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Interdiction de louer les appartements classés E, F et G : quelles conséquences en plus de réduire considérablement les stocks de logements disponibles ?

Michel Platero, président fondateur de l’Institut Janus

Rencontre avec Michel Platero, ancien président de la FNAIM du Grand Paris et spécialiste du logement.

Entreprendre : Nous vivons une situation critique en matière de logement et nouveau ministre, Patrice Vergriete, maire de Dunkerque. Qu’aimeriez-vous lui dire ?

Michel Platero : Tout d’abord le féliciter pour sa nomination au ministère du logement qui a besoin de beaucoup de changements et lui dire aussi que j’espère qu’il pensera d’abord aux Français en prenant ses décisions.

Ensuite je lui dirais que je connais bien Dunkerque, et je lui parlerai notamment des immeubles en brique pleines qui sont nombreux et qui sont particulièrement énergivores. Il le sait, les changements peuvent et doivent avoir lieu mais ils prennent du temps et nécessite une véritable anticipation.

Le marché tendu du logement ne peut pas se permettre de réduire encore son offre. Nous ne pouvons pas nous retrouver dans la même situation que pour dans le cas des centrales nucléaires qui ont été fermées au moment où on avait le plus besoin d’électricité. 

Il doit examiner l’interdiction de louer les appartements classés E. F et G car le calendrier sur la rénovation énergétique a été fait trop vite. Il faut inverser le calendrier, c’est-à-dire faire d’abord isoler les parties communes des copropriétés habitées par des résidents et des locataires et ensuite s’attaquer aux logements individuels. Pourquoi ?

On manque de logements, en particulier dans les zones denses. Aujourd’hui lorsqu’un professionnel publie une annonce pour un studio, il peut recevoir plus de 500 demandes pour un seul appartement. Et c’est notamment le cas pour les étudiants qui cherchent des petites surfaces, qui sont particulièrement désavantagées par les méthodes de calcul du DPE. Par exemple, un deux pièces de 26 M² dans un immeuble en briques pleines a de fortes chances d’être classé G. Ca implique des travaux à prévoir pour le bailleur, soit changer des fenêtres, prévoir l’aération des pièces, changer le cumulus électrique, les radiateurs, vous ajoutez l’isolation des murs côté rue ou façade (qui engendre une perte de surface habitable), l’électricité, la peinture et vous obtenez un investissement d’environ 20 000 euros. Le montant est disproportionné par rapport au loyer perçu et il est impossible pour lui d’augmenter son loyer car dans la plupart des cas ils sont bloqués. Et les aides, notamment ma PrimeRenov’ ne permettent même pas de couvrir 20 à 30 % du montant des travaux.

Mais ce n’est pas le plus grave.

Avec le programme actuel dans deux, trois ou quatre ans, les copropriétés devront, selon le nombre de lots, prévoir un PPT (Plan Pluriannuel de Travaux) et un DTG (Diagnostic Technique Global) incluant l’isolation des parties communes, à savoir : le toit ; les plafonds hauts des caves, changement de chaudières au fioul ou au gaz et parfois isoler la façade par l’extérieur.

Et Lorsqu’une une façade sera isolée par l’extérieur nous feront certainement face à « un point de rosée ». Qu’est que cela veut dire ? Lorsque vous fermez les fenêtres de votre véhicule et que vous êtes encore à l’intérieur, au bout d’une minute vous avez de la buée qui apparait et qui peut produire des gouttes d’eau.

C’est ce qui se passera si un bailleur fait des travaux d’isolation sur le mur intérieur de la façade de l’immeuble. Il sera obligé de retire l’isolation faite à l’intérieur, une fois l’isolation extérieur réalisée, soit une double peine pour le bailleur…

Le nombre des transactions est en baisse mais pas les prix. Pourquoi ?

C’est vrai que beaucoup de professionnels souffrent depuis quelques mois, en particulier ceux qui n’ont pas pu baisser les charges fixes, et les mandataires qui sont souvent moins formés que les professionnels en agence ou en bureaux. Je pense que nous n’atteindrons pas 900 000 transactions cette année. Les crédits ne vont pas baisser et l’état ne veut pas que les propriétaires occupants puissent déduire les intérêts pendant quelques années. Les taxes foncières explosent dans certaines villes et vont décourager les investisseurs privés car les travaux à venir pour les copropriétés sont trop importants selon les résidences. Donc la rentabilité se rapproche de zéro dans les régions denses, et l’investissement immobilier n’attire plus les investisseurs. Les banques tiennent compte des travaux à venir et sont très restrictives pour les dossiers de crédit.

Je tiens d’ailleurs à passer un message aux vendeurs : baissez vos prix de vente de la valeur du montant des travaux à prévoir.

Enfin, il faut retirer en urgence l’encadrement des loyers, le permis de louer pour les professionnels, et surtout l’IFI pour les logements mis en location, sinon l’état sera responsable du désastre du manque de logements.

On observe un manque de logements classiques ainsi que des logements sociaux. Quelles sont les pistes à suivre pour éviter ce phénomène ?

Il faut revoir les durées du système Airbnb, et nous aurons plus de logements disponibles pour nos travailleurs. Il faut construire des logements sociaux entièrement financés par les organismes sociaux qui peuvent utiliser le bail à construction ou le bail solidaire qui permet d’autofinancer les logements à 100 % avec les loyers perçus (pour les intermédiaires). Le bail à construction permet également au commun des mortels de construire mais il est très peu souvent utilisé. Il faut revoir le ZAN qui est inadapté en cette période. Il faut également punir les Maires qui n’utilisent pas 100 % du PLU, et trouver le moyen de construire plus haut dans les zones denses, par exemple au-dessus des centres commerciaux.

L’Etat n’a plus d’argent. Comment peut-il générer plus de logements ?

Tout d’abord les prévisions de recettes liées aux travaux de rénovations sont estimées à plus de 600 milliards d’€uros

Les bénéfices des sociétés de rénovations sont de l’ordre de 20 à 25 %, soit 120 milliards d’euros donc un IS de 30 milliards d’euros auquel on ajoute la TVA qui est à 5, 5 % aujourd’hui, et qui devrait passer à 10 %, soit un total de 60 milliards de TVA. Donc 60 + 30 = 90 milliards d’euros de recettes sur les travaux à réaliser. Cet argent pourrait servir à prendre en charge la totalité des travaux énergétiques pour les propriétaires qui sont dans les deux premières tranches d’impôts de zéro et 11 %.

Ensuite comme les aides sont en inadéquation avec la réalité des travaux exigés, un crédit d’impôts de 50 % pour les tranches supérieures à 11 % étalé sur 2, 3 à 4 ans selon le montant, devrait être envisagé.

Cela simplifiera les aides et surtout poussera tous les propriétaires à réagir, car là ils sont bloqués.

Aimeriez-vous ajouter quelque chose pour conclure ?

Dans le sud de la France ; on recense beaucoup de résidences secondaires qui ne sont utilisées que 1 ou 2 mois dans l’année. Elles ne produisent presque aucune émission de CO2. Pourquoi l’état veut-il obliger les propriétaires de ces résidences secondaires à faire une isolation qui ne sert à rien ?  Cela est facilement vérifiable avec le montant des factures d’électricité.

Gouverner c’est prévoir, et surtout ne pas agir inutilement. Nous ne pouvons pas retirer du pouvoir d’achat aux français ou retirer des logements au moment où nous en avons le plus besoin.

Propos recueillis par Etienne Tang


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