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Erwan Menthéour — Jean-Pascal Pham-Ba : « La réponse à la demande de bien-être durable n’existe pas aujourd’hui »

Jean-Pascal Pham-Ba et Erwan Menthéour

Erwan Menthéour est un ancien champion cycliste, aujourd’hui auteur, journaliste, entrepreneur et lanceur d’alerte sur les questions de bien-être et d’environnement. Jean-Pascal Pham-Ba est un ancien avocat, devenu serial entrepreneur éthique, avec une forte appétence pour les questions énergétiques. Avec leurs associés Patrick Guérinet et Maxence Noël, ils lancent Mentors, une expérience hybride pour le moment unique en France, qui aspire à devenir le leader européen du bien-être durable. Ils ont répondu aux questions d’Entreprendre sur leurs parcours respectifs, leurs objectifs et leur vision globale pour le futur de la planète.

Entreprendre – Vous avez chacun des parcours professionnels et personnels très différents. Mis à part votre goût partagé pour l’entrepreneuriat, qu’est-ce qui vous a motivés à lancer Mentors ?

Erwan Menthéour : Beaucoup de choses. Tout d’abord, nos parcours — très différents en effet et c’est une grande richesse — et nos longues années d’expérience nous ont conduits au même diagnostic. Que l’on parte de la pleine santé, qui interroge l’alimentation, la production alimentaire et l’impact de ces activités sur l’environnement, ou que l’on parte de la production d’énergie, qui interroge les transformations du monde qu’elle permet et les types de sociétés qu’elle implique, le constat est le même : nos modes de vie dits « modernes » sont nocifs pour l’individu (explosion des maladies chroniques, burn-out…), les sociétés (crises des systèmes sociaux, complotismes, effondrement des liens sociaux…) et la planète (dont on sait les limites sans être capable d’en tirer la moindre conséquence sérieuse). Nous produisons en masse des maladies chroniques physiques et mentales au travers de systèmes qui décomposent les sociétés, qui surexploitent et polluent les environnements.

Jean-Pascal Pham-Ba : Au-delà de nos expériences entrepreneuriales complémentaires, je crois que nous partageons aussi un humanisme révolté, qui n’a sans doute jamais été autant d’actualité. Camus nous rappelle à quel point la condition de l’Homme est absurde dans un monde qui lui est indifférent : écosystèmes biophysiques évidemment, mais aussi écosociaux, régis par leurs dynamiques propres. Mais Camus nous dit aussi : « Je me révolte, donc nous sommes ». La révolte est non seulement la seule attitude éthiquement possible, mais c’est la seule qui fait société. Il nous invite à l’action concrète et pour nous, aujourd’hui plus que jamais, le geste fondateur est celui du soin cher à notre amie Cynthia Fleury dont les travaux inspirent beaucoup notre projet. Mentors est un projet de soin qui part de l’individu pour aller vers le collectif.

Vous avez pleinement conscience de vous insérer sur un marché déjà très concurrentiel, où se multiplient les applications dédiées au bien-être, au sport, à la méditation, au yoga ou encore aux enjeux écologiques. Quelles sont la promesse et la valeur ajoutée de Mentors pour vos futurs utilisateurs, par rapport à l’écosystème déjà existant ?

Erwan Menthéour : Nos sociétés « modernes » ont une approche étrange de la santé. Avant la maladie il y a un grand espace d’un état de non-maladie, dans lequel la société nous permet, voire nous incite avec des moyens d’une puissance inouïe, à faire à peu près n’importe quoi avec notre corps, notre esprit et notre temps. Ceci au nom d’une certaine définition de la liberté et du plaisir qui, comme la croissance, n’auraient aucune limite.
Tout l’effort porte sur la maladie qui, pour ceux qui ont un mode de vie occidentalisé, résulte précisément en grande partie, de ce mode de vie. Presque rien n’est fait pour la prévenir, c’est-à-dire éduquer, guider, accompagner l’exercice de la liberté et du plaisir, autrement dit le bien-être.
Certes, dans l’offre actuelle, il existe littéralement des centaines de milliers d’applications qui s’intéressent de près ou de loin à notre santé dans ses différentes composantes, et des milliers de devices qui captent en permanence des données de santé, mais il n’existe aucune offre qui en fasse la synthèse de manière cohérente grâce à une intelligence artificielle performante.

