Au départ, Biotic Phocea, le petit labo cosmétique familial, créé en 1999 à Marseille, par le docteur Tiziano, ne devait s’occuper que de tatouage. Depuis et à force de recherche sur le dermopigmentation, la PME est devenue sous la houlette de sa fille, Sandie Tiziano Schaer, spécialiste de la cosmétique médicale.
Comment avez-vous démarré votre vie professionnelle ?
Sandie Tiziano Schaer : J’ai fait une école de commerce (Kedge Business School Marseille), puis j’ai enchainé avec un master international en gestion de projets en 2013 grâce auquel j’ai découvert le monde hôtelier, puis les systèmes d’arrosage automatique. Je me cherchais un peu à l’époque, mais la constante du management et de la gestion de projet était toujours présente.
Comment l’idée de rejoindre l’entreprise familiale a-t-elle germée ?
Ces expériences m’ont permis de comprendre que mon investissement au travail était un réel trait de caractère hérité de mon père. J’ai estimé assez naturellement devoir mettre cette appétence au travail au profit de l’entreprise familiale en rejoignant BIOTIC Phocea. Je n’ai subi aucune pression en ce sens, et mes parents m’ont toujours laissé libre de mes choix en m’invitant à vivre mes expériences. Au départ, j’ai rejoint l’entreprise familiale pour aider mon père. Je trouvais que nous étions assez complémentaires. Chirurgien de formation, il avait 10 à 15 ans d’avance sur son époque. Inventer une encre de tatouage agréée dispositif médical en 1999 était pour le moins visionnaire, alors que la loi sur les tatouages en France n’a vu le jour qu’en 2008.
Comment en partant d’un usage médical BIOTIC Phocea a-t-elle élargi ses activités à l’esthétique puis à la cosmétique ?
À l’origine, le besoin a été identifié dans le secteur médical pour la reconstruction des aréoles mammaires post cancer du sein et c’est en ce sens que mon père a inventé un pigment de tatouage agréé (CEIIb, BioChromaDerm®). Il nous est apparu évident de proposer le même processus de fabrication et les mêmes matières premières stériles et sécuritaires pour une utilisation esthétique. Il semblait incohérent de laisser les esthéticiennes utiliser des produits de tatouage hors cadre réglementaire alors que nous avions inventé un dispositif médical sécurisé.
Que cela soit à des fins médicales ou esthétiques, l’acte est identique puisqu’il consiste à implanter un pigment dans la peau à l’aide d’un dermographe. Aucun cadre réglementaire n’existant avant que la loi sur le tatouage ne soit entérinée en 2008, la fabrication des pigments et les pratiques de pigmentation n’étaient donc pas encadrées. Nous nous sommes battus durant 10 ans pour faire valoir la nécessité de bonnes pratiques dans l’esthétique et la loi nous a suivis en 2008. Le pigment doit être un dispositif médical car c’est un implant mis de manière invasive dans le derme et qui reste à vie.
Initiateur de l’utilisation de pigment stérile à usage unique dans le médical puis l’esthétique, nous nous sommes orientés assez naturellement vers l’univers de la beauté. Parallèlement au développement du maquillage permanent sécuritaire, nous nous sommes diversifiés en commençant à proposer à nos clients des soins cosmétiques du visage à fort pourcentage de principes actifs et bio.
Quelles innovations avez-vous apportées dans le secteur médical ?
Nous avons lancé le BioChromaDerm®, puis une encre destinée au repérage des champs en radiothérapie, RADSAFE®. Le BioChromaEyes®, est la dernière innovation en date : il s’agit une dispersion pigmentaire destinée au tatouage de la cornée de l’œil, à visée réparatrice dans le cadre de défects de l’iris ou esthétique pour changer la couleur des yeux.
Vous fourmillez d’idées…
La seule limite est celle du temps nécessaire pour les mener à bien, il existe en effet une batterie de tests de toxicité à mener lorsque l’on parle de dispositif médical et de pigment. Prouver l’innocuité du produit est à la fois chronophage et coûteux, nous y allons par étapes. Nous disposons d’un agrément européen sur le dispositif médical et nous ambitionnons à présent de nous développer au-delà des frontières européennes. Nous sommes particulièrement intéressés par des pays comme l’ Australie et Singapour pour lequel nous avons déjà réalisé un travail réglementaire afin de répondre à leurs critères.
En quoi l’innovation est-elle névralgique pour l’entreprise ?
L’innovation est notre principale valeur ajoutée, nous faisons ce que les autres ne font pas. Nous avons par ailleurs créé un besoin car le tatouage médical n’existait pas. Mon père a mis au point la technique qu’il utilisait dans le cadre de reconstructions post-cancer et nous sommes ensuite allés frapper aux portes pour faire connaître cette technique et le produit.
Existe-t-il un avantage à être une PME française dans votre secteur ?
Une PME a la possibilité de faire des choses innovantes que d’autres ne font pas, avec plus d’agilité et de rapidité qu’une grosse structure. Le « made in France » est un argument de vente fort sans oublier le « made in Provence » dont je suis très fière. La France a une très bonne réputation à l’étranger sur les cosmétiques et sur le secteur médical. Notre pays est très observé en matière d’innovation médicale. Nous plaçons donc beaucoup d’espoir dans le développement de la kératopigmentation (technique de pigmentation de la cornée – ndlr).
Propos recueillis par Isabelle Jouanneau