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Alpine : la marque mythique peut-elle s’imposer en F1 ?

Laurent Rossi, CEO d'Alpine (Photo by HIGH TWO)

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Les ambitions fixées par le groupe Renault-Nissan à Laurent Rossi, le CEO d’Alpine, sont élevées. Alpine a pour mission de développer la gamme innovante de la marque, et surtout de la rendre bénéficiaire d’ici 2025.

En dépit d’un CV quasiment parfait, Laurent Rossi n’était pas celui que l’on attendait. Les spécialistes français du sport auto-mobile n’avaient pas parié sur lui. C’est Cyril Abiteboul qui tenait la côte du fait de sa longue présence chez Renault et son passage en F1 chez Caterham.

Finalement, pour la nouvelle division Alpine, Luca de Meo a pris de court les journalistes sportifs en choisissant Laurent Rossi, provoquant de ce fait le départ de l’autre prétendant, Cyril Abiteboul. Si Laurent Rossi n’était pas attendu, c’est que l’homme a bien un parcours lié à l’automobile, mais jusqu’alors assez lointain de la compétition et de la F1.

Alpine : La F1 en tête de pont

C’est décidé depuis déjà un moment, Renault met Alpine au sommet, la marque va représenter le groupe non seulement en Formule 1, mais aussi en endurance, sans oublier le rallye et mettre en face les investissements correspondants.
Une lourde charge que Laurent Rossi a prise à bras le corps. Pendant une année complète, il a évalué l’équipe et l’organisation de la catégorie reine que représente la F1. La conclusion s’est traduite début 2022 par une restructuration totale de l’équipe avec un changement du directeur de l’équipe ainsi que le départ d’Alain Prost qui était président non exécutif. Amateur de sports collectifs, il choisit une comparaison souvent utilisée dans le football : changement d’entraineur et de quelques joueurs. Il faut à présent reformer un collectif.

Un démarrage en deux étapes

La démarche est claire, il l’a expliqué lui-même avec un certain franc-parler « L’an dernier, je me suis consacré à la F1 pour deux raisons. Premièrement, j’avais besoin de comprendre, évaluer et analyser ; l’autre est parce que, honnêtement, il fallait remédier à certaines déficiences ».

L’équipe Alpine est parvenue à se maintenir 5e du championnat des constructeurs, ce qui est un résultat satisfaisant pour 2021. 2022 doit changer la donne. Tout d’abord, Laurent Rossi est moins présent en opérationnel pour se consacrer à l’expansion de la marque Alpine. « A présent que la F1 est dans de bonnes mains, nous avons le temps de développer des voitures, de les construire et agrandir le réseau de concessionnaires ».

Entre Ferrari et tesla

Dans la lettre de mission adressée par Luca de Meo à Laurent Rossi, il y a une ambition élevée, se situer entre « Ferrari et Tesla ». Réussir à la fois sur le côté sportif et la création de voitures électriques « très émotionnelles », dixit Luca de Meo.
Les différentes étapes sont déjà planifiées :
3000 prises de commandes aujourd’hui pour Alpine, soit une forte progression à confirmer, car la taille critique reste un critère obligé. En-dessous de cette quantité, difficile pour une industrie d’être rentable. Le développement des ventes de la sportive Alpine est l’une des bases de la stratégie.
En 2024, une compacte sportive urbaine 4 places va voir le jour, dans la grande tradition des anciennes R5 turbo ou Clio RS.
En 2025, un crossover GT est en projet. Très sportif, ce 5 places doit permettre de chasser sur un territoire plus large.
2026 doit voir naître la remplaçante de l’Alpine sportive actuelle pour répondre aux demandes de la nouvelle législation.
La marque Alpine vise donc une clientèle plus exigeante, qui veut se dégager de l’uniformisation, avec des modèles performants dotés d’une belle connectivité et de technologie embarquée.

Dieppe, la ville emblématique

Le plan Alpine a donné lieu à de nombreux calculs, mais un choix clair et fort a été établi dans le plan « Renaulution ». Le nord de la France reste un bastion du groupe, et garde son pôle électrique avec l’usine de Douai et celle de Dieppe, le berceau de la marque Alpine. A Dieppe, il s’agit d’une réindustrialisation, avec une usine très spécialisée dans le premium sportif, permettant de justifier la valeur des véhicules Alpine.

Une gigafactory de batteries ?

Si l’objectif premier est de soutenir les volumes critiques actuels de l’A110 et aller sur la transition vers de nouveaux modèles, Laurent Rossi laisse entendre que l’électrique pourrait surprendre avec, pourquoi pas, la naissance d’une gigafactory française. Après tout, Alpine grandit à l’ombre d’un géant qui emploie 180 000 personnes et les pro-jets sont viables quand bien même les subventions disparaitraient.

La F1, outil de conquête

5e du championnat constructeur l’an dernier, l’objectif à présent est de remonter chaque année au classement. 100 Grands Prix en prévision pour poursuivre les innovations et adaptations nécessaires et se caler vis-à-vis de la concurrence. BWT Alpine F1 Team peut compter sur la soixantaine d’opérationnels et la trentaine de non opérationnels qui permettent à l’écurie de tourner.

La direction a laissé le champ libre à Laurent Rossi, il a pu transformer l’Alpine Team à son gré, la mettre à sa main, viennent à présent les moments de vérité. La marque porte l’image de la France, a ses supporters et les attentes sont fortes que ce soit dans le public ou au sein du groupe. Lors du premier Grand Prix de Miami sur le Hard Rock stadium, Alpine a fait trembler lors des quali􀀁ications. Si Fernando Alonso a fait preuve de malchance, Esteban Ocon a à nouveau prouvé qu’il était une valeur sure du futur, il est actuellement 9e du classement pilotes.

Avec un père garagiste qui préparait des voitures pour l’épreuve de WRC, Laurent Rossi n’avait pas vraiment le choix de ne pas aimer les auto-mobiles et la course. Son père ne souhaite pour-tant pas le voir prendre la succession, il préfère que son 􀀁ils fasse des études. L’homme a suivi le conseil paternel, mais quelques années plus tard, il se voit résumer à son métier d’ingénieur sans qu’on ne lui offre de possibilités de passer à autre chose dans le groupe.

Ni une ni deux, Laurent Rossi arrête son activité professionnelle pour s’inscrire et décrocher un diplôme de MBA, Master in Business administration, mais pas n’importe où. Harvard, excusez du peu. Un MBA à Harvard, quitte à vendre tous ses biens, voici qui transforme une carrière d’ingénieur. Encore faut-il oser.

Pour y parvenir, il vend à peu près tout ce qu’il a car quitte à étudier aux États-Unis, autant choisir la plus prestigieuse des universités américaines. Un moment de vie qui en dit long sur sa volonté et son envie de démontrer qui il est et ce qu’il veut. En décrochant ensuite un job dans le Boston Consulting Group aux États-Unis, il s’aperçoit qu’il est bien meilleur lorsqu’il travaille sur les dossiers des grands constructeurs automobiles, car il connait le milieu, la technique, l’industrie et même l’avenir qui se dessinait déjà en électrique. Il part ensuite chez Google, toujours aux États-Unis, une belle occasion pour se familiariser à la connectivité via le numérique.

Renault is back

Renault revient dans la vie de Laurent Rossi par le biais d’une offre de recrutement, mais cela ne le fait pas rêver le moins de monde. Sauf que le projet qui lui est proposé in fine est bien séduisant : travailler en direct avec Carlos Ghosn sur une vraie révolution automobile dans un poste de stratégie.

Bien lui en a pris, car avec l’arrivée de Luca de Meo à la présidence, un nouveau plan stratégique voit le jour dans lequel il est pleinement impliqué. Il avoue avoir vécu cette époque comme totalement « fascinante ». Luca de Meo connait donc très bien l’homme qu’il a connu chez Alpine et connaît ses qualités. Avec cette nomination à la direction de la marque premium, Laurent Rossi dit avoir l’impression d’un aboutissement dans le sens où il peut utiliser toutes les compétences acquises précédemment. En 2022/2023, l’homme joue gros pour son avenir.

Henri Marin



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