du Petit Prince. Il faut que ça ait du sens !

Propos recueillis par Valérie Loctin


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