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La laïcité et la République sont-elles encore compatibles ?

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La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS

La France éternelle, silencieuse et laborieuse, assiste incrédule à la désaffection des citoyens pour la chose publique et au recul des pouvoirs publics sur les sujets les plus préoccupants de leur vie quotidienne.

Alors que nombreux sont les femmes et les hommes qui œuvrent dans nos régions, avec la conviction qu’il faut plus d’humanité, de solidarité et d’équité dans notre société et qui, dans le secret de provinces et de régions rurales perdues, se battent pour défendre les valeurs fondamentales de notre civilisation, les Français, pris dans leur ensemble, assistent, démobilisés aux attaques menées contre ce qui a toujours constitué les valeurs de leur pays.

On parle parfois de l’opposition entre la France d’en haut et la France d’en bas, ce n’est ni la seule, ni la plus dangereuse pour notre avenir. Il y a aussi l’opposition sournoise entre les citoyens qui s’investissent pour leur pays et pour leurs proches, et ceux qui profitent, qui critiquent et qui laissent le pays s’enfoncer dans un égoïsme dépourvu de morale. Le contraste vient souvent aussi de l’opposition philosophique entre le pays profond et les mentalités qui se sont développées dans les grosses agglomérations et notamment dans certains quartiers dont la République s’est retirée.

Tout n’est pas perdu pour autant, et les exemples intelligents sont heureusement nombreux dans nos territoires ! On voit, ça et là, des engagements citoyens, par exemple pour faire revivre l’agriculture raisonnée ou Bio, les commerces locaux et les services, ou les centres médicaux, qui sont la parfaite démonstration qu’il existe toujours une France humaine et responsable, fondée sur une République laïque et solidaire.

Les citoyens français sont inquiets, ils craignent la disparition de leurs valeurs ancestrales, de leur mode de vie hérité de leurs parents, des goûts et de l’esprit de notre nation. Ils sont, en effet, témoins de la régression des idées républicaines au sein de la société et ce, dans bien des quartiers et des régions. On en a des exemples récents déplorables qui ne font que cristalliser les réflexes racistes et xénophobes, et la volonté de prise de contrôle de nos valeurs par certains religieux extrémistes en est une criante illustration.

Mais le rejet des valeurs républicaines vient parfois d’ailleurs, comme le montrent le désordre institutionnel, la faillite des élites, l’égoïsme et l’individualisme élevés au rang de vertus cardinales dans un quotidien médiocre, ou le mépris de certains climato-sceptiques face aux dégâts induits par le réchauffement climatique. L’ordre est comme la nature, il a horreur du vide. Et si la nation ne s’aime pas elle-même, qu’elle n’est plus l’objet de commémorations, qu’elle ne se redresse pas, et si la fierté d’être français ne se manifeste finalement que quand l’équipe nationale gagne, et encore, alors il ne faut pas s’étonner que les minorités agissantes s’engouffrent dans notre désunion ou notre désintérêt, et trouvent ailleurs les étendards et les raisons de faire corps, puisque l’on n’offre plus rien d’enviable à leurs yeux.

La réponse incertaine à ceux qui renient les idées républicaines

Deux exemples nous ont particulièrement choqué. Début juin 2023, à Valence, dans la Drôme, des écoles, primaire et élémentaire, ont été fermées pour la journée à la suite du droit de retrait exercé par le personnel enseignant, après que des parents d’élèves avaient été violemment « pris à partie » par des individus devant le portail de l’école.

À la demande de la Préfecture, une compagnie de CRS a été déployée aux abords des deux écoles, du fait des « comportements menaçants de groupes d’individus » dont il y a lieu de croire qu’ils se sentaient dérangés dans l’organisation de leurs petits trafics locaux. Des interpellations et des perquisitions ont été menées et les forces de l’ordre ont eu mission d’assurer une présence rassurante aux abords des établissements scolaires ».

L’école de la République doit demeurer et demeurera un sanctuaire !

