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Fnac Darty, deux marques légendaires à l’heure des grandes mutations

Enrique Martinez, Directeur général du Groupe Fnac Darty

Pour Enrique Martinez, aujourd’hui Directeur général du Groupe Fnac Darty, les deux marques résistent bien à l’inflation mais doivent sans cesse innover pour rester dans la course. Entretien

Face à l’évolution du commerce et devant les nouvelles habitudes de consommation, vous attendez-vous à de gros changements dans les années qui viennent ?

Enrique Martinez : Oui ! Le commerce évolue sans cesse, nous en sommes les premiers acteurs. Fnac-Darty a toujours accompagné et anticipé les mutations de la société. Nous avons la chance de disposer de deux enseignes très populaires avec 40 millions de clients dont les attentes sont de plus en plus précises. Leur forte appétence pour le digital nous conduit à rester très actif sur ce sujet depuis plus de 20 ans. Nous sommes aussi très attentifs à la pression écologique, nous en sommes personnellement conscients, elle s’accentue chaque année. C’est désormais une nécessité vitale, nous nous engageons pour nos clients en renforçant nos innovations et en inventant de nouveaux services.

C’est-à-dire, des services qui n’existaient pas ?

Ce qui est marquant, c’est la forte croissance des produits dits de seconde vie ou reconditionnés. Ils répondent à une nécessité environnementale et à une raison économique. L’inflation pousse les consommateurs à regarder les articles de « seconde main » plutôt que de s’offrir du neuf. Les clients sont également conscients qu’une consommation durable est nécessaire. L’an dernier, nous avons atteint 100 millions d’euros de chiffre d’affaires avec ces produits rénovés, réparés et remis en vente. C’est une progression de 40%. Et cela devrait encore progresser en 2023. Cette consommation plus responsable est une volonté de nos clients, phénomène nouveau et vertueux.

Et tous ces produits sont garantis ?

Oui, et comme les prix sont entre 30 et 40% moins chers que le neuf, c’est une source d’économie en période d’inflation.

Et comment répondez-vous aux abus de l’obsolescence programmée qui obligent à jeter un produit au bout de 5 ans pour en racheter un neuf ?

Nous avons toujours été les promoteurs de la réparation. Nous sommes d’ailleurs le premier réparateur de France. En 2022, nous avons remis dans le circuit 2,3 millions de produits contre 1,6 million en 2019 ! Et là aussi, c’est une économie pour le consommateur. Il est de notre devoir de prolonger la vie des équipements ménagers en veillant à mettre en rayons des produits de qualité, des produits plus durables…

Nous avons toujours milité pour la réparation systématique et travaillons avec nos partenaires industriels pour que les produits soient réparables le plus longtemps possible. Cela passe notamment par la disponibilité des pièces détachées. Depuis sa création, Darty s’est toujours distingué par son service après-vente, l’un des aspects les plus forts de sa marque de fabrique. Cette excellence dans le service bénéficie désormais à toutes les enseignes de notre groupe.

Voulez-vous dire que le pouvoir d’achat et l’environnement ont modifié vos plans ?

Ces deux thèmes majeurs ont toujours été nos priorités : le pouvoir d’achat avec la maîtrise des prix et la responsabilité sociale et environnementale. Cette exigence a marqué notre histoire : nous ne travaillons qu’avec des grandes marques très engagées sur le plan éthique. Nous avons également développé notre propre label « choix durable » pour aider nos clients à se repérer et à acheter des produits dont nous savons qu’ils tombent moins en panne.

Darty est-il impliqué dans le recyclage actif ?

Nous récupérons chaque année 50 000 tonnes de produits. Certains sont recyclés lorsqu’ils sont hors d’usage, d’autres sont remis en état par nos différents partenaires en vue de les offrir à des œuvres sociales. Il y a aussi des équipements qui sont réparés et remis en vente.

Et le digital vous oblige aussi à vous adapter ? À réduire peut-être un jour la taille des magasins ?

Le modèle du futur, c’est l’omnicanal. On choisit dans les magasins et on achète sur Internet. On a des équipes très bien formées et c’est l’intégration des deux canaux qui crée la performance. Ceci est vrai pour Darty comme pour la FNAC. Cela signifie que nos points de vente seront toujours mieux adaptés aux évolutions de la consommation. Selon les régions, les villes, les densités de population, les points de vente ne seront pas forcément plus petits mais mieux adaptés en fonction des lieux.

Et comment se positionne la FNAC dans cet univers ?

La FNAC est une référence culturelle en France. Nos 5500 conseillers sont des militants de la culture. Nous organisons près de 2000 événements culturels par an dans nos magasins. Nos libraires ont leur prix littéraire avec le prix du Roman Fnac, nous organisons également chaque année le plus grand festival de musique gratuit à Paris. Nous sommes engagés sur ce terrain depuis la création de l’enseigne. FNAC, c’est une vente sur 2 en biens culturels. A cela s’ajoutent les produits technologiques avec les ventes d’ordinateurs. 1 PC sur 3 en France est vendu par la FNAC, nous avons également de fortes parts de marché en smartphones et jeux vidéo.

Tous les magasins sont-ils rentables ?

Nous avons 1000 magasins et ils ont très bien résisté aux difficultés liées à la crise covid. Le réseau est déjà bien adapté aux besoins du digital.

Le mariage FNAC-DARTY fonctionne-t-il comme prévu ? La mayonnaise a-t-elle pris ?

Cela fait déjà sept ans que l’intégration a eu lieu. Les clients sont très attachés aux deux marques. Il y a un vrai savoir-faire qui est reconnu. Au même titre que Nature et Découvertes qui est dans notre groupe avec son statut original d’entreprise B Corp (certification de développement durable Ndlr) faisant référence dans son secteur.

La montée au capital de Daniel Křetínský : cela change quoi pour Fnac-Darty ?

Notre actionnaire possède aujourd’hui une participation importante, mais la gouvernance de notre groupe reste à ce jour inchangée. C’est toujours un bon signal d’avoir des investisseurs comme Daniel Křetínský qui s’intéressent au secteur de la distribution. Le commerce a besoin d’être soutenu, c’est un secteur qui a du se réinventer post covid et qui fait face à de grands bouleversements.

La montée au capital de Daniel Křetínský va accompagner notre stratégie en soutenant  nos nouveaux projets.

Cela signifie qu’il n’y aura pas de changement dans le management ?

Non, il n’y a pas de changement dans la gouvernance.

Les Français ont-ils encore suffisamment de pouvoir d’achat pour consommer comme avant ?

Il est vrai que nous vivons une période inédite et nous payons la crise covid avec son impact très fort sur les habitudes d’achat. Le consommateur doit faire des choix, il fait des arbitrages, surtout en France où les clients sont très sensibles aux prix. Maintenant, nous vendons des articles dont on ne peut pas se passer tant ils sont essentiels à notre vie quotidienne. Nous sommes donc moins touchés. D’ailleurs, notre chiffre d’affaires a peu bougé, porté fortement par les produits culturels et les produits technologiques. Il n’y a pas eu d’arbitrages à la baisse.

Vous ne notez pas de recul dans les dépenses des Français ?

Nous avons publié nos résultats pour le premier trimestre et ils nous confirment une stabilité. Nous notons une petite baisse des volumes de ventes et une petite hausse des prix. Ce n’est donc pas l’effondrement annoncés par certains.

Est-ce qu’à terme, le regroupement de FNAC et de DARTY ne s’imposerait-il pas ?

Cela peut paraitre complexe de gérer ces deux marques, voire même trois avec Nature et Découvertes, mais nous pensons que toutes nos marques  ont une réelle valeur et de vraies spécificités à faire valoir à nos clients qui leur sont d’ailleurs très fidèles.

Face à la concurrence de plus en plus vive, pourrez-vous toujours maintenir le concept « Darty, les prix » ?

Nous maintenons cette identité car Darty reste synonyme de choix et de prix compétitifs couplés à  des services essentiels pour le consommateur. Et finalement, ces principes n’ont pas changé depuis 70 ans, date de création de cette entreprise par les frères Darty. Les clients comprennent que le prix c’est bien mais qu’avec le service c’est encore mieux. Le succès de notre abonnement Darty Max le confirme : nous avons de plus en plus de clients qui s’abonnent pour que Darty assure un entretien régulier de leur équipement.

FNAC et DARTY sont deux grandes enseignes historiques françaises, peuvent-elles percer à l’étranger ou dans les DOM-TOM ?

Nous sommes déjà présents avec 1000 magasins dans de nombreux pays européens comme la France mais aussi la Suisse, l’Espagne, le Portugal, la Belgique et le Luxembourg. Nous nous développons aussi en Tunisie, au Qatar, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Congo au Sénégal sous forme de franchises… Et nous sommes présents aux Antilles, oui, l’international nous intéresse. Tout cela peut être un axe de développement et de croissance pour nous. 

Ce seraient des surfaces de taille plus modeste ?

Nous voulons développer des points de vente plus petits comme ceux déjà présents  dans certains centres-villes en France. Nous avons déjà de très bons résultats avec ces formats.

Avec Internet, le magasin physique ne risque-t-il pas de disparaitre ?

Je suis convaincu du contraire. Nous voulons conserver les interactions entre clients et vendeurs. Actuellement, trois quarts des ventes se font encore dans des magasins physiques et  un quart sur le Net. Nous avons donc encore une bonne marge de manœuvre avant de voir la bascule vers le tout digital. Personnellement, je ne crois pas aux ventes à 100% sur Internet. La société actuelle a besoin d’échanger avec le vendeur. Ce qui va changer, c’est la part du service que nous sommes en capacité d’offrir à nos clients en cela le digital accompagné de l’humain est très performant, je dirais même qu’il est de plus en plus nécessaire.

DARTY et FNAC seraient plus tournés vers le service à l’avenir ?

Oui, c’est une réelle transformation stratégique pour notre groupe que nous avons initié il y a déjà plusieurs années avec  « Darty Max » pour les abonnements à la « réparation ». Nous proposons également des services d’aide à la vie numérique (assurance, cyber sécurité) avec le « Pack Sérénité ». Nous avons développé le savoir faire de nos vendeurs sur cette prescription de service qui n’est pas la même que celle des produits.

Pourquoi n’offrez-vous plus le champagne si on trouve un meilleur prix ailleurs que chez Darty ?

C’était un joli coup marketing. Mais les temps ont changé car les prix sont désormais facilement vérifiables sur Internet.  Tout est transparent, tout est contrôlable. Autrefois, on devait rassurer les clients et l’idée du champagne était une manière de fêter la victoire sur le prix ! Un coup de maitre en termes de communication !


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