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Entreprises : il est indispensable de pratiquer un vrai dialogue social

Si, comme c'est souvent le cas en Allemagne, vous soignez, même à un moment où tout va bien et que vos résultats sont bons, vos échanges et relations avec le Comité d'entreprise et ses délégués, vous finirez par établir des relations de confiance et mettre en place, en cas de difficultés économiques, une base pour des solutions s'apparentant à du "donnant-donnant".

Entreprendre - Entreprises : il est indispensable de pratiquer un vrai dialogue social

Et si, en plus, vous avez respecté dans le passé un équilibre raisonnable dans la distribution des profits de l’entreprise, entre dividendes des actionnaires et niveau et augmentation des salaires et primes au personnel – vous partez sur de bonnes bases pour négocier en période de difficultés des concessions avec les délégués des salariés : adaptation du temps de travail, chômage technique et même baisse temporaire de certaines parties du salaire et des avantages – à rattraper obligatoirement une fois la situation meilleure. Surtout si, en termes de rémunération, vous commencez par donner l’exemple vous-même en baissant vos revenus comme ceux des autres membres du Comité de Direction.

 Mais malheureusement, en France ce type de relation ne se trouve que rarement, et les relations avec les délégués du personnel et les syndicats sont beaucoup plus idéologiques et conflictuelles. Car beaucoup de dirigeants français n’ont pas encore compris que les relations sociales font partie des facteurs clés de succès…et pas des éternels problèmes. Et ainsi, dès que les résultats deviennent mauvais et qu’une restructuration devient inévitable, y compris au niveau des effectifs, les relations se tendent, les antagonismes se renforcent jusqu’à des manifestations et des grèves souvent dures et accompagnées de virulences. Alors comment s’en sortir ?

Convaincu que le dialogue social en France est largement perfectible, j’ai consacré à ce sujet un petit essai entier, « Vous avez dit dialogue social ? »[1], inspiré de mes expériences françaises mais également allemandes, et riches en conseils et règles que je préconise en la matière.

 Tout d’abord, ne commencez jamais par présenter un projet de plan – de réorganisation, de réduction des effectifs et des mesures d’accompagnement – déjà largement finalisé sans que vous n’ayez pas préalablement consulté, comme le prévoit la loi, les organisations représentatives du personnel. Ces dernières peuvent, en cas d’infraction, directement vous attaquer auprès de l’Inspection du Travail ou en justice.

 Puis, dans vous pourparlers, ne soyez jamais impatient et ne donnez jamais l’impression d’être pressé. Restez toujours disponible et ne fermez jamais la porte à de nouvelles négociations. Surtout ne vous enfermez jamais de façon ultimative dans une position d’une « c’est notre dernière proposition, à prendre ou à laisser ».

 Conduisez des réunions de négociations constructives et « ordonnées »: pas d’excès de langage, surtout côté Direction, pas d’échauffourées, y compris entre syndicats, et, en cas de dérapage, ayez recours à une ou plusieurs suspensions de séance, même à 3 heures du matin, pour calmer les esprits…

 Côté Direction, respectez pendant les pourparlers une discrétion absolue sur leur contenu, leur avancement et les points de blocage, surtout vis à vis des médias…et demandez la même chose aux organisations syndicales. C’est dans l’intérêt de tout le monde !

 Par contre, communiquez intensément et quotidiennement directement avec l’ensemble du personnel par le biais d’assemblées générales, convoquées à chaque fois que vous le jugerez utile (pas grave, que les syndicats ne vont pas voir d’un bon œil votre offensive en matière de communication, qui conduira forcément à une présence plus faible à leurs propres réunions…).

 Restez calme et ne surréagissez jamais, même dans les cas, fréquents mais sans véritable importance, de quelques incidents du type d’une usine ou d’un entrepôt bloqué temporairement, de quelques pneus brulés, de tracts belliqueux et menaçants – tout en restant vigilant et en empêchant, par contre, toute détérioration infligée à l’outil de travail (alors à réprimander sur le plan juridique).

 Enfin, visez un accord juste et équilibré, sans gagnant ni perdant, et évitant surtout aux organisations syndicales, mais également à l’encadrement, de perdre la face vis à vis du personnel – qui aurait alors tendance à se questionner, qui dirige vraiment l’entreprise ou à croire que ses intérêts sont mal défendus. Car la pire des situations est celle où le personnel commence à s’occuper directement et de façon incontrôlable de son sort.

 Et si, par malchance ou impossibilité de trouver un accord, vous ne pouvez pas éviter une grève d’une partie ou de l’ensemble du personnel, invitez régulièrement tout le monde à retourner à la table des négociations et annoncez clairement qu’en aucun cas vous ne paierez les jours non travaillés…quitte à étaler les pertes de salaire des grévistes, souvent douloureuses, sur une période plus longue.

 Et une fois de plus, ayez vous-même et au niveau de l’ensemble du Comité de Direction et de l’encadrement supérieur un comportement exemplaire : accessible, compréhensif, « humble », avec la volonté de participer humainement et financièrement aux contraintes de la période difficile.

 Et acceptez de maintenir les pratiques traditionnelles de l’entreprise dans quelques domaines socialement très sensibles et peu onéreuses, confirmant qu’il y a bien un lendemain : comme le recrutement d’apprentis, quelques investissements indispensables et le soutien à des œuvres sociales locales… Et continuez à aider matériellement les personnes les plus vulnérables ou rencontrant un vrai problème au sein de votre personnel.

 Enfin, c’est peut-être également le moment pour ouvrir le capital de votre entreprise, dans des conditions très favorables, à l’ensemble de vos collaborateurs. Ce qui changera totalement leur attitude vis-à-vis de l’entreprise et leur comportement.


[1] Le Bord de L’Eau, 2018

Axel Rückert
Expert des relations franco-allemandes, Axel Rückert est un chef d’entreprise allemand et ancien consultant au sein du cabinet de conseil McKinsey & Company.

Il est l’auteur de Sauve qui peut sait






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