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La médiation, « une voie moderne de prévention et de gestion des conflits »

La médiation d’entreprise et d’affaires est non seulement une voie d’apaisement, mais c’est aussi et surtout une solution d’écoute et de dialogue qui permet de vaincre bien des désaccords.

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La médiation d’entreprise et d’affaires est non seulement une voie d’apaisement, mais aussi et surtout une solution d’écoute et de dialogue qui permet de vaincre bien des désaccords, de solutionner nombre de conflits, voire d’éviter des procès épuisants et coûteux. Rencontre avec Marielle Planel, médiateur expert et bienveillant, pour en comprendre le fonctionnement et les bénéfices.

Quelques mots sur votre parcours. Comment êtes-vous devenue médiateur d’entreprise ?

Marielle Planel : Juriste d’entreprise pendant plus de 25 ans, puis dirigeante et administratrice d’entreprises, j’ai accompagné des dirigeants d’entreprise dans différents secteurs d’activité en entreprise multinationale et multiculturelle, comme en entreprise familiale à taille humaine : du cabinet d’avocats international (PwC) au cabinet notarial, de la construction immobilière à l’industrie de la métallurgie, du secteur de l’industrie de la santé à la distribution spécialisée. Puis je suis devenue directrice d’enseigne et juridique d’un réseau de franchise.

Cette expérience professionnelle dans le domaine de la distribution m’a confrontée à une situation de rupture brutale des approvisionnements sans délai de préavis. Dans la relation inter-entreprises fournisseur- distributeur, la médiation – dont on ne parlait malheureusement pas beaucoup à l’époque – aurait pu alors éviter le pire… Cependant, le dirigeant fondateur a estimé être en mesure de régler seul le différend avec ce fournisseur de plus de 25 années de relations commerciales.

Pour gérer toutes les conséquences (réclamations, plaintes et agressivité de plus de 1000 clients ayant versé un acompte et en attente de livraison), j’ai sollicité l’accompagnement des DDPP pour ouvrir des cellules de crise pour les 30 magasins. J’ai ainsi établi tout un itinéraire et un processus adapté. C’est là que j’ai connu et reconnu les bienfaits de la médiation. A la suite de cette expérience, j’ai donc décidé d’en faire mon cœur de métier et de m’y former pleinement.

Comment exercez-vous cette profession aujourd’hui ?

M.P. : Aujourd’hui médiateur professionnel, diplômée des DU1 et DU2 de l’Ifomène, je suis dirigeante d’entreprise, fondatrice du Centre Médiation Active situé à Valence, avec des antennes à Lyon et Paris, spécialisée dans la médiation d’entreprise, la médiation de la consommation et la médiation judiciaire, puisque je suis également expert près de la Cour d’Appel de Paris, après avoir prêté serment en janvier dernier. Je forme également de futurs médiateurs à rejoindre notre profession. Avec Médiation Active, nous intervenons à 50% auprès de grosses PME et d’ETI et à 50% auprès de petites structures, dans tous les secteurs de l’économie française.

Depuis quand la médiation existe-t- elle en France ?

M.P. : La médiation a toujours existé sous des formes et dans des domaines très variés. En France, elle a émergé à partir des années 1980 avec le développement des modes non juridictionnels de règlement des conflits, en marge des procédures judiciaires. L’ANM (Association Nationale des Médiateurs), dont je suis membre, existe depuis 26 ans.

L’Europe aussi a compris l’importance de la médiation et le Parlement européen a adopté, le 21 mai 2008, une directive portant sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale. Le développement de la médiation est d’abord apparu dans la société civile. Aujourd’hui, l’entreprise, les relations commerciales, la famille, le social, la consommation… sont autant de domaines où un médiateur est de plus en plus sollicité.

Quel est le principal intérêt de la médiation, encore trop souvent méconnue des entreprises ?

M.P. : La médiation représente, notamment dans le monde de l’entreprise, une autre voie utile et moderne de prévention et de gestion des conflits, et de résolution des différends. Elle conduit les personnes en présence à prendre conscience de leur capacité à trouver par elles-mêmes une issue au conflit qui les oppose, à restaurer un dialogue, à construire ensemble un projet. La médiation a des atouts à révéler et à développer : elle est confidentielle, libre, moins coûteuse et plus rapide qu’un procès, favorable à l’image, avec un taux de résolution et d’exécution supérieur à 80% ! De plus, un accord homologué a la même force exécutoire qu’une décision de justice.

Expliquez-nous le rôle d’un médiateur d’entreprise.

M.P. : Premièrement, par sa formation, c’est un professionnel compétent, organisé et structuré, qui adopte pleinement la posture de médiateur et suit le Code de déontologie de notre profession. Deuxièmement, par sa posture, il est en capacité d’amener les personnes à se rencontrer dans un cadre, en respectant plusieurs fondamentaux : la confidentialité (seule garante de confiance), la maîtrise du temps, la neutralité et l’impartialité.

Vous êtes donc « maître du temps » de la médiation ?

M.P. : Oui, car il existe en effet une formalité de convention d’entrée en médiation qui est « timée ». Tout le processus de la médiation est organisé dans sa forme et dans le temps. En moyenne, deux à trois mois peuvent être nécessaires, mais de nombreuses médiations se font en une ou deux journées seulement. Le principe est que chacun est libre de venir ou pas en médiation.