Or, on n’oublie pas que quelques jours auparavant, on avait appris que des prières musulmanes étaient organisées dans des écoles de Nice, puis que des incidents impliquant une bande de collégiens avaient eu lieu dans d’autres quartiers de la ville. Des adolescents avaient pénétré dans une église et s’étaient aspergés d’eau bénite tout en criant l’habituelle acclamation musulmane « Allah Akbar », ce qui signifie seulement « Allah est le plus grand », mais qui porte désormais la connotation des attentats islamistes qui ont meurtri la France en plusieurs occasions.

Certes, la très grande majorité des musulmans de France n’est pas concernée par de telles pratiques et cherche avant tout à réussir son intégration dans la République. Toutefois, laisser faire ou dire de telles choses dans notre État laïc et républicain est « intolérable ». L’utilisation de ce substantif est choisie à dessein, car dans un pays dont les valeurs sont fondées sur la tolérance, il est un moment où, à trop « permettre », c’est le laxisme qui prend le pouvoir. La tolérance, dont certains se gargarisent en traitant les autres de racistes et de conservateurs, suppose avant tout qu’elle soit mutuelle. Sans tolérance mutuelle, il n’y a plus de tolérance, et c’est la loi de celui qui crie le plus fort qui devient La Loi de tous !

La seule religion de notre pays, c’est la République, laïque, solidaire et indivisible. Et, rappelons-le, la laïcité repose sur trois principes, la liberté absolue de conscience et celle de manifester ses convictions, mais dans les limites du respect de l’ordre public, la séparation des institutions publiques et des organisations religieuses, et l’égalité de tous devant la loi quelles que soient leurs croyances ou leurs convictions. La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs convictions. Elle assure aussi bien le droit d’avoir ou ne de pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir, et même de blasphémer, voire de caricaturer. Car oui, au pays de Voltaire, on a inventé la caricature anticléricale à une époque où le pouvoir de l’église était pourtant immense.

La Laïcité garantit le libre exercice des cultes et la liberté de religion, mais aussi la liberté vis-à-vis des religions. Il s’agit-là d’un point important, personne ne peut être contraint par le droit au respect de dogmes ou de prescriptions religieuses. La laïcité suppose donc la stricte séparation de l’État et des organisations religieuses. L’ordre politique institutionnel est fondé sur la seule souveraineté du peuple des citoyens, et l’État ne régit pas le fonctionnement interne des organisations religieuses.

On déduit de ce principe de base que l’État est neutre, ainsi d’ailleurs que les collectivités et les services publics. La République laïque assure ainsi l’égalité des citoyens face au service public, quelles que soient leurs convictions ou leurs croyances. La laïcité, qui est un principe constitutionnel, n’est donc pas une opinion parmi tant d’autres, mais le symbole de la liberté d’en avoir une. Elle n’est pas une conviction, elle est un principe qui garantit la liberté de conscience, l’égalité de tous les citoyens quelle que soit leur croyance, la neutralité de l’État à l’égard des religions et le libre exercice des cultes, dans le respect de l’ordre public.

Ces principes n’empêchent pas, cependant, certains imams de France de rappeler les obligations des pratiquants afin qu’ils veillent à l’accomplissement des prières à leurs heures, quitte à s’éloigner des écoles qui ne le leur permettent pas, dans le but de sauvegarder leur religion. Car pour eux, la prière est le socle de l’islam et que tout ce qui en détourne ne peut être permis !

Pour ce qui concerne les incidents qui se sont déroulés à Nice, le maire de la ville a dénoncé des atteintes à la laïcité en faisant état du fait que des élèves de primaire auraient été aperçus alors qu’ils faisaient des prières musulmanes dans leurs établissements. Les parents d’élèves jugent que ces attitudes, même commises pendant la pause-déjeuner, ne devraient pas rentrer dans l’école, et que celle-ci doit rester laïque. Le recteur de l’Académie de Nice, comme le ministre de l’Éducation nationale ont annoncé l’ouverture d’une enquête administrative. Toutefois, en réponse, le recteur de la Mosquée de Nice a affirmé que : « Aucun imam n’a appelé des enfants à faire la prière à l’école » !

Parallèlement, des personnalités connues pour leurs convictions musulmanes et leur attachement aux valeurs républicaines, sont intervenues dans le débat. Madame Latifa Ibn Ziaten, par exemple, qui explique combien elle est choquée et inquiète et condamne avec fermeté cette violation de la Charte de la laïcité à l’école. À chaque fois qu’elle en a l’opportunité, elle cherche à transmettre sa vision du vivre-ensemble et de la laïcité grâce au témoignage de son parcours. C’est aussi ce que demande l’Imam de la ville de Drancy, Hassen Chalgoumi, qui est régulièrement l’objet de menaces du fait de ses position républicaines et laïques, qui explique que derrière ces actes, ce sont les Frères Musulmans qui s’activent. « Sans les Frères musulmans, tous les musulmans seraient des frères », dit-il !

L’ancienne ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, actuelle présidente de l’ONG One est revenue sur les événements de Nice et rappelle qu’elle a fait du respect de la laïcité un combat à mener. Elle a précisé : « Il faut être assez ferme avec ce type de provocation » ! Comme tout républicain convaincu, elle a rajouté : « Ça appelle de la fermeté, des sanctions s’il le faut » !

Mais comment faire respecter les principes fondamentaux de notre État de droit, si les pouvoirs publics sont prisonniers d’accords économiques et commerciaux avec des États qui financent les mouvements et les associations, parfois terroristes, qui ont trouvé refuge dans notre pays et gangrènent le système.

La réponse incertaine des élites

Et pourtant, quelques jours à peine après l’événement inacceptable des prières musulmanes dans deux écoles niçoises, on apprend qu’une bande de collégiens est venue perturber la sérénité de l’église Saint Roch, dans un quartier est de la ville. Les adolescents ont pénétré dans le lieu de culte en fin de matinée et se sont aspergés d’eau bénite tout en criant, comme on l’entend si souvent en de pareilles circonstances « Allah Akbar » ! Mais quelle sera la prochaine provocation contre nos valeurs profondes ?

Cette information, qui émanait du premier adjoint au maire délégué à la Sécurité et a été confirmée rapidement par des sources médiatiques concordantes, est prise au sérieux. On attend désormais, dans les instances communales, une réponse ferme au niveau du conseil départemental, dont on sait qu’il assume la gestion des établissements secondaires comme les collèges. Ceci est d’autant plus nécessaire qu’il faut faire montre de fermeté depuis les différents attentats islamistes qui ont si cruellement frappé la population niçoise et plus récemment, spécifiquement la communauté chrétienne de la Basilique Notre-Dame. Il est donc très traumatisant pour la population, y compris musulmane, d’assister à de tels provocations commises au sein d’une église et de revivre le souvenir douloureux des jours de deuil. Il s’agit, de toute évidence, de tentatives de déstabilisation et de tests à destination de la société, certes commises par des adolescents, mais orchestrées par des groupes, à la fois décidés et organisés, et il ne faut pas traiter à la légère cette multiplication d’attaques menées contre notre République laïque.

Une fois de plus, l’État et les pouvoirs publics doivent se départir d’un immobilisme coupable et la société doit se rassembler pour apporter une réponse forte et collective.

Depuis des décennies, l’État, quel que soit le gouvernement en place, se retrouve piégé d’avoir bradé les richesses du pays contre des accords avec les fournisseurs de gaz ou de pétrole. Parallèlement, les accords passés dans le même but avec certaines association étrangères représentant une infime partie des musulmans de France, ou les négociations bancales portant sur la formation des imams qui, notamment dans certains départements d’Ile-de-France, prêchent contre les valeurs républicaines, et rendent la parole étatique inaudible, quand ce n’est pas tout simplement impure.

Et partout où l’État et les pouvoirs publics montrent leur faiblesse, le respect de la loi se fissure et progressivement, se désagrège. Depuis plusieurs années, l’exemple venu d’en haut n’est plus à la hauteur des valeurs de notre démocratie. À titre d’exemple, il faut revenir sur l’image déplorable que le gouvernement, mais aussi le parlement, ont donné du débat sur la réforme des retraites durant tout le premier semestre de l’année 2023. Nombreux sont ceux qui pensaient à juste raison qu’une réforme était nécessaire. La façon dont les débats se sont organisés, ou ont été escamotés, ne pouvait que desservir le projet et susciter la colère populaire.

Qu’adviendra-t-il, après l’été, lors de la rentrée parlementaire, quand le débat portera sur le thème de l’immigration ? Le projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration a été déposé au Sénat en février 2023. La commission des lois a adopté le texte après l’avoir modifié et son examen en séance, initialement prévu à compter de la fin mars, a été reporté par le Gouvernement.

Pour maîtriser les voies d’accès au séjour et lutter contre l’immigration irrégulière, la commission des lois a notamment prévu de mettre en place des quotas migratoires, de durcir les conditions permettant le regroupement familial, de contrôler plus strictement l’immigration étudiante et de réduire l’aide médicale d’État à une aide médicale exclusivement fondée sur l’urgence. Ces premiers axes de réflexion ont tout lieu de préparer les Français à des débats qui risquent de s’avérer houleux.

Comment l’opinion publique se manifestera-t-elle, dans la suite logique des oppositions populaires, politiques et syndicales qui ont eu cours dans le cadre de la réforme des retraites ? On peut, en effet, dans notre démocratie représentative, s’interroger sur l’accueil qui sera réservé à ce projet de loi, si l’on repart sur une procédure législative qui ne se conclue pas par un vote réel ? Une procédure législative où le parlement est une simple chambre d’enregistrement. S’agissant de la réforme des retraites, l’opposition populaire et l’intervention constructive des syndicats n’ont jamais été réellement entendues. Au mieux, elles ont débouché sur des fins de non-recevoir, agrémentées de tous les faux-fuyants possibles, notamment sur la prise en compte réelle des oppositions.

Les débats, sur le gain supposé de la réforme et sur les économies à attendre en termes budgétaires, ont parfois frisé le ridicule, compte tenu des modifications du projet provoquées par la prise en compte d’amendements ou de « cadeaux » fiscaux. Le summum aurait été atteint ces derniers jours si l’on en croit l’information faisant état d’erreurs ayant comptabilisé deux fois les mêmes moins-values.

La diffusion de telles anomalies tend à minimiser l’impact réel d’une réforme qui paraissait incontournable. La « montagne » aurait-elle accouché d’une « souris », alors que six mois de manifestations populaires ont coûté fort cher à la collectivité, mais aussi aux grévistes et à leurs familles, qu’ils ont causé des dommages irréparables en termes économiques, mais aussi en termes de confiance des citoyens dans la sincérité de leurs élus.

Il est parfois vain de se lancer dans des comparaisons et d’évoquer dans la même chronique des sujets aussi différents que le comportement des élites, les attaques contre la démocratie, et d’autres sujets qui troublent la vie citoyenne de notre pays. Mais il me semble que ces différentes questions ressortent des mêmes déviances, la perte de morale citoyenne, la dérive égocentrique globale des sociétés capitalistes, l’abandon de la valeur « travail » face à la recherche de profits financiers immédiats, la digitalisation à peine maîtrisée par des générations mal formées, etc.

La réponse globale et citoyenne

Et dans ce cadre, on peut rajouter une préoccupation globale qui entretient la peur générationnelle d’un changement climatique pouvant à terme aboutir à la disparition de l’humanité !

L’initiative citoyenne nait d’une envie d’agir, d’une idée, d’une proposition qui a trouvé un terreau fertile pour se développer. Nos territoires ne manquent pas de telles initiatives et disposent souvent de lieux pour les accueillir, mais il faut disposer de compétences affirmées, de beaucoup de temps « citoyen » et mettre en place des méthodes nouvelles répondant aux besoins et aux attentes des habitants. Pour cela, il est nécessaire de définir des alliances entre ces derniers et les institutions.

Il faut donc mettre en place des moyens humains et financiers, disponibles pour ces seules initiatives, sans oublier de les accompagner de solides structures de gouvernance. Il faut alors formaliser le projet, le transformer en actions et le financer, il faut aussi le structurer administrativement et juridiquement.

Les outils numériques bien compris, les IA et autres technologies avancées seront nécessairement de puissants leviers de participation citoyenne, des outils destinés à servir la cause de la démocratie participative, si elle est utilisée à bon escient et non pour promouvoir une idéologie archaïque et sectaire.

Bernard Chaussegros


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