Le niveau de méconnaissance de notre propre corps est révoltant, alors même que toutes ces connaissances existent et sont mises en œuvre de manière très pointue pour les sportifs de haut niveau. Il en est de même du fonctionnement des écosystèmes. La science existe, nous ne cessons de le rappeler, mais les moyens pour chacun de la mettre en œuvre concrètement manquent. C’est toute cette science que nous voulons mettre au service de tous avec Mentors et permettre à chacun avec une approche hautement personnalisée et cohérente, de se sentir vraiment mieux dans son corps, sa tête, sa société et son environnement. Pouvoir être objectivement fier d’agir pour soi et pour le vivant, concrètement, c’est notre promesse.

Jean-Pascal Pham-Ba : Je crois que la demande à laquelle nous répondons — celle du sustainaible wellbeing, le bien-être durable — est aujourd’hui sans réponse. Mentors est la première « sustainable welltech », l’outil hybride individuel et collectif d’une transition possiblement heureuse, d’une utopie réaliste.
Et c’est une tech française et européenne porteuse de valeurs et d’une exigence éthique et sociale forte, en particulier en matière d’usage des données personnelles et d’impacts. Dans les dix prochaines années, sous la pression du réel écosystémique comme économique, c’est l’ensemble de la population qui sera conduite à se poser la question de son bien-être durable. À cette échelle, seule une technologie éthique permettra de gérer la transition de manière individualisée, sans contrainte. Notre stratégie est de développer dès maintenant cette technologie pour en faire profiter le plus grand nombre le plus tôt possible.

Nos « concurrents » — ils ne le sont en réalité pas du tout — proposent chacun dans leur spécialité des solutions plus ou moins efficaces, mais qui impliquent pour les utilisateurs une approche « en silo » d’eux-mêmes. C’est ce dont souffrent nos sociétés du fait notamment de l’hyperspécialisation qui fait perdre de vue l’ensemble. Il est pourtant évident que la qualité de ce que nous prenons, de notre environnement, qu’il s’agisse de ce que l’on mange, boit, respire… aura une influence sur notre corps, notre mobilité, notre activité.
Ceci aura une conséquence sur notre stress, notre curiosité, notre vitalité, qui auront à leur tour une influence sur la façon dont on réagit aux évènements, nos sensibilités, le choix de nos lectures, de films, ce qui impactera alors le choix de nos amis, notre comportement avec les autres, notre sensibilité à l’environnement, etc. Tout est lié. Mentors, c’est faire ce lien.

Dans une tribune publiée dans L’Express, vous appelez chacun à reprendre le contrôle de soi comme un préalable essentiel à la transition vers une culture globale du respect de la planète. Ne craignez-vous pas que la stratégie des « petits gestes individuels » soit insuffisante eu égard aux grands enjeux climatiques qu’évoquent la communauté scientifique et une partie de la classe politique ?

Erwan Menthéour : Il n’y a pas de « petits » gestes individuels. Il n’y a que des gestes dispersés. C’est pourquoi Mentors se positionne en plateforme de consommation durable. On peut ainsi à la fois canaliser tous ces petits gestes de consommation vers les meilleurs produits et services pour le bien-être de nos membres, mais aussi permettre à ceux qui les fournissent de s’organiser plus efficacement et investir pour pouvoir mieux répondre à la demande et offrir des alternatives crédibles et plus économiques.