Quand une personne accepte d’entrer en médiation, c’est qu’elle a la volonté profonde de sortir du conflit. Nous le savons tous, un conflit est toujours lourd à porter pour toutes les parties en présence, il met en situation de stress intense. Il existe presque toujours un déséquilibre entre la perception que l’on a de ses contraintes et de ses propres ressources.

D’où l’importance de la neutralité et de l’impartialité du médiateur ?

M.P. : Tout à fait ! C’est là où la posture du médiateur professionnel est essentielle. Par sa neutralité, le médiateur ne juge pas, ne commente pas, n’arbitre pas, et il est en capacité d’inhiber ses propres émotions. Il est là pour accompagner tout le processus de la médiation avec objectivité, dans une écoute active neutre. De plus, il est impartial, je dirais même multipartial, puisqu’il l’est avec chacune des parties. Il n’est pas là pour trouver des solutions à leur place, mais pour en faire émerger de chaque partie. Le médiateur est un facilitateur, un révélateur de solutions.

Comment est rémunéré un médiateur ?

M.P. : Le médiateur d’affaires et d’entreprise travaille toujours pour une entreprise, même quand il s’agit d’un conflit entre deux salariés au sein d’une même structure. Car le salarié ne doit pas porter le coût de la médiation, même s’il s’investit dans la médiation, en dehors ou pendant ses heures de travail. C’est à ce titre que la médiation s’inscrit pleinement dans les dispositifs de bien-être au travail et de RSE des entreprises. Le coût des honoraires d’une médiation est forfaitisé et connu à l’avance, ce n’est jamais un pourcentage, et il dépend du nombre de personnes rencontrées et du temps du processus estimé.

La médiation n’a pas d’obligation de résultat, mais chez Médiation Active, nous nous mettons en obligation de moyens. Et sur tous les dossiers que nous avons suivis, nous avons toujours obtenu des accords. Le coût d’une médiation est donc très raisonnable au regard des avantages et gains qu’il apporte à l’entreprise, sans oublier qu’une médiation est toujours beaucoup moins coûteuse qu’un procès.

Les accords obtenus sont-ils écrits ?

M.P. : Il existe différentes formes d’accords : sous forme oral avec engagement moral, sous forme écrite, par un contrat ou un constat d’accord, qui peut ensuite être homologué par le tribunal, pour lui donner force exécutoire comme une décision de justice.

Intervenez-vous également en amont ?

M.P. : Oui, car les entreprises commencent à comprendre l’intérêt d’utiliser la médiation pour prévenir et ainsi éviter les conflits. A ce propos, le Groupe APICIL s’est associé à Mozart Consulting, pour créer un Indice de Bien-Être au Travail, l’IBET©, qui démontre que le mal-être au travail génère aujourd’hui pour les entreprises françaises un coût de 13 440 euros par an et par salarié. Un coût qui pourrait être évité si les entreprises faisaient plus souvent appel à la médiation. C’est pourquoi, chez Médiation Active, nous agissons aussi en prévention, en intervenant dans les entreprises pour expliquer ce qu’est la médiation et comment elle suit un processus d’intérêt individuel au service du collectif.

La médiation est finalement très proche de la psychologie et des méthodes de développement personnel ?

M.P. : En effet, puisqu’un médiateur est également là pour faire prendre conscience, aux différentes personnes, les émotions réciproques de chacune des parties qui ont généré les faits, conduit au différent et installé le conflit. Cela permet d’entendre et d’accepter ce que l’on n’a pas envie d’entendre, ce qui fait douleur en soi. C’est un outil d’écoute active, de dialogue, de développement personnel, qui permet de traverser ses émotions, pour comprendre celles des autres, pacifier les relations et passer outre certains désaccords. La médiation permet aux gens de retrouver de la confiance pour retrouver de la cohésion. Ces notions d’écoute active, de respect, de confiance, sont à la fois les valeurs centrales et les outils de la médiation.

Et la médiation judiciaire. A quel moment et comment s’exerce-t-elle ?

M.P. : Je suis pour ma part expert près de la Cour d’Appel de Paris. La médiation judiciaire peut intervenir avant toute procédure (les art. 56 & 58 du C.P.C. obligent que « toute demande en justice doit préciser les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige »), en cours de procédure (quand les parties ont conscience qu’une solution convenue entre elles est préférable à une décision imposée par le tribunal), à la fin de la procédure avant que le tribunal ne prononce sa décision (délibéré), voire même après la procédure, au moment de l’exécution de la décision rendue.

La médiation peut intervenir aussi bien dans cadre d’une procédure de référé qu’au fond, en premier instance, ou en appel. Les parties font choix d’un commun accord d’un médiateur, et dans l’hypothèse d’un accord, peuvent le faire homologuer par le juge compétent pour lui donner force exécutoire comme une décision de justice. La médiation s’introduit à tous les niveaux. C’est donc toujours une bonne solution et elle n’arrive jamais trop tard !

Avez-vous un message essentiel à faire passer aux dirigeants d’entreprises pour conclure ?

M.P. : Déjà, qu’ils n’aient pas peur de faire appel à un médiateur, car c’est pour eux une façon de se protéger, tout en restant toujours pleinement libres de leurs choix et de leurs décisions finales, et en étant certains que leur dossier restera confidentiel. Le médiateur est là pour les accompagner, pour faciliter et restaurer le dialogue, pour les aider à résoudre tous les types de différends et de conflits, tout en réalisant de réelles économies de temps, de stress et d’argent.


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