Laurence Bourgeois a écrit son dernier livre pour les managers et les DRH en quête de solutions concrètes face à la toxicité de certains collaborateurs. Rencontre pour comprendre.
Laurence Bourgeois est diplômée en sciences de gestion et publie régulièrement sur le monde de l’entreprise. Sa vision n’est pas celle d’une consultante externe, car elle travaille depuis une vingtaine d’années au sein de services de ressources humaines dans le domaine de l’industrie, s’engageant de plus en plus dans les questions de bien-être au travail.
Dans son dernier ouvrage, elle examine à la loupe les collaborateurs « casse-pieds » en les classant en sept catégories, pour prodiguer ensuite des conseils et astuces aux managers et les aider à repérer et neutraliser ces employés pas comme les autres.
Le titre fait référence aux grains de sable : chaque grain est effectivement différent, même si à première vue, la plage semble homogène. Savoir si l’on a à faire à un l’un des G comme: « Geignard, Gétouvu, Girouette, Glandu, Grand Chef, Grobêta, ou Grognon » s’avère indispensable pour un manager.
Parmi ces différentes catégories, peut-on parler de personnalités véritablement toxiques ou plutôt de « casse-pieds » ?
Le terme de « casse- pieds » que j’ai choisi est en effet plus adapté à la plupart de ces catégories, bien qu’en termes de nuisances, chacun peut paraître peu dangereux à première vue, mais a un fort pouvoir de rendre la vie d’un manager impossible.
Par exemple, le « Geignard » peut sembler au départ simplement pénible, mais en distillant sa victimisation au quotidien, il provoque une réaction en chaîne au sein de l’équipe qui peut devenir une véritable problématique managériale. De même, le
« Gétouvu » qui sait tout sur tout engendre généralement de graves problèmes en termes de collaboration, d’esprit d’équipe
et finalement de performance collective.
La « Girouette » quant à elle est incapable de prendre une décision, change sans arrêt d’avis, et n’est donc pas fiable, ce qui rend difficile toute délégation. Dans la réalité, chaque profil apporte son lot de points noirs. Le seul dont le pouvoir de nuisance est
limité, qui n’est pas un véritable toxique est le « Grobêta », il suffit souvent d’un peu de bienveillance pour qu’il devienne un allié, voire qu’il se révèle à lui-même.
Dans votre vie professionnelle, avez-vous rencontré ce type de personnalité ?
A titre personnel, tout un chacun rencontre au moins une fois dans sa vie le casse-pied, le nuisible ou le toxique, dont
les traits de personnalité sont assez marqués pour qu’on les remarque. Cela peut arriver dans la sphère privée ou professionnelle, et dans n’importe quelle structure, qu’il s’agisse d’une entreprise classique, d’une association, d’un syndicat… et même à l’école.
Ces êtres nuisent au bien-être de l’autre, un facteur, qui dans le travail, est de plus en plus considéré comme clé, car sous-tendant la performance. Le climat qui règne au bureau ou à l’usine est un facteur de motivation, non seulement pour les jeunes générations, mais pour les salariés dans leur globalité.
Aujourd’hui, le comportement de chacun devient quasiment aussi important que l’atteinte des objectifs, ce qui n’était pas le cas par le passé. Il est vital de pouvoir passer tous ces grains de sable au tamis afin de les reconnaître et trouver des recettes pour vivre à leur côtés, et si possible prendre parti de leurs défauts en les contournant, tout en étant capable quand il le faut de faire preuve de bienveillance.
L’âge et l’expérience du manager sont-ils importants pour gérer ce type de cas ?
Il est exact que plus le manager a été exposé à ce type de cas, plus il est à même de repérer le type de personnalité qui va poser problème. Le nombre d’années d’expérience peut donc aider, notamment parce qu’il n’y a pas de formation pour les jeunes managers qui leur permettent d’acquérir des techniques sur ce sujet en particulier.
J’ai donc souhaité dans ce livre les équiper en quelque sorte de trucs, d’astuces, de méthodes pour réussir à sortir de cette ornière. Ceci est d’autant plus aisé que cela exige en réalité beaucoup de bon sens et de pragmatisme, des qualités indispensables pour diriger les autres. Il est important de savoir donner du sens à la mission des collaborateurs.
Le rôle du DRH revêt une importance capitale dans ce type de situation ?
Effectivement, travailler dans une structure de taille suffisante pour détenir un véritable service de ressources humaines est un élément facilitateur. Le DRH est le garant du comportement des employés dont la base est le règlement intérieur, ce qui peut aider le manager. Il est un service d’appui essentiel dans ce type de situation.
Evidemment, de nombreuses PME de taille modeste, ainsi que la plupart des TPE ne disposent pas d’un service RH à proprement parler. Il est alors indispensable que le manager, face à des personnes toxiques, qui peuvent devenir ingérables, puisse faire un diagnostic à partir d’éléments factuels, par exemple la répétition d’un comportement inadéquat, et non pas simplement à partir du qu’en dira-t-on.
Peut-on externaliser cette mission ?
Une autre solution consiste en effet à demander à un intervenant extérieur d’assister le manager dans son diagnostic. Dans les
cas les plus difficiles, des solutions de sortie peuvent être envisagées, à condition que le dossier soit suffisamment documenté. Evidemment, si l’on se heurte à un souci concernant un encadrant « toxique », mieux vaut se raccrocher au cadre légal, et le problème peut devenir d’autant plus aigu en cas d’absence de DRH ou de représentant du personnel, dans les entreprises de moins de cinquante personnes.