Jean-Pascal Pham-Ba : Il est nécessaire que les consommateurs, les salariés, les citoyens, les épargnants que nous sommes adressent un message clair sans lequel ni les États, ni les entreprises, ni les banques ne pourront changer. Sans quoi ces institutions risquent de prendre une direction qui ne sera pas celle espérée.
Si l’on se place de leur point de vue, elles font face à une multitude de signaux — élections, marché, mouvements sociaux, tendances — plus ou moins contradictoires et ne savent pas quoi en faire. Il n’y a plus beaucoup d’institutions intermédiaires structurées — ONG, syndicats, partis politiques… — susceptibles d’élaborer des signaux, laminés par l’individualisme et les réseaux sociaux. La force des communautés sur les réseaux est de canaliser sans contrainte géographique la voix de chacun sur des sujets très ponctuels autour de hashtags.
Mais, trop souvent, elles se défont aussi rapidement qu’elles se sont faites. Ici encore, Mentors se positionne à l’interface. En partant du bien-être individuel et en le positionnant comme un phénomène social et environnemental, Mentors, comme beaucoup de ces nouvelles entreprises de la transition, participe à la structuration des petits gestes qui font changer le monde.

Vous lancez, en parallèle, une revue trimestrielle au format bookzine. Souhaitez-vous, en quelque sorte, vous lancer dans un combat culturel et politique pour diffuser vos idées dans une temporalité politique complexe ?

Erwan Menthéour : Nous sommes très fiers de Génération Mentors que nous avons lancé avec Patrick Guérinet en avril 2021. Il porte les valeurs d’indépendance et de respect qui nous semblent être à la base de toute relation de confiance. Les retours que nous avons sur les trois premiers numéros sont élogieux et les abonnements progressent. Il est vrai que la période est politiquement complexe. Nous sommes à un carrefour civilisationnel, l’anthropocène. Comme le dit Edgar Morin, il va nous falloir apprendre à naviguer dans un océan de complexité.
Génération Mentors, comme l’ensemble du projet, vise à prendre du temps pour soi et de la hauteur pour tenter d’avoir les idées claires et des solutions pratiques au niveau individuel. Quand on apprend à conduire, on nous explique que si l’on perd le contrôle du véhicule, il ne faut ni regarder là où on va taper, ni dans le rétroviseur, mais là où l’on veut aller. C’est également le cas ici. Entre toutes les dystopies possibles, de Matrix à Mad Max, il y a un monde vivable à inventer ensemble. Il est vivant, il est digital, il est hybride.

Jean-Pascal Pham-Ba : Ce magazine est la toute première brique d’une expérience hybride, à la fois digitale et réelle, que nous voulons offrir à nos membres. L’idée est assez simple : nous nous sommes demandé ce qui contribuait au bien-être des personnes et ce qui l’affectait. Nous nous sommes rendu compte qu’en quelques années seulement, le digital avait pris une place très importante dans la vie des gens — plus encore avec le COVID — et que cette vie était source de bien-être comme de mal-être. Prenant acte de ce que non seulement le digital fait partie de nos vies, mais en est une composante clé, nous avons voulu offrir une expérience continue, « seamless » comme on dit, où l’on apporte tous les outils pour aider nos membres à atteindre leurs objectifs de bien-être et d’impact — motivation, pratique, mesure — sous différentes formes — médias, coaching digital et humain, sociabilité digitale et dans la vie réelle, place de marché et de manière économique. Et cette expérience, nous allons la déployer tout d’abord en France puis très rapidement dans les grandes zones linguistiques et culturelles européennes.

Quel serait, dans l’Histoire, le modèle de la femme ou de l’homme idéal, selon Mentors ? Celle ou celui qui pourrait nous inspirer pour mieux vivre collectivement en société et être pleinement acteur de la cité et individuellement ?

Erwan Menthéour : Il ne peut y avoir une seule figure. Les inspirations sont multiples. Elles nous viennent de partout, et de toutes les époques. Et surtout de tous. Bien sûr il y a les grandes figures historiques, personnages célèbres, mais aussi des oubliés de l’Histoire dont le message présente aujourd’hui une grande actualité. Et puis il y a tous celles et ceux qui aujourd’hui, concrètement, face à l’adversité d’un monde qui n’en finit pas de mourir, prennent soin des autres et du monde et dont la pensée et l’action nous laissent à voir un monde souhaitable.

Jean-Pascal Pham-Ba : Nous pouvons être les mentors les uns des autres, nous avons tous quelque chose à apprendre à quelqu’un d’autre, un bon conseil à donner, une vérité à partager. C’est pour cela que Mentors est au pluriel. C’est nous tous.


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