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Alstom-GE : et si la France avait fait une bonne affaire ?

Sept ans après, le rachat par General Electric de la branche énergie d’Alstom demeure le symbole d’une supposée braderie de la souveraineté française. Qualifiée de scandale d'État ou d’erreur majeure, cette affaire n’invite que rarement à la nuance.

Entreprendre - Alstom-GE : et si la France avait fait une bonne affaire ?

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Sept ans après, le rachat par General Electric de la branche énergie d’Alstom demeure le symbole d’une supposée braderie de la souveraineté française. Qualifiée de scandale d’État ou d’erreur majeure, cette affaire n’invite que rarement à la nuance. Et pourtant, quelle était réellement la situation d’Alstom en 2014 ? Quel aurait pu être l’avenir d’Alstom sans le rachat de sa branche énergie ? La France a-t-elle mis suffisamment de garde-fous pour protéger son fleuron ? Au-delà de la saga médiatique, il n’est pas impossible que la France n’ait finalement pas fait une si mauvaise affaire. Explications.

Aux origines de la vente : limiter la casse sociale et industrielle

Avant 2014, Alstom était une entreprise bicéphale, concentrée sur ses activités énergétiques – essentiellement charbon, également nucléaire et gaz – et de transport ferroviaire. Française, largement détenue par des capitaux privés depuis 2006, Alstom connaissait en 2014 de graves difficultés de rentabilité, dues notamment à une problématique de taille critique. Sans compter une dette qui limitait sa marge de manœuvre en termes d’investissement et de croissance sur ses marchés.

L’énergie, soit les deux tiers de l’activité de l’entreprise à l’époque, avait vocation à financer le développement de l’activité de transport, dernier tiers, qui n’était pas rentable. L’activité énergétique d’Alstom était principalement alimentée par ses contrats de service. En matière de nouvelles centrales, le portefeuille de l’entreprise ne comprenait, sinon l’EPR de Flamanville 3, aucun nouveau projet nucléaire. Par ailleurs, Alstom avait déjà connu de grandes difficultés, donnant lieu à un premier sauvetage en 2004.

En 2014, la vente de la branche énergie d’Alstom apparaissait donc comme la solution pour éviter une restructuration lourde et inéluctable associée à une casse sociale et industrielle. Le soutien public apparaissait alors insuffisant. Dès 2006, la part du gouvernement français dans l’entreprise avait été drastiquement réduite, cédée au groupe privé Bouygues lors d’un vaste programme de cession d’actifs. Les mutations du marché de l’énergie – perspectives de décroissance des énergies fossiles, développement en dent de scie du nucléaire, développement des renouvelables et réflexion continue sur les nouvelles solutions alternatives – appelaient des transformations constantes pour les entreprises du secteur et donc des coûts importants. Une prise de risque perçue comme inenvisageable pour l’État.  Face à l’impossible soutien étatique, la solution s’impose d’avoir recours à un groupe privé.

Après avoir écarté l’hypothèse Siemens, qui présentait un risque de monopole sur le marché européen que la Commission Européenne aurait empêché, ainsi qu’un risque certain d’importantes suppressions d’emplois tant leurs activités étaient similaires, la solution retenue a été celle de son concurrent General Electric, groupe industriel américain, actif dans les différents secteurs des énergies, de la santé et de l’aéronautique principalement.

Négocier pour sauver le ferroviaire : le pari gagnant d’Alstom

On a souvent reproché à cette vente d’avoir été synonyme d’une perte de  souveraineté française. Pourtant, le contexte de l’époque est celui d’une politique industrielle qui permettait déjà un contrôle des investissements étrangers en matière de défense et de sécurité, étendu au secteur de l’énergie (décret Montebourg du 14 mai 2014). Ce contrôle, la France en a fait usage auprès de General Electric, en poussant pour un rachat de la totalité de la branche énergie d’Alstom, comprenant notamment l’activité nucléaire qui n’intéressait pas le groupe GE, cette activité chez Alstom étant faiblement positionnée sur le marché international. C’est en forçant GE à reprendre les actifs nucléaires d’Alstom que la France a pu habilement soumettre le groupe à la loi sur les investissements étrangers et lui imposer des engagements sur le long terme. Subtile négociation grâce à laquelle la France a obtenu de GE que le groupe américain reprenne la totalité de l’activité énergétique d’Alstom (sites industriels, salariés) et pas seulement ses parts de marché. Avec, en prime, l’engagement de maintenir l’emploi et les centres de décisions.

Par cette opération, la France a sauvé l’activité ferroviaire d’Alstom, ce dernier ayant utilisé le produit de la vente de sa branche énergie pour investir sur son activité de transport, et dépasser la problématique de taille critique : en matière ferroviaire, Alstom a pu faire le choix stratégique d’absorber Bombardier, renforçant sa position de leader sur le marché mondial, en capacité d’investir. De plus, la vente a permis à Alstom de racheter une part de sa dette, améliorant significativement sa situation financière.

Côté GE, l’entreprise a supporté la transformation de la branche énergie d’ex-Alstom, réduisant considérablement les activités fossiles dans un contexte de transition énergétique tout en repositionnant l’entreprise sur les marchés internationaux pour son activité nucléaire : nouveaux projets nucléaires en Grande-Bretagne, en Finlande, en Turquie, en Égypte, en Hongrie.

Une opération positive pour la France, décevante pour GE

Finalement, c’est pour GE que les répercussions de la vente semblent les plus mitigées : le repositionnement sur le marché des énergies a nécessité des restructurations importantes et coûteuses, affectant l’emploi au niveau mondial. De plus de 300 000 salariés au moment de l’acquisition d’Alstom, GE en compte désormais 175 000, les 125 000 autres étant principalement sortis du conglomérat à l’occasion de cessions d’activités (Transportation, Capital, Lighting, Water, Oil & Gas). Le groupe a dû se recentrer sur ses activités de l’énergie, du médical et de l’aviation, pour maintenir ses positions sur ses marchés tout en redressant sa situation financière.

Dans le même temps, loin des apparences, le bilan de l’État français se révèle plutôt intéressant :  s’appuyant sur les engagements pris par le groupe en 2014, il a permis d’éviter toute fermeture de site industriel et de limiter l’impact des restructurations en France. Si sur les 16 000 salariés de GE dans le pays en 2014, 1 500 ont été touchés par des plans sociaux ces dernières années, les effectifs de GE restent néanmoins supérieurs à ceux de bon nombre d’entreprises étrangères en France, ainsi qu’à près d’un quart de ceux des fleurons du CAC 40.

Et si finalement c’était pour GE lui-même, dont le PDG reconnaissait il y a quelques années que l’acquisition d’Alstom était « décevante », que cette opération avait été la moins intéressante ?


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1 commentaires sur « Alstom-GE : et si la France avait fait une bonne affaire ? »

  1. Cet article est une analyse pro Macron. Il oublie (volontairement ou pas) un détail. Dire que vendre Alstom Power aux américains etait pour sauver Alstom Transport.
    Il faudrait peut être préciser que Macron dès ses premiers mois de mandat, septembre 2017, s’est empressé de vouloir donner les clés d ‘Alstom Transport à Siemens, dans une fusion dite entre egaux . On connait les réussites de ces deals à la mords moi le nœud,(exemple Technip, Lafarge, Essilor,…)où à chaque fois la France sort perdante.
    Fort heureusement pour notre industrie francaise, la commission Européenne s est opposé à ce projet de fusion. Et Alstom Transport évolue depuis très bien en solo ( prise de nouveaux marchés, train à hydrogène…).

    Répondre

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