Par Rémy Thannberger, avocat, ancien président de Manurhin
La crise, on le sait, va impacter durement les forces vives de notre économie et notamment nos PME et ETI indépendantes, souvent très endettées et qui auront du mal, a fortiori dans le contexte de la crise ukrainienne, à faire face à leurs engagements ; à moins de les renégocier à des conditions acceptables.
Si tel n’est pas le cas, bon nombre d’entre-elles se verront imposer par leurs créanciers (notamment les banques et parfois l’État) des plans de recapitalisation qui se traduiront souvent, par l’éviction des actionnaires historiques, notamment familiaux.
Ces cas commencent, hélas, à se multiplier, sans qu’une différence de traitement n’apparaisse, entre une entreprise récente et une entreprise plus ancienne, quand bien même cette dernière aurait-elle créée, pendant plusieurs décennies, des richesses et des emplois et, accessoirement des recettes fiscales et sociales pour des montants souvent considérables.
Sans doute serait-il juste pourtant que, dans ce cas, les pouvoirs publics veillent davantage à ce qu’une deuxième chance soit plus systématiquement accordée aux dirigeants-actionnaires d’entreprises, notamment familiales, plutôt que de les punir (lorsqu’aucune faute de gestion ne leur est imputable), en les expropriant.
D’abord parce qu’il n’est pas toujours garanti qu’une reprise créée davantage de richesse qu’elle n’en détruise (je dispose de quelques exemples) et que les dirigeants de ce type d’entreprises connaissent souvent parfaitement leurs produits et leurs marchés, ce qui peut se révéler précieux s’il s’agit de surmonter un cap momentanément difficile. Naturellement, les entreprises concernées devront faire leur examen de conscience et moderniser leurs pratiques, quitte à ouvrir partiellement leur capital et renouveler leur gouvernance, pour davantage de transparence.
Ensuite et surtout, parce que l’Etat à intérêt à veiller à la diversité des profils qui constituent notre appareil productif, et notamment que subsistent, dans l’intérêt de notre Économie, des entreprises patrimoniales et familiales ambitieuses.
C’est ce qui précisément fait la force de deux de nos voisins.
Outre leur dynamisme à l’export, on le sait, le capitalisme allemand et le capitalisme italien, se caractérisent précisément encore aujourd’hui par l’importance en nombre, d’entreprises de taille intermédiaire, très souvent contrôlées par leurs dirigeants et par les familles de ces derniers.
C’est hélas moins en moins le cas en France, où l’on déplore depuis quelques décennies, le fait que nos entreprises indépendantes, soient de taille généralement inférieure à leurs homologues d’outre Rhin et transalpines, et où se pose chaque année davantage, la question de leur transmission.
De multiples raisons expliquent cette différence, qui se traduit également en terme de performances économiques et de parts de marché à l’export, domaine dans lequel hélas, nous brillons insuffisamment.
Sauf à considérer précisément, que nombres de nos champions à l’export, sont précisément des entreprises familiales. Les exemples ne manquent pas et ce, dans de nombreux domaines.
Faut-il y voir un lien ? Peut-être.
On explique à intervalles réguliers que les Midcaps, résistent souvent mieux en période boursières troublées, que les très grandes entreprises dont le capital, est très largement disséminé. On leur prête à juste titre, d’être gérées d’une manière souvent plus prudentes, dès lors que leurs dirigeants, sont aussi leurs principaux actionnaires, et donc que leur patrimoine est directement impacté par leurs performances.
Or il est important que notre écosystème soit également et effectivement composé d’entreprises qui, par nature, s’inscrivent dans le temps long. Qui n’a pas en tête les exemples des LVMH, Hermès, Bénéteau, Ricard et autres Bolloré qui, il y a 40 ans, n’étaient encore souvent que des PME ?
Ce qui vaut pour nos entreprises en général, est également valable pour notre BITD (base industrielle et technologique de défense). Que serait-elle sans la locomotive Dassault à l’export, entreprise familiale s’il en est, et toutes ces PME et ETI qui la composent ?
Bon nombre d’entre-elles occupent des niches, parfois improbables mais ô combien précieuses, qui consolident nos positions dans la compétition internationale impitoyable que nous vivons.
Gageons que la DGA et son nouveau Délégué général Emmanuel Chiva, seront particulièrement attentifs à ces équilibres, afin qu’il n’y ait pas, des start-up aux grands groupes, de brèche, même invisible à l’œil nu, dans la coque du navire France.
Rémy Thannberger, avocat, ancien président de Manurhin, est diplômé de l’IHEDN