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Florence Robin (Limatech) : « Pour créer son entreprise, il faut être un peu fou ou passionné ! »

En Isère, la start-up Limatech lancera fin 2023 la fabrication de ses nouvelles batteries au lithium destinées à l'aéronautique. Un défi technologique mené par Florence Robin, fondatrice de l'entreprise.

Entreprendre - Florence Robin (Limatech) : « Pour créer son entreprise, il faut être un peu fou ou passionné ! »

Le lancement de Limatech s’est fait en famille ?

Florence Robin : Mon oncle a fait toute sa carrière au CEA, il travaillait entre autres sur les batteries lithium, et a créé et homologué son propre ULM. Il me montrait ses innovations, et j’ai commencé par monter une micro entreprise sur des feux de navigation pour ULM, vendue l’an dernier, puis Limatech. Pour créer une batterie, il faut de la mécatronique, soit de l’électronique, de l’informatique, de la mécanique. Nous sommes donc trois cofondateurs, mon oncle, moi-même et Maxime di Meglio, le directeur général. Deux autres associés nous ont rejoints, Luc Pouyadou (directeur technique) et Aurélien Gilbert pour la finance.

Quels sont les défauts du lithium ?

Le risque d’incendie des batteries lithium est la conséquence d’un emballement thermique. C’est la raison pour laquelle les avions commerciaux ne sont pas équipés de ces batteries. Notre innovation permet de maitriser ce risque grâce aux travaux conjoints du CEA et de Limatech. Une batterie lithium Limatech peut ainsi démarrer un avion treize fois d’affilée au lieu de cinq seulement pour les batteries lithium existantes et de trois fois pour les anciennes batteries. Ceci a été testé le 13 janvier dernier sur un Beechcraft et des hélicoptères. Notre innovation permet d’utiliser la totalité de la puissance de la batterie, contrairement à celles d’aujourd’hui qui ont un seuil limitatif pour éviter cet emballement.

Quelle est votre cible actuelle ?

Limatech propose des batteries basse tension pour démarrer les moteurs thermiques dans un premier temps de gros hélicoptères ou de petits avions de lignes comme les ATR ou les Falcon. Nous achetons les accumulateurs au lithium, tout le reste est de notre ressort, notamment l’adaptation aux normes pour l’obtention des différentes certifications, nous travaillons sans cesse sur les prochaines. Ces normes sont très exigeantes. Par exemple, il existe 47 tests en aéronautique contre 9 seulement en automobile.

Vous avez signé un premier contrat ?

Nous avons la chance d’avoir des clients qui viennent nous rencontrer. Nous avons signé un premier contrat avec le distributeur OemServices, une joint-venture Thales, Safran, Liebherr et Diehl qui opère sur un territoire mondial, elle peut gérer les questions de stockage et logistique en plus de la vente aux compagnies aériennes. D’autres contrats sont en négociation, mais encore sous embargo. Pour accompagner la croissance, nous allons installer 3 nouvelles lignes industrielles en trois ans, nous disposons de terrain autour de la nouvelle usine. Aujourd’hui, nous travaillons sur une ligne pilote certifiée qui produit 3 batteries par jour. Nous visons 130 millions de chiffre d’affaires en 2028 avec 30 000 batteries annuelles et 180 millions en 2030 avec 42 000 batteries par an.

Quels sont vos concurrents ?

Nous avons six concurrents, cinq Américains et un Français, Saft, filiale de Total Énergies qui fabrique surtout des batteries nickel et cadmium pour l’aéronautique.

Êst-ce difficile d’être une femme industrielle ?

J’avais de grandes difficultés scolaires, car je souffrais de dyslexie sans que cela ne soit diagnostiqué au départ. Mes parents ne comprenaient pas ce qu’il se passait, je ne pouvais pas suivre le cursus général. Ma mère cherchait à comprendre, je voulais absolument aller au lycée. En allant au Forum des Métiers à Lyon, j’ai découvert la mécanique et j’ai adoré. Personne n’était d’accord avec cette orientation, ni mes parents, les parents de mes amies, les conseillers d’orientation… Finalement, je suis allée dans un lycée technique, nous étions deux filles et au début nous ne pouvions pas toucher aux machines contrairement aux garçons, seulement les laver !

Mais en l’espace de cinq ans, je suis passée de dernière de la classe à première régionale en BTS et cela m’a encouragée à tenter l’école d’ingénieur du CNAM. Et j’y suis arrivée. Mais quand j’ai créé la microentreprise, cela a recommencé, tout le monde m’a conseillé de ne pas me lancer, car mon oncle était chercheur et que je n’avais pas le profil classique d’un créateur d’entreprise dans ce domaine. Peu importe, aujourd’hui, Limatech est dans une année charnière et ces obstacles du passé permettent d’affronter et surmonter les obstacles bien plus importants de la vie d’entrepreneure. On dit que pour créer son entreprise, il faut être un peu fou ou passionné. Ou les deux…

Propos recueillis par Anne Florin


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