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« Une société hérissée d’interdits »

Entreprendre - « Une société hérissée d’interdits »

Par Jean-François Marchi

Tribune. Liberté, Egalité, Fraternité ? Il y a de quoi rire ! La nouvelle société que voulaient ériger les révolutionnaires de 1789 ressemble trait pour trait à celle qu’ils ont abolie, le langage en moins. Et encore… Aux conflits opposant les corporations professionnelles entre elles (boulangers contre pâtissiers pour le droit de fabriquer des pâtés par exemple) ont succédé les guerres religieuses des mangeurs de légumes contre les vendeurs de viande ainsi que celle des opposants au port de la fourrure animale et des chaussures en peau de bête, pour ne parler que des conflits les plus sectaires. Ne perdons pas le temps qui nous manque pour réfléchir en évoquant les scènes désolantes de pianos anciens jetés à la casse car il n’est plus permis de vendre des objets recelant de l’ivoire quand les touches du clavier sont recouvertes de cette matière. Adieu le Pleyel de Rossini, l’imbécillité aura fini par vaincre le génie! Chaussures en plastique et pieds qui puent remplaceront demain les élégantes bottines des Brummel de la Belle Epoque quand les vegans triompheront chez Lasserre. Quel progrès ! Les circonlocutions obligatoires afin de contourner l’énonciation d’un réel facile à discerner mais interdit de nommer, agrémenteront à n’en pas douter les conversations du futur, qui ne seront plus hélas celles du café du commerce car il n’y aura plus de café (on a vu avec le Covid) et il n’y aura plus de commerce. Parole coupée, réflexion ôtée, vêtements réduits à des formes de sac en toile trouée, fumée bannie, boissons alcoolisées proscrites, l’avenir s’irradie !

Ah ! la liberté ! Passons à la fraternité, maintenant que la dénonciation fiscale et de mœurs a été promue au rang d’un devoir civique, (pardon, d’un devoir citoyen, patois social-politique oblige). Alors, cette fraternité que la jalousie taraude et la hargne confiscatoire obsède, qu’en est elle? Sermons à profusion et dilapidation des fonds publics exceptés, on en entend beaucoup parler, mais comme l’Arlésienne du regretté Frederic Mistral, on ne la voit guère plus que la liberté précitée. L’égalité, celle là nous reste-t-elle bien, au moins ? Oui, mais c’est la liberté dans l’esclavage dont parlait Alexis de Tocqueville. Celle-là a un bel avenir devant elle ! Ah ! Constituants de 1789, si vous saviez…

Le Tribunal, arbitre des passions les plus sordides devenant la jauge de la vie sociale comme dans la pièce d’Alfred Jarry Ubu roi, n’y a t il rien à faire, comme aurait demandé Pierre Bellemare ? Comme l’aurait dit ce savant journaliste, précurseur des happening news, et animateur hors pair des soirées à suspense : Il y a surement quelque chose à faire! On se souvient de l’émission qu’il dirigea sur une radio de grande écoute le matin sous ce titre, et qui connut un succès considérable. Il y a fort à parier qu’une réponse sera apportée sous peu à cette question qui est plus qu’une attente. Que dire de plus ?

Nos maîtres, experts en narcose collective s’évertuent à masquer la vérité de peur d’être contraints d’avouer leur impuissance. C’est patent et risible à la fois. Contradictio in adjecto en ce cas précis, la politique royale qui s’écrivait jadis par des « lettres patentes » (ou édit royal) prend la forme sous cette république de velléités impatientes. Mais ça clame, à défaut d’acclamer. Ça beugle même sur les marchés. Le triptyque grimaçant: Insécurité, Incivilité,Imbécillité étant pour les raisons dites en début d’article sur le point de remplacer la devise du pays, que pourrait-on dire pour nous rassurer quelque peu et dissiper ce brouillard décisionnel qui nous donne l’impression que le véhicule gouvernemental est conduit dans l’obscurité à tombeau ouvert, ce qui se dit chez nos cousins québécois « chauffer dans la noirceur ». Un peu de noir justement ! Celui de l’humour du même nom délaissé ces temps-ci où l’ignorance conventionnelle sévit sous l’alias du politiquement correct:un poème de la fille, toute petite fille, de la poétesse Marceline Desbordes-Valmore : « Cueillons le jour. Buvons l’heure qui coule; Ne perdons pas de temps à nous laver les mains: Hâtons nous d’admirer le pigeon qui roucoule, Car nous le mangerons demain»

Grinçant, non ?

Jean-François Marchi


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