Une nouvelle usine va être lancée près de Grenoble pour produire 2 millions de pièces de métaux amorphes par an en 2025.
Les professionnels connaissent les métaux amorphes depuis les années soixante. La structure atomique de ces alliages est modifiée, ce qui leur donne des propriétés particulières, utilisées notamment dans les transformateurs électriques au départ.
Sans entrer dans les détails, l’intérêt de cette technologie est de permettre aux usines de mouler des pièces à la forme extrêmement complexe. De pouvoir les utiliser directement après moulage, ce qui n’est pas le cas pour les métaux traditionnels ; cette qualité amorphe rend les métaux beaucoup plus résistants et durables, trois fois plus que le titane. Le laboratoire SIMaP (Science et Ingénierie de Matériaux et Procédés) de Grenoble a étudié pendant une trentaine d’années les alliages métalliques amorphes.
Sébastien Gravier faisait partie de cette équipe depuis une quinzaine d’années. Il s’est passionné pour ce sujet au point de cofonder Vulkam en 2017 avec un associé, Alexis Lenain. Grâce à un nouveau procédé de fabrication développé par l’entreprise, Vulkam est capable d’obtenir de très petites pièces en métaux amorphes sans perte de matière, avec une extrême précision, de l’ordre du micron.
LES CLIENTS DE VULKAM
Sans clients, pas de business. Mais, Sébastien Gravier n’a pas eu de mal à trouver ses cibles grâce à une offre innovante et hypertechnique. Dans un premier temps, Vulkam a fait le choix stratégique de se positionner sur les petites pièces pour construire une offre à destination de secteurs à haute valeur ajoutée. Il s’agit de l’horlogerie, du secteur médical où les possibilités de miniaturisation présentent un grand intérêt, et de l’aérospatial en travaillant notamment dans les atmosphères de froid.
Un exemple intéressant de ce travail de longue haleine est la fabrication de pinces à destination de la chirurgie optique, une offre made in France nouvelle, le marché étant à ce jour monopolisé par les pays asiatiques. Sébastien Gravier a comparé cette invention à la découverte du verre, un matériau lui aussi dont la structure des atomes est désorganisée, ce qui lui confère des propriétés spécifiques. Les collaborations ont déjà commencé, mais ne concernent pour l’instant que des prototypes ou des pré-séries.
Passer à l’échelle supérieure de l’industrialisation et de grandes séries est déjà prévue, la prochaine étape indispensable étant celle des nouveaux financements, dont le premier a été bouclé.
34 MILLIONS POUR UN PLANNING SERRÉ
Il faut sans doute avoir un peu de folie en soi pour se lancer dans la création d’une nouvelle industrie dans le secteur de la métallurgie en France. Mais, le projet est on ne peut plus sérieux et cadré, à tel point que la couleur est annoncée : il s’agit de créer un futur leader mondial dans le monde de l’industrie. Il est prévu que l’usine de 3000 mètres carrés soit non seulement construite, mais aussi opérationnelle dès la fin de l’année.
Mieux encore, la première ligne doit être occupée à 100 % en 2025, soit la production de deux millions de pièces par an. Ce qui signifie que l’agrandissement est déjà planifié dans deux ans avec un doublement de la ligne de production. Si, pour l’instant, Vulkam emploie 35 personnes, dont les ¾ sont des ingénieurs, les effectifs devraient assez rapidement doubler eux aussi.
Afin de concrétiser ce programme très serré, l’équipe de direction a remporté un premier succès : la levée de 34 millions d’euros, auprès du fonds à impact Inco Ventures, de Seb Alliance, de Bpifrance (via le Fonds SPI2), de Vertech, d’un pool bancaire sans oublier les fonds historiques qui ont suivi (Supernova Invest, UI Investissement, BNP Paribas Développement et Crédit Agricole Sud Rhône Alpes Capital).
UNE LONGUEUR D’AVANCE SUR LA CONCURRENCE
Vulkam n’est évidemment pas seul sur son secteur. Cinq jeunes entreprises travaillent sur les métaux amorphes de par le monde, un petit nombre pour un marché très large. En effet, il est possible de diversifier les secteurs de clientèle, car la gamme d’applications est très large. La startup française est la plus avancée grâce au processus de fabrication de ses alliages qu’elle a mis au point et breveté.
Celui-ci lui permet notamment d’utiliser des matériaux très divers comme le zirconium, souvent utilisé dans l’univers médical, le nickel, fréquent dans le spatial, le cuivre, etc. Fabriquer des pièces et non pas simplement des métaux signifie que l’installation du process industriel est plus complexe, mais présente aussi des avantages, en créant une offre plus compétitive et dont la traçabilité est bien meilleure.
L’autre supériorité de l’offre de Vulkam est que son process de production permet des économies de matières premières de l’ordre de 30 à 50 % par rapport aux méthodes classiques de fabrication. Le nouvel acteur implanté en Isère va fabriquer ses Vulkalloys® aux propriétés hors du commun grâce à une équipe de choc et un environnement favorable. La zone grenobloise abrite, en effet, un hub international de micro et nanotechnologie de pointe.
NOUVELLE ÈRE POUR LA MÉTALLURGIE
Sébastien Gravier, le président-fondateur, est diplômé de l’École Normale Supérieure-Paris Saclay. Il est également Docteur en métallurgie, comme son associé Alexis Lenain. Vulkam est intégré dans le projet national France 2030 grâce à ses deux projets révolutionnaires VulBaM et VulFab2024. Le premier, VULkalloys Baud Machining, est porté par Vulkam et BAUD Industries (usinage de précision), avec la collaboration des laboratoires SIMaP et LAMPA (Arts et Métiers Angers) vise à former un leader mondial en matière de production de pièces en métaux amorphes, rien de moins.
Le fait de créer la pièce finale est plus complexe, mais plus compétitif et meilleure traçabilité du début à la fin. Le second vise à créer une nouvelle industrie dans le cadre de l’Appel À Projets Première Usine, via la construction d’usine de Vulkam. Ce projet répond aux enjeux environnementaux, tels que la durabilité ou la préservation des ressources naturelles, ainsi qu’aux enjeux de réindustrialisation sur le territoire français. Sur le papier, il coche toutes les cases. Reste à réussir l’exécution, c’est souvent aussi difficile.
Claudio Flouvat