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Crise : comment faire face à la peur ?

Entreprendre - Crise : comment faire face à la peur ?

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Par Catherine Muller

Au bout de près d’un an de privations et de restrictions de toutes sortes, comment les Français voient-ils la suite des événements ? C’est la question qu’est allé leur poser Harris Interactive, et le moins qu’on puisse dire, c’est que le moral n’est pas au beau fixe ; 60% d’entre eux, en effet, pensent que la situation ne va pas s’arranger en  2021, année qui ne sera pas, selon eux, bien meilleure que 2020.

Il faut remonter à l’année 2011, avec les attentats de Charlie Hebdo, pour que l’opinion publique française affiche un tel niveau de pessimisme, et ce fait est aussi observé hors de nos frontières! Les mêmes sondages faits dans d’autres pays donnent des résultats analogues ; ainsi, chez nos cousins du Québec, l’espoir d’un été sans Covid-19 s’amenuise et la moitié d’entre eux ne pense pas que la pandémie sera enrayée d’ici là, même s’ils ont envie de croire que les vaccins peuvent sensiblement améliorer la situation. Pour les Américains, comme pour les Britanniques et même certains Allemands,  les handicaps qui pèsent sur leur  vie quotidienne sont vécus comme une source considérable de stress.

Globalement, les êtres humains se sentent comme pris au piège, et ne sont pas convaincus de s’en sortir vite et sans dommage. C’est une situation très anxiogène qui actionne dans notre cerveau des connexions très particulières que les neurobiologistes appellent « le circuit de la peur ».

Le circuit de la peur

Le circuit psychobiologique de la peur, c’est en fait un poste de guet, et son fonctionnement  ressemble beaucoup à celui du  Poste de Contrôle de la circulation de Paris. Les rues de la capitale sont surveillées par des caméras, connectées à un mur d’écran situé dans un sous-sol de l’île de la Cité, et nous, nous observons notre environnement grâce à nos cinq sens, reliés à nos différents cortex sensoriels.  Dans les deux cas, les informations ainsi recueillies sont stockées avant d’être traitées ; ce qu’enregistre les caméras l’est sur un disque dur, et ce que nous percevons par l’ouïe ou la vision l’est dans une petite zone de notre cerveau,  en forme d’amande, d’où son nom d’ « amygdale » ;  elle fait partie du système limbique, situé dans les profondeurs, en quelque sorte les sous-sols, du cerveau !

Les agents en poste devant les écrans constituent le centre opérationnel, tout comme l’amygdale constitue le nœud central du circuit neuronal de la peur. En cas d’activité anormale, l’agent va appeler son superviseur pour le prévenir, et l’amygdale va envoyer un message, via une hormone, l’adrénaline,  vers une autre partie du système limbique, nommée « hypothalamus », qui trie et vérifie les informations.  Dans les deux cas, cette action va déclencher un branle-bas de combat, en fonction de l’urgence estimée par le régulateur de service. Dans le PC circulation, le responsable décidera d’envoyer une voiture de patrouille pour intervenir immédiatement, ou missionnera des inspecteurs en civil pour une enquêter. Le cerveau, lui, s’il y a extrême urgence, enclenchera la « voie basse », essentiellement faite de réflexes, donc directe et rapide, mais aussi parfois très imprécise et sujette à erreurs ; si la situation semble moins catastrophique, il mobilisera la « voie haute », qui remonte jusqu’au cortex cérébral, donc prend plus de temps, mais inclut une première analyse des faits et arrive à des conclusions plus sûres.

Contre-offensive dans la savane

Imaginons la situation  d’une antilope qui s’est fait attaquer par une lionne, mais qui,  bien que blessée, a pu, dans un premier temps,  lui échapper. Le cerveau de cette antilope a alors deux  problèmes à résoudre pour qu’elle survive à l’agression ;  il faut soigner les plaies, pour éviter l’infection, mais aussi s’éloigner le plus vite possible des crocs du fauve pour ne pas être dévoré. Soigner une blessure demande certaines connaissances dans le domaine de la pharmacologie, et des études récentes ont montré que les animaux de la jungle en ont, et de façon instinctive ; ils savent, par exemple, que la boue a des vertus désinfectantes et cicatrisantes, tout comme l’eau salée de certains grands lacs, et ils vont aller s’y plonger dans un but thérapeutique ;  ce type de raisonnement, qui engage aussi la mémoire, a son siège dans le néocortex, la couche supérieure du cerveau. C’est lui qui gère ces processus, les plus élaborés,  comme le sont aussi le langage et la conscience. Alors que, par contre, se mettre à l’abri ne demande que la simple activation des aires motrices, qui, en agissant sur les muscles volontaires du corps, vont permettre de courir le plus vite et le plus loin possible.

Or essayer de se soigner ne lui servira à rien, si l’antilope est reprise avant par la lionne ! L’urgence absolue est donc de se mettre à l’abri, et, pour des questions de rentabilité et d’efficacité maximum, le cerveau va neutraliser les fonctions cognitives pour optimiser les fonctions motrices, ce qui est le choix de la « voie basse » du circuit de la peur, et ne se révélera, généralement pas, la meilleure réponse adaptative. En effet, si l’antilope prenait, ne serait-ce que quelques secondes, pour réfléchir, elle comprendrait que ses cornes sont au moins aussi dangereuses sinon plus que les crocs de la lionne, et que de plus, celles-ci étant beaucoup plus grandes, elles lui donnent l’avantage de pouvoir attaquer à une plus grande distance, donc avec moins de risque. Avec  un peu de réflexion, au lieu de tourner les sabots et de fuir, elle se retournerait tête baissée et cornes en avant contre la lionne, et c’est celle-ci qui partirait au galop! C’est ce qu’on peut voir, mais entre une gazelle et une guéparde,  dans une vidéo sidérante de National Geographic Wild France, «  les cornes mortelles de la gazelle de Grant », en ligne sur YouTube.

Alors, pour ne pas se laisser imprégner par le marasme et la découragement ambiant, ni se sentir acculé et gagné par la dépression, inspirez-vous de cette gazelle, et, pour être capable de  faire front en toutes circonstances, veillez à garder bien affûtées vos fonctions cognitives !

Dr Catherine Muller
Membre du comité scientifique de SOS Addictions
Docteur en psychologie
Member of the World Council of Psychotherapy
Member of the American Psychological Association


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