Une interview du président du Mouvement pour la liberté de la protection sociale (MLPS)
Vous menez depuis plus de vingt ans un combat pour faire appliquer par la France les directives européennes qui suppriment le monopole de la Sécurité sociale. Ou en êtes-vous aujourd’hui ?
Claude Reichman : Nous venons de franchir un pas décisif. La justice française a tout fait pour ne pas appliquer le droit. Mais elle n’avait pas prévu qu’il existait une faille mortelle dans son dispositif. Une faille qui existe en fait depuis plus de 40 ans. C’est le professeur Jean-François Prévost, un éminent expert du droit européen, qui nous en a conseillé l’usage, face à la résistance abusive des autorités françaises.
En quoi consiste-t-elle ?
Il s’agit d’un principe fondamental de la jurisprudence européenne. Il a été codifié par un arrêt de 1978 de la Cour de justice, l’arrêt Simmentahl. Il dit que lorsqu’il est face à une disposition prise en application du droit européen, le juge national doit écarter toute disposition interne contraire. Il se trouve que la France est dans cette situation. Il existe chez nous un code des assurances qui a intégré les dispositions des directives de 1992, et notamment un article qui autorise toute société européenne à commercialiser librement en France des assurances se substituant à celles de la Sécurité sociale. Cet article bénéficie donc de la primauté du droit de l’Union européenne. Il s’impose à toute législation française contraire.
Vous voulez dire que le code de la sécurité sociale, par exemple, qui stipule que toute personne résidant en France doit être affiliée à la Sécu, doit être écarté par le juge si une personne se prévaut d’une assurance européenne ?
Exactement.
Cela paraît tout simple.
C’est si simple que personne n’y avait pensé. Les juges français croyaient que leur martingale « les directives européennes ne visent pas la Sécurité sociale » marchait à tous les coups. Ils avaient oublié que ces directives visaient les sociétés d’assurance. C’est un peu ce qui s’est passé en juin 1940. Le gouvernement français n’imaginait pas que les panzers allemands pouvaient contourner la ligne Maginot et foncer sur nous par les Ardennes.
Que va-t-il se passer maintenant ?
Le gouvernement français et les juges n’ont plus le choix. Ou bien ils appliquent l’arrêt Simmentahl et le monopole de la Sécu aura vécu. Ou bien ils s’y refusent, et une crise européenne majeure se déclenchera. Vous imaginez bien que l’Europe ne va pas sacrifier sur l’autel de la Sécu française le principe vital qu’est pour elle la primauté du droit de l’Union.
Combien de Français se sont-ils « libérés » de la Sécu actuellement ?
Plus de 500 000. Demain, ils seront des millions. Il y a, en France, un immense besoin de liberté et d’augmentation du pouvoir d’achat. C’est tout le sens du mouvement des gilets jaunes. La fin du monopole de la Sécu ne devra rien à ce mouvement, mais satisfera l’essentiel de ses revendications. On aurait pu éviter cette grave crise si les hommes politiques français et les médias avaient joué leur rôle. En fait, ils n’ont pensé qu’à mentir, ou à laisser se perpétuer les mensonges.
De quoi avaient-ils peur ?
De la fin du régime institué en 1945 et des prébendes qu’il distribue à toute volée. Ce régime a aujourd’hui 74 ans. L’âge auquel on disparaît dans nos contrées.
Propos recueillis par Paul Pelletier.