Je m'abonne

Visite d’Emmanuel Macron en Chine : l’Automne et le Printemps à Pékin

Entreprendre - Visite d’Emmanuel Macron en Chine : l’Automne et le Printemps à Pékin

Afficher le sommaire Masquer le sommaire

Par Patrick Pascal, ancien ambassadeur et président du Groupe ALSTOM à Moscou pour la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie. Il est fondateur et président de « Perspectives Europe-Monde ».

Le Président de la République française, accompagné de la Présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, effectue du 5 au 8 avril une visite en Chine. Ce déplacement est le deuxième pour Emmanuel Macron mais il intervient après une longue césure dont la pandémie du Coronavirus fut notamment responsable.

Sur toile de fond d’un ralentissement économique général et pour la France d’échanges extérieurs déséquilibrés et alors que la guerre se poursuit en Ukraine, l’ordre du jour des entretiens de Pékin sera à l’évidence important et chargé pour ce qui s’apparentera à un sommet Chine-Union européenne. Un tel agenda justifie à lui seul le voyage.

L’Automne du Chancelier Scholz

Le Chancelier allemand s’était lui-même rendu à Pékin en novembre 2022, accompagné d’une délégation du monde des affaires. Il s’était alors exposé à une double critique, celle de l’opportunité  compte tenu de la situation internationale et celle d’avoir fait cavalier seul. En réalité, on pouvait aussi estimer que l’Allemagne n’avait pas d’autre choix et que ce déplacement était une nécessité, au-delà des seuls intérêts allemands.

La politique allemande a en effet reposé pendant longtemps sur la combinaison stratégique suivante: une sécurité garantie par les Etats-Unis; un approvisionnement énergétique au moindre coût en provenance de Russie (NB: 55% de son gaz); le développement exponentiel d’un commerce avec la Chine qui est devenue son premier partenaire en la matière (NB: Avant la guerre en Ukraine, près de la moitié des exportations européennes vers la Chine étaient allemandes).

La guerre en Ukraine a mis à mal ce bel édifice qui avait pourtant fait ses preuves. La perspective d’un durcissement de la relation sino-américaine, dès avant même le résultat des élections de « mid-term », n’était alors aucunement encourageante; les Etats-Unis voulant notamment continuer à restreindre les échanges de haute technologie avec la Chine.

Les tensions autour de Taïwan ont aussi été l’un des révélateurs d’un climat de tensions internationales aiguës alors même que l’Ukraine et l’île ne pouvaient être mises sur le même plan: dans le premier cas, il s’agit de préserver la souveraineté et l’intégrité d’un Etat sur le continent européen; en Asie, il est question d’une affaire chinoise conformément à la doctrine de l’unicité de la Chine acceptée par l’ensemble de la communauté internationale.

Le Chancelier fut donc fondé à effectuer un tel déplacement. Il l’aura fait précéder de signaux sans ambiguïté: Berlin venait d’accepter la cession de 25% du port de Hambourg à un conglomérat chinois; BASF avait décidé d’aller de l’avant dans la réalisation en Chine d’un investissement de 10 millards € pour la production de matières plastiques.

Mais cet automne à Pékin ne s’est pas limité à des questions relevant d’un mercantilisme au demeurant bien naturel. Alors que le 20ème Congrès du Parti communiste chinois venait de s’achever, le moment fut opportun pour échanger avec Pékin sur les grands dossiers du moment. Le Chancelier Scholz a d’ailleurs indiqué que son interlocuteur lui avait donné des assurances quant à la question d’une possible utilisation d’armes nucléaires tactiques sur le continent européen. D’une manière générale, la Chine adopte en permanence une vision stratégique et son espace temps est vaste. Il s’agissait donc de se hausser à ce niveau, ce qui ne valait pas que pour l’Allemagne.

Le Printemps du Président Macron

Il y a donc eu en 2022 l’automne à Pékin du Chancelier Scholz et il y a aura dans la capitale chinoise le printemps du Président de la République accompagné de la Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

Ce dernier sommet paraît totalement justifié dans la tradition tout d’abord des bonnes relations franco-chinoises, établies dès 1964 avec la Chine de Mao par la France du général de Gaulle. Les intérêts économiques mutuels sont désormais incontournables; si la Chine est considérée comme « un partenaire, un compétiteur et un rival systémique » par l’Europe, 20% des importations des pays de l’UE proviennent effectivement de ce pays. Enfin, sur toile de fond notamment de la guerre en Ukraine, mais pas uniquement, la gouvernance mondiale devra être au coeur des discussions.

On peut se gausser de ce que la France, dont la part dans le PNB mondial est de 3% alors que celle de la Chine quasiment à égalité avec les Etats-Unis atteint 20%, entende jouer un rôle significatif par rapport à l’une des plus grandes puissances. Mais le monde des relations internationales ne se résume pas uniquement à des données chiffrées. Il existe aussi des variables non quantifiables.

A cet égard, la Chine a le sens du temps long et elle sait reconnaître le rôle qu’a joué la France dans sa reconnaissance internationale à un moment déjà tendu dans les relations internationales et alors que la Chine de Mao allait s’engager dans une longue et dévastatrice Révolution culturelle. Il y a dans cette attitude la reconnaissance mutuelle, au sens historique du terme, d’une grande nation à l’égard d’une puissance européenne dotée également d’une grande histoire. Implicitement, la Chine admet aussi l’influence que la France, seule puissance nucléaire de l’Union européenne, conserve encore en Europe et la présence de Mme von der Leyen en est une illustration. Enfin, la France promoteur de la détente avec le général de Gaulle et toujours réservée à l’égard des blocs ne peut être qu’un partenaire sur lequel Pékin espère compter alors que la Chine est soumise à une pression américaine de plus en plus forte.

Au-delà de la guerre en Ukraine, il conviendra de rebâtir un système international actuellement totalement dérégulé du fait notamment des errements de l’un de ses membres permanents et parce que le Conseil de sécurité de l’ONU ne paraît plus représentatif, aux yeux de nombreux États, de la diversité du monde et de l’émergence de nouvelles puissances. La Chine s’est montrée jusqu’ici respectueuse des principes fondamentaux de la Charte de l’ONU:  le ministre chinois des Affaires étrangères avait insisté à la Wehrkunde de Munich de 2022 (NB: quelques jours avant le débit des hostilités contre Kiev) sur les principes d’intégrité et de souveraineté territoriale; la Chine n’a jamais condamné formellement la Russie mais elle ne s’est pas ralliée non plus à elle (cf. les votes aux Nations Unies où elle s’est abstenue) et ne s’est jamais départie formellement de ces principes. Pékin peut de son côté prêter une oreille attentive au discours français sur l’élargissement du Conseil de sécurité et à son attachement à une autonomie stratégique de l’Europe, dans la tradition d’une réserve à l’égard de la politique des blocs.

Le Président de la République aura à coeur de promouvoir les intérêts économiques français et européens en Chine ce qu’atteste la présence à ses côtés de la présidente de la Commission européenne et sa large délégation d’entrepreneurs. Mais le dialogue qu’il pourra y établir sur la gouvernance mondiale sera essentiel. Le ciel est généralement dégagé pendant l’automne à Pékin; il ne peut qu’y être scintillant au printemps.

Patrick Pascal

Patrick PASCAL est publié aux Etats-Unis par la Revue INNER SANCTUM VECTOR N360 (Dr. Linda RESTREPO Editor/Publisher) qui vient de lui consacrer une Edition spéciale sur la Russie
→ https://issuu.com/progessionalglobaloutreach.com/docs/patrickspecialedition

Patrick Pascal est également l’auteur de Journal d’Ukraine et de Russie (VA Éditions)

Disponible auprès de VA-EDITIONS.FR

 

 

 


Vous aimez ? Partagez !


Entreprendre est un média indépendant. Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités :

Publiez un commentaire

Offre spéciale Entreprendre

15% de réduction sur votre abonnement

Découvrez nos formules d'abonnement en version Papier & Digital pour retrouver le meilleur d'Entreprendre :

Le premier magazine des entrepreneurs depuis 1984

Une rédaction indépendante

Les secrets de réussite des meilleurs entrepreneurs

Profitez de cette offre exclusive

Je m'abonne