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Pourquoi les médias privilégient-ils les méchants ou les excessifs ?

Le Dimanche 16 mai à Paris, je participai à la manifestation de la Paix, alias « La journée internationale du vivre ensemble en paix »

Entreprendre - Pourquoi les médias privilégient-ils les méchants ou les excessifs ?

Par Emmanuel Jaffelin, écrivain et philosophe

Le Dimanche 16 mai à Paris, je participai à la manifestation de la Paix, alias « La journée internationale du vivre ensemble en paix ». Au cours du défilé, je demande à l’un des organisateurs de cette manifestation « la raison pour laquelle il n’y a pas un journal, une radio ou une tv pour suivre le défilé et se faire l’écho de la paix. Sa réponse fut simple : « les médias s’en moquent de la paix, de la douceur et de l’ intelligence ! Ce qui les motive, ce sont les guerres, la violence et la bêtise ». La question sent peut-être le vinaigre : pourquoi les médias préfèrent-ils le négatif au positif ?

Première réponse : parce que le négatif attire l’attention du public et que le médium développe une activité à but lucratif. Plus il attirera l’attention, plus il fera des gains. Paradoxalement, le bon grain, c’est la mauvaise nouvelle. Il est plus rentable de faire le portrait de celui qui est supposé avoir tué toute sa famille que de décrire une personne qui  « porte » toute sa famille pour lui faire surmonter ses difficultés. Imaginez qu’un journal TV concentre son attention sur une personne qui vient d’être licenciée, personne qui est le parent d’un enfant gravement malade ou accidenté, et qui est aussi le fils ou la fille de parents très âgés et très handicapés dont il s’occupe.  Plutôt que la douceur et l’altruisme, les médias préfèrent la violence et l’égoïsme, ce qui s’illustre par un homme qui devient une « Affaire » : « l’Affaire Xavier Dupont de Ligonnès » qui s’appelle aussi « la tuerie de Nantes ». L’Affaire s’entend en deux sens : d’abord elle désigne une vie privée qui devient publique car tout le monde est supposé s’intéresser à un phénomène rare montrant que le pire danger de la famille peut-être en son sein. Sophocle avait déjà illustré ce danger par une pièce de théâtre, la fameuse Œdipe-Roi dans laquelle l’assassin n’était pas le père, mais le fils ! Sauf que cette fois, dans  « l’Affaire Ligonnès », la mise en scène n’est pas une fiction élaborée par un artiste, mais une réalité mise en scène par des journalistes décrivant une situation dont ils n’ont pas la clé puisque le fameux Xavier a disparu, se retrouvant quasiment accusé  sans preuve – par les médias – d’avoir assassiné sa femme et ses 4 enfants, un quintuple meurtre non élucidé. Le second sens de l’Affaire est ensuite économique : si le public est effrayé par ce carnage, c’est un bon « business » d’en parler sans attendre que la Justice résolve cet événement. L’attention sur les écrans et aux ondes se trouve ainsi renforcée et les magazines traitant ce sujet se vendent davantage ! Pas folle, la vache ! 

Deuxième question : pourquoi le public serait-il plus friand du négatif que du positif ?  Réponse : Parce que le journalisme « croit » que le pulsion de mort chez l ’être humain, donc chez le lecteur, l’auditeur et le spectateur est plus forte que la pulsion de vie. Une telle croyance justifie donc le fait que les journaux commencent  par la mort d’une célébrité ( la mort en voiture à Paris de Lady Diana (Spencer) le 31 août 1997 alors même qu’elle essayait d’échapper à des journalistes ( les paparazzis) , à savoir ceux qui prennent des photos discrètes de personnes très connues d’un pays ou du monde. Le voyeurisme du paparrazzi reste fondé sur la cupidité, le désir de s’enrichir en jetant au public l’intimité d’une star pouvant être jugée indécente : dans ce « Fait divers », Lady Diana était assise dans la voiture avec son amoureux Doddi Al-Fayed, ce qui nourrissait l’idée selon laquelle elle n’était probablement pas fidèle à son mari, le Prince Charles, fils de la reine d’Angleterre, qui était lui-même peu fidèle à son épouse Lady Diana !. De la mort, apparemment accidentelle d’une Princesse, les médias parlent immédiatement et abondamment afin que le peuple anglais ou étranger, découvre que la vie d’un couple « noble » n’est pas moins compliquée, voire est aussi  « ig-noble », que celle d’un couple de salariés. 

Mais du coup, reposant sur le postulat selon lequel l’information doit d’abord alimenter des passions, les médias sont moins des sources de vérités que des fleuves de vraisemblances. C’est ainsi par exemple que, dans le crime de l’enfant Grégory alors âgé de 4 ans et retrouvé mort avec les mains attachées dans la Vologne -une rivière des Vosges – le 16 octobre 1984  – l’Affaire Grégory également nommée l’Affaire Villeminqui se déroula à Lépanges-sur-Vologne – des médias ont considéré que cette « Affaire » était exceptionnelle et nécessitait d’être régulièrement traitée, comme un feuilleton ! Et tout le monde ayant été enfant ou étant parent d’un enfant, il est aisé de comprendre que les médias provoquèrent et cultivèrent cette passion pour ce « fait divers » afin de s’enrichir plutôt que d’éclairer cet événement par l’exposition de sa vérité. Il suffit de rappeler que ce fait divers apparut il y a 37 ans n’est toujours pas résolu par la Justice, le criminel n’ayant pas plus été identifié que le motif de ce crime ! Beaucoup de papiers ont été imprimés et vendus sans égard pour la vérité.

Il est alors pertinent de remarquer qu’en France, du moins, les médias structurent leur information quotidienne sur un modèle discutable : débuter le journal par une information exceptionnelle (la plupart du temps négative comme ces trois faits divers évoqués ou, autre exemple, la mort de Coluche (suite à un accident de moto le 19 juin 1986) ou l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl (le 26 avril 1986) ou celui de Fukushima (le 11 mars 2011, après le Tsunami). Une fois larguée cette mauvaise nouvelle telle une bombe médiatique, le « journal » peut aborder des informations plus banales et moins négatives (une baisse des impôts, un nouveau médicament efficace, etc. Enfin, il peut finir son journal par une bonne nouvelle (victoire sportive d’une équipe nationale, Palme d’or du festival de Cannes attribuée à une actrice ou à un acteur film, etc.). En quittant les spectateurs, les auditeurs ou les lecteurs sur une bonne nouvelle, le medium souhaite les fidéliser et les voir revenir le lendemain pour lire, écouter ou voir le nouveau journal qui débutera (sur le) mal !

Osons alors proposer aux médias d’effectuer une réflexion qui vaut conversion. Plutôt que de s’intéresser aux méchants, aux crimes et aux catastrophes, ne pourraient-ils pas essayer de renverser la vapeur en prêtant attention aux gentils, aux dons et à l’aide ainsi qu’aux solutions sociales, économiques et pacifistes. Ce changement de regard des médias sur l’actu ne serait pas seulement une inversion professionnelle ni nécessairement un affaiblissement économique : elle constituerait probablement une nouvelle mission des médias visant à rendre les sociétés optimistes et vitalistes plutôt que pessimistes et morbides. Aller cherchez dans l’actu tout ce qu’il y a de « positif » ne signifie pas qu’il faut cacher les mauvaises nouvelles ; cela indique simplement que les mauvaises doivent être placées au second rang et dites par goût de la vérité et non plus par cupidité. A titre de scoop, notez qu’ENTREPRENDRE est une revue positive qui considère la vie comme une entreprise plutôt que comme un enchaînement de faits divers ! 

Emmanuel Jaffelin


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