Votre ouvrage met en avant l’importance du dialogue intergénérationnel dans l’entreprise. Ces générations ne savent-elles donc pas travailler ensemble ?
Éric Le Tallec. C’est au cours de missions et formations menées en partenariat avec l’observatoire ASAP que nous avons constaté les difficultés des cadres seniors à comprendre et collaborer avec la génération Z. L’ignorance mutuelle, plus que les différences, empêche les salariés de bien travailler ensemble. Il est aujourd’hui indispensable de créer des ponts entre ces générations pour parvenir à être plus performants : gagner des marchés à l’export, conduire le changement, porter des projets d’innovation…
Quels sont les principaux atouts que chaque génération peut apporter à une entreprise ?
La génération Z apporte de l’agilité, une maîtrise des nouvelles technologies et elle travaille en mode projet, avec une approche startup. La génération X apporte une expérience précieuse et une capacité à prendre du recul. Elles sont donc complémentaires : les jeunes inspirent et dynamisent, tandis que les seniors apportent de la stabilité et rassurent. À l’export, des Z et des X, habitués à travailler et mener des négociations ensemble, seront perçus comme de vrais professionnels.
Comment les entreprises peuvent-elles transformer les tensions intergénérationnelles en une force positive ?
Pour transformer ces tensions en une force positive, il est essentiel de promouvoir l’intelligence collective, par exemple en mettant en place des projets d’innovation où chacun apporte ses compétences et expériences distinctives. À ce titre, je crois beaucoup dans l’approche prospective en mode projet pour créer une dynamique positive au sein de l’entreprise. Il s’agira d’une mission d’intérêt supérieur, animée par des équipes intergénérationnelles.
Quel rôle peut jouer la génération plus âgée dans la transmission des valeurs et de la culture d’entreprise ?
Les seniors ont une expérience précieuse à partager, notamment en ce qui concerne les relations humaines et l’éthique professionnelle. Ils sont les gardiens de la culture d’entreprise et des valeurs qui l’ont fondée. La transmission du savoir est fondamentale et les jeunes générations peuvent parfois la négliger. Internet et l’IA ne remplaceront jamais 30 ans de savoir-faire et de savoir-être.
En quoi votre propre expérience de travail dans des environnements intergénérationnels a-t-elle influencé votre perception et vos recherches sur ce sujet ?
J’ai travaillé pendant 15 ans dans une multinationale japonaise et j’ai pu observer l’importance du lien intergénérationnel. Tout salarié, peu importe l’âge, travaille sur soi, mais aussi sur son rayonnement auprès des autres. Il s’agit de la « victoire publique » qui vient après la « victoire intérieure » : penser effort partagé et apprendre des expériences de tous. Mon expérience m’a montré que ce lien est une force, mais également un vrai plus pour une meilleure connexion interculturelle. Travailler dans un tel contexte m’a convaincu que l’intelligence collective est essentielle pour la réussite de l’entreprise dans un monde compliqué et incertain.