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La France et l’économie de l’armement : qui veut la paix prépare la guerre ?

Le président français Emmanuel Macron avec des soldats lors du salon de la défense et de la sécurité terrestre et aéroterrestre Eurosatory, au parc des expositions de Paris-Nord Villepinte, en France, le 13 juin 2022. Photo de Jacques Witt/Pool/ABACAPRESS.COM

La France est devenue le 3e exportateur d’armement sur la période 2017-2021, selon le rapport de référence du Stockholm Institute (Sipri). Un marché en plein « boum » qui ne cesse de croître selon le Figaro économie (mars 2022). Et qui semble vouloir croître.

  • En 2021, les commandes à l’exportation des entreprises françaises de défense ont atteint leur troisième plus haut niveau historique, soit 11,7 milliards d’euros, selon le rapport annuel du ministère des Armées. Les auteurs du rapport notent que ces chiffres s’inscrivent dans un contexte international marqué par la guerre en Ukraine et le maintien de la lutte contre le terrorisme dans plusieurs régions du monde. (Source Statista).
  • Avec une part de 45 % du total des exportations d’armement, l’Europe supplante en 2019 le Moyen-Orient comme premier client de l’industrie de défense française, selon le ministère des armées.
  • Sur la période 2015-2019, les ventes d’armes augmentent de 5,5 % dans le monde. Le marché français de l’armement est lui en augmentation de 72 % par rapport à la période 2010-2014, plaçant la France au troisième rang mondial avec 7,9 % des exportations mondiales. (La dépêche du midi)

Les pays qui soutiennent l’Ukraine se sont engagés à verser 108 milliards d’euros d’aide militaire, financière ou humanitaire, selon les données publiées le 7 décembre 2022 par l’Institut Kiel pour l’économie mondiale. La France, quant à elle, portait son aide globale à l’Ukraine à 2 milliards de dollars contre 1,7 milliard en mai 2022, soit 300 millions de dollars supplémentaires sur cette seule année (284 millions d’euros). « Ce nouvel apport ne concerne pas le volet militaire », avait précisé l’Élysée dans ses déclarations faites aux médias.

Sur le site de la présidence française, Moldavie et Ukraine sont à l’honneur sur le portail numérique du chemin des dieux. Les millions tombent du ciel. Espérons que les malheureuses victimes de guerre pris sous l’averse financière auront des sacs et des poches. « Et ces millions tombent loin des caisses de retraite », dira l’homme de la rue, en manifestant contre les réformes en cours et par là, en comparant son âge de départ à la retraite avec celui de son espérance de vie. « Rien à voir », dira l’économiste averti.

Il apparaît pourtant, en faisant une recherche rapide sur le Net, que ces chiffres grandiloquents annoncés par la présidence ne tiennent pas compte dans le détail, des aides de fonds privés et d’entreprises françaises, qui contribuent à exacerber ce rayonnement politiquement saugrenu du pays, voulu par la Macronie. Parce que présenté du point de vue humanitaire et idéologique, tout cela apparaît comme une banqueroute annoncée. Depuis Napoléon, et surtout depuis les emprunts russes, l’on reste méfiant avec la Russie dans le pays.

Alors, il est bon de noter que la France est le plus grand exportateur d’armes vers l’Ukraine entre 2014 et 2020, avec plus de 1,6 milliard d’euros d’armes fournies (source le Monde & le Parisien). À savoir aussi que le conflit Russo-Ukrainien ne date pas d’hier, et surtout pas de 2021. Et que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les terrains de jeux des superpuissances furent nombreux de par le globe, et donc aussi en Europe. L’Afghanistan et la Corée, c’est de l’exotisme. La Tchécoslovaquie et la Pologne, du romantisme. Mais l’Ukraine, c’est du concret.   

Dans le contexte actuel, où aux prises avec l’inflation (5.2 % selon l’INSEE en janvier 2023), particuliers et entreprises rivalisent de conjonctures hasardeuses, de décisions aux conséquences aléatoires, dans une situation où les syndicats sortent de leurs léthargies et récupèrent les pancartes dans les placards faute de pouvoir en acheter de neuves, dans un climat social où les fondamentaux et les acquis sociaux de la Ve république semblent remis en question, de la retraite à la sécurité sociale, des allocations aux droits des chômeurs, en passant par l’existence des boulangeries et la mise à mal de notre baguette de pain national, que penser du chiffre de « 2 milliards » quand on vit avec moins ou même avec 1353 euros net par mois ?  

Ce chiffre se traduit immédiatement dans la rue par : « 2 milliards « français » donnés. 2 milliards pour l’Ukraine. Rien pour nous. Alors que le carburant augmente honteusement, que le caddy de supermarché devient Rolls-Royce, que le paquet de cigarettes est à 10 euros, et qu’une Renault Clio neuve coûte 17800 euros pour le modèle de base en 2022 contre 9800 euros en 2011 (source Argus) ». Comment faire passer la pilule auprès du « petit peuple », en plus de la facture ?

Voyons maintenant ce que la France livre en armement, de ce que l’on en connaît, malgré la transparence et le « non tabou » argué par Macron ce mois-ci, et essayons de nous projeter autrement que par le biais des titres des journaux, dans le monde des Dux Bellorum. Et, aussi, si vous le permettez, essuyons délicatement la larme qui perle à l’œil de La ménagère de plus ou moins 50 ans quand elle regarde les infos en épluchant ses oignons. La France a fourni à l’Ukraine : des hélicoptères, des drones de reconnaissance, des armes et des équipements liés à la marine, des systèmes de ciblage, des munitions de divers calibres, des systèmes de conduite de tir, des équipements de défense (non spécifiés), ceci avant l’invasion du pays par les troupes russes.

À partir du 24 février 2022, l’assistance militaire est confidentielle, il est presque impossible d’en connaître le détail exact (et non, ce n’est toujours pas tabou), mais elle inclurait selon différentes sources et informations relevées (Le Monde, Le Figaro, La Tribune, Marianne, BFM…) : des équipements de défense qui auraient une valeur d’environ 120 millions d’euros. Parmi lesquels des équipements de protection, des carburants, des systèmes optiques infrarouges, des munitions, du renseignement et des observations satellites (CSO, Pléiades et Helios). Entre autres « cadeaux ».

Et n’oublions pas la généreuse contribution française au programme européen d’aide militaire à l’Ukraine avec la fourniture « généreuse » de Missiles antichar types Missiles MILAN, Missiles Javelin, Missiles Akeron…

Et ce n’est pas fini, comme le dit la célèbre chanson, car « Quand l’artilleur de Metz défile, le gouvernement tout entier est au balcon » : 24 obusiers automoteurs 155 mm Caesar ainsi que des milliers d’obus, 15 obusiers TRF, 2 lance-roquettes unitaires. Pour clore le défilé, offrons-nous maintenant un meeting : 2 systèmes de défense sol-air Crotale R-400, des systèmes portatifs de défense antiaérienne (MANPADS), des Missiles Mistral…

Et pour aller au bal, il faut des carrosses, c’est bien connu depuis les aventures nocturnes de Cendrillon : des véhicules blindés de transport de troupes (environ 60 VAB, environ 30 AMX-10RC, 20 ACMAT Bastions, des Camions TRM 2000, des camions GBC 180, des voitures Peugeot P4). Pour la mise éventuelle en fourrières des engins russes, est donné aussi : un nombre inconnu de mines antichars HPD2A2. L’Ukraine détient aujourd’hui, grâce aux contributions de plusieurs nations, le triste record du pays le plus miné au monde. Et je vous fais gré des fournitures du génie militaire. Des fournitures usuelles (tentes, couvertures, etc.), des fournitures médicales, des groupes électrogènes, de l’informatique, de la téléphonie, de la nourriture… Des centaines de milliers de tonnes d’aides française et international ont cheminé vers l’Ukraine.

Mais alors, chère madame Michu, chère téléspectatrice assidue des chaînes d’informations en continu, en réalité, ces 2 milliards, sont-ils investis ou dépensés pour la bonne cause ?

La bonne cause étant bien évidemment de défendre un peuple martyr contre l’affreux ours russe et les hordes chinoises déguisées en touristes qui déferlent sur leur territoire.

Et ces prêts, dont la France se porte garante, qu’elle est leurs rentabilités pour les banques françaises et européennes ?

L’Ukraine ne passe-t-elle pas pour être le grenier à blé de l’Europe ?

C’est à se demander de quoi est faite cette farine, d’ailleurs.

Pour conclure, est-on ici et aujourd’hui, sur de la générosité mégalomaniaque d’un gouvernement français déjà condamné par l’histoire, où sommes nous réellement dans le vieil et immuable affrontement idéologique Est/Ouest ?

Où sommes-nous tout simplement en plein business ?

Quant à ces féroces soldats, ils ne font rien que mugir dans nos campagnes européennes…

Yoann Laurent-Rouault
Co-auteur de « Bourse de Paris : 10 grands patrons, 10 grandes histoires », chez JDH EDITIONS